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Dieu est une femme noire

J’ai récemment lu Sorcières de Mona Chollet. Outre le fait que ce livre est divin, il est également truffé de références artistiques, littéraires et universitaires. Dans sa conclusion, l’autrice parle d’une grande oeuvre artistique qui a beaucoup fait parlé d’elle sur Internet en 2017. C’est l’oeuvre de Harmonia Rosales intitulée La création de Dieu. Revenons sur cette oeuvre importante de l’art afro-américain, de l’art féministe et de l’art militant.

Zomm sur La création de dieu, Harmonia Rosales, 2017 © Vidéo Brut – L’artiste Harmonia Rosales réinterprète les grands classiques de la peinture.

Une artiste engagée

Harmonia Rosales est une artiste américaine. Elle vie à Chicago et y travaille. Elle a 33 ans et est, depuis son plus jeune âge, passionnée par l’art de la Renaissance. La peintresse est impressionnée par la finesse des traits et par la perfection des techniques. Néanmoins, beaucoup de caractéristiques vont vite calmer sa passion. La représentation de personnages exclusivement blanc.che.s, l’idéalisation des corps féminins et les normes de beauté européennes irréelles. Elle décide alors de réinventer cet art des puissants, des privilégiés, cet art des hommes blancs dominants. Cette idée de réinterprétation des classiques lui est venue de sa fille qui se questionnait sur le fait de ne pas voir de femmes noires dans l’art. Pour se faire, elle puise dans l’actualité ainsi que dans ses origines cubaines et africaines. L’artiste produit des oeuvres exceptionnelles, qui prêchent l’amour de soi, l’empowerment et l’empathie.

Harmonia Rosales en 2022 © Vidéo UCSB Interdisciplinary Humanities Center – Harmonia Rosales : Regeneration Artist Talk

Une oeuvre clé

En effet, en 2017, Harmonia Rosales produit La création de Dieu. Cette oeuvre est une réinterprétation de la célèbre oeuvre de La Chapelle Sixtine La création d’Adam peinte par Michel-Ange entre 1508 et 1512. On y voit à droite, à la place de Dieu et des anges, une femme noire, la Déesse donc et des figures noir.e.s également. À gauche, à la place d’Adam, se trouve une femme noire. Tous les personnages sont dans les mêmes positions que la peinture de Michel-Ange. La différence se trouve dans les couleurs de Rosales. On observe un rose et un orange plus prononcés qui entourent la déesse à droite. À gauche, les couleurs entourant la femme noire sont également plus vives. On y voit un rouge foncé et un jaune foncé presque or qui lui marque même la peau à certains endroits. Le regard échangé est également le même.

Cette peinture fait partie d’une série intitulé B.I.T.C.H : Black Imaginery To Counter Hegemony. En français cela donne : Imaginaire noir pour répondre à l’hégémonie (hégémonie traduisant le monopole de la blancheur dans l’art). On trouve au sein de cette série d’autres tableaux dont une relecture de La naissance de Vénus de Boticelli par exemple.

Une réappropriation artistique

Par ses tableaux, Harmonia Rosales pousse donc à une certaine relecture de l’Histoire. En effet, elle rappelle par exemple que le berceau de l’humanité se trouve en Afrique. C’est ici qu’on retrouve les premières traces d’êtres humains. Il est donc totalement sensé de penser que Dieu peut-être noir, et pourquoi pas alors, une femme.

Elle souhaite une relecture moderne de l’histoire qui questionne la sur-représentation des hommes blanc, la sur-représentation des corps féminins idéalisés. Ses oeuvres sont une porte ouverte aux débats, aux réflexions ; et ça marche. Son tableau La création de Dieu a été largement partagé sur les réseaux sociaux faisant reconnaître son travail internationalement. Néanmoins, ce partage massif lui a aussi valu de nombreuses critiques. Elle a été accusée de racisme au vue de sa prise de position pro-noir.e. Elle réussi malgré tout à se défendre en rappelant que pour elle pro-noir.e n’est en aucun cas synonyme d’anti-blanc.

Birth of Oshun, Harmonia Rosales © Vidéo Youtube : Harmonia Rosales at UCSB Architecture and Design

Une bouffée d’air frais

Dans une histoire de l’art dominée par les hommes blancs, le travail de Harmonia Rosales est une bouffée d’air frais qui nous rappelle des choses importantes. Il nous rappelle que non, les hommes blancs ne sont pas les seuls modèles devant nous représenter. Que non, ils ne sont pas à l’origine de tout, partout et à toute époque. Elle rappelle l’importance de consommer un art plus varié, plus vrai et de cesser de se cantonner aux supposés classiques, au supposé grand art qui a façonné notre histoire (ou seulement la leur ?). Voici ce qu’écrit Mona Chollet à propos du tableau dans Sorcières :  » Son tableau donne le vertige. Il nous fait prendre conscience de ce que les représentations auxquelles nous sommes habitués ont d’arbitraire, de relatif, de contestable. » Changeons les représentations pour changer les esprits. (cf. Harmonia Rosales sur Konbini).

Pour aller plus loin, voici le site de Harmonia Rosales qui regorge d’oeuvres intéressantes et d’écrits sur son travail : https://www.harmoniarosales.art.