Catégories
InternationalMonde Contemporain

Football : L’année du triomphe pour le Golfe

Transferts XXL en Arabie Saoudite, année exceptionnelle pour un Manchester City sous pavillon émirati, coupe du monde au Qatar, la saison qui s’achève semble avoir consacré un changement dans le centre de gravité de la planète football. Retour sur l’émergence d’un nouveau pôle du football mondial : le Golfe.

Le sport est indéniablement géopolitique, et le football en sa qualité de sport le plus visionné au monde, n’échappe pas à cette logique. Bien au contraire. Et à ce jeu là, une nouvelle région semble avoir tiré son épingle du jeu lors de la saison 2022-2023, qui vient de s’achever. Une région qui devient progressivement un nouveau pôle du football mondial, par ses investissements et son influence : le Golfe.

Les Emirats sur le toit du monde

La victoire la plus éclatante de ce pôle émergent est celle des Emirats Arabes Unis. Dans la nuit stambouliote, samedi 10 juin, Manchester City a remporté la première Champions league de son histoire, sacre ultime pour un club. Une victoire d’autant plus historique qu’elle s’accompagne de deux autres titres en championnat et en FA Cup. Ce triplé n’a été réalisé qu’une seule fois par le passé, par le rival de toujours Manchester United. Cet exploit est aussi celui de l’Abu Dhabi United Group, actionnaire principal du club depuis 2008. Son propriétaire, le cheikh Mansour bin Zayed Al Nahyan, est un membre de la famille royale émiratie. C’est donc une stratégie d’investissement sur quinze ans qui a été couronnée samedi au terme d’une saison hors norme. L’enjeu d’image est colossal pour ce club nouveau riche et ses propriétaires qui entrent ainsi au panthéon du foot. Et ce d’autant que le Paris Saint-Germain, détenu par un fonds souverain Qatari depuis 2011, ne cesse d’échouer à son objectif ultime, qui est également de remporter la coupe aux grandes oreilles. La rivalité géopolitique opposant les deux états du Golfe se prolonge jusque dans le football européen, et donne à la victoire de City un poids supplémentaire non négligeable.

Le Qatar, entre ombres et lumière

Le Qatar n’est pourtant pas en reste en ayant organisé fin 2022 la première Coupe du monde de football hivernale. Si la compétition a été entachée de scandales sociaux et climatiques, elle s’est révélée un véritable succès d’image pour l’émirat. Un succès bien aidé, il faut le dire, par le scénario intense de cette Coupe du monde qui a vu le Maroc atteindre des sommets, la France manquer de si peu le doublé, et Lionel Messi obtenir le dernier sacre qui lui manquait, et pas des moindres. Or la candidature du Qatar à l’organisation du mondial, par ailleurs entachée de soupçons de corruption, remonte à… 2008. La bataille est donc rude avec le voisin émirati. Un partout, la balle au centre ? La compétition semble en tout cas continuer de battre son plein. Les rumeurs se sont multipliées ces derniers mois concernant le rachat de clubs par le Qatar dans différents championnats, dans l’optique d’imiter la stratégie émiratie qui a construit un groupe de clubs partenaires autour de Manchester City. Et l’un des clubs visés par le Qatar n’est autre que Manchester United.

L’Arabie Saoudite, nouveau concurrent ?

Un dernier pays a rejoint cette saison la compétition régionale en usant cette fois d’une stratégie nouvelle. Plutôt que d’investir en Europe dans des clubs vitrines, l’Arabie Saoudite a choisi d’importer les talents européens dans son propre championnat. Une stratégie qui sied par ailleurs mieux à ce pays autrement plus grand et plus peuplé que ses voisins. Après Cristiano Ronaldo, qui a ouvert grand la porte en s’engageant avec Al Nass au début de l’année, Karim Benzema vient de rejoindre Al-Ittihad pour un contrat inédit : trois années avec un salaire annuel d’environ 200 millions d’euros. N’Golo Kanté lui aurait emboîté le pas en s’engageant dans la foulée dans le même club pour trois ans également. Ces dernières signatures, qui sont intervenues avant même que le mercato ne débute officiellement, sont un véritable pavé dans la mare. C’est en effet la première fois que des joueurs d’une telle envergure signent en Arabie Saoudite, et une véritable opportunité pour le championnat de se développer. Le gouvernement vient d’ouvrir la privatisation des clubs permettant notamment à des entreprises comme le pétrolier national Aramco de devenir propriétaires et d’investir. L’objectif final consiste à moderniser les infrastructures et entraîner le football saoudien dans une nouvelle dimension, notamment au plan international.

Cette stratégie s’inscrit pleinement dans le plan plus global du prince héritier Mohammed ben Salmane intitulé « Vision 2030 », qui vise à faire du pays un centre économique et touristique mondial devant relativiser sa dépendance au pétrole. L’avenir permettra de juger de ces différentes stratégies, mais une chose est sûre : le football n’a jamais autant penché vers le Golfe.