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Les coups de cœur 2023 de la rédac cinéma

En 2023 sont sortis de nombreuses pépites cinématographiques, et nous vous proposons aujourd’hui voici un rapide tour d’horizon des films que nous avons préférés. Nous espérons que vous reconnaîtrez vos favoris dans ce top ou que vous découvrirez de nouveaux films à regarder !

Bottoms, de Emma Seligman (Lucile)

Bottoms est une des pépites de cette année 2023. Emma Seligman frappe fort (littéralement) avec ce deuxième long-métrage en nous offrant une comédie déjantée reprenant les codes des comédies États-uniennes pour adolescent.e.s qui ont forgé tant de nos imaginaires. 

Mais cette fois, les stéréotypes souvent récurrents dans ces films sont détournés par un prisme féministe et queer, ce qui donne un mélange particulièrement génial. Prônant une vie sexuelle libre de jugements, consciente et consentante pour toustes, tout en conservant un humour délirant, le film pousse son concept jusqu’au bout, pour notre plus grand plaisir.

Le Règne animal, de Thomas Cailley (Juliette)

Nous ne lui avions pas consacré d’article à sa sortie, mais Le Règne animal fait partie de ces petits miracles du cinéma français fantastique, dont la rareté contribue à la beauté. 

Une séquence d’ouverture magistrale, un équilibre entre effroi, inquiétude, curiosité et empathie parfaitement maîtrisé, une bande-son originale mystique et un casting très bien choisi, je ne sais décidément pas ce que j’aime le plus dans ce film. 

L’équipe du film a fait le choix d’utiliser le plus de décors naturels possibles, et ça fait vraiment beaucoup de bien à nos yeux. L’esthétique des « créatures » est sublimée par des effets spéciaux maîtrisés et bien dosés. 

Enfin, le film aborde des sujets essentiels à travers le fantastique : l’écologie et notre rapport à la nature et ceux qui la peuplent, la transformation du corps, l’image que l’on renvoie à l’autre, la domination et la volonté d’anéantissement de la différence par un corps martial et médical.

Les centres dans lesquels sont envoyées les créatures évoquent évidemment les établissements psychiatriques, supposés être des lieux de soin mais qui incarnent en fait des lieux d’emprisonnement. Un moyen de séparer les personnes « saines d’esprit » des autres, de tracer une frontière indélébile et supposément évidente pour toutes et tous. 

J’ai été marquée par le personnage de Nina qui évoque son TDAH (très peu représenté au cinéma) lors d’une séquence au lycée, et par celui d’Emile qui explique à son père qu’il souffre énormément de l’exacerbation de ses sens, due à sa transformation progressive.

Le personnage de Romain Duris lui confie alors une panoplie constituée de bouchons d’oreille, pince nez, lunettes de soleil qui fera sourire toutes les personnes concernées par ces désagréments dont beaucoup de monde ignore l’existence et son impact sur le quotidien et la perception du monde.

Marcel le coquillage (avec ses chaussures), de Dean Fleischer-Camp (Guillaume)

Pour être dans ce top Marcel the shell a accompli un miracle : il a réussi à marier les techniques méticuleuses du stop motion et le naturel saisissant de la caméra portée. Le résultat ? Un film d’animation révolutionnaire, doublé du documentaire intimiste le plus touchant de l’année. Une dualité impossible que personne n’avait vu venir et qui nous a beaucoup ému.

Toute la beauté et le sang versé, de Laura Poitras (Jade)

Après Citizenfour (2015) qui lui avait valu l’Oscar du meilleur documentaire, Laura Poitras revient sur le devant de la scène avec Toute la beauté et le sang versé, portrait poignant de la photographe et activiste américaine Nan Goldin. Le film prend comme point de départ le combat de l’artiste contre la société pharmaceutique Purdue Pharma, propriété de la famille Sackler connue pour son implication dans divers procès et scandales liés à la crise des opioïdes qui touche depuis plusieurs années les États-Unis.

Loin de se contenter de dresser un simple réquisitoire de l’industrie pharmaceutique américaine, Laura Poitras propose une structure narrative complexe, basée sur une double narration. C’est ce dédoublement, qui rend d’ailleurs le propos aussi puissant. À l’instar d’un roman photographique, ce dernier retrace l’œuvre de Goldin et parvient de manière poétique et bouleversante à nous montrer la façon dont sa vie personnelle a à la fois fondé et nourri  son art.   Photographe de l’ordinaire, fermement opposée à la normativité qui régnait dans la société américaine des années 80 Nan Goldin se place en symbole de l’underground New-Yorkais.

Le film, bien que déroutant par sa forme, parvient à articuler avec habileté  la disparité des thèmes qu’il traite. Plongé dans l’intimité de l’artiste, de sa célèbre série photos The Ballad of Sexual Dependancy à ses engagements au cours des années SIDA le film se fait porte parole de l’artiste, nous montrant dans une ballade à la fois douce et amère la façon dont les engagements d’hier se mêlent à ceux d’aujourd’hui.

Tótem, de Lila Avilés (Gabriela)

Prétendant à l’Oscar du Meilleur Film International, Tótem est sans aucune doute l’un des films mexicains les plus surprenants de 2023. Le deuxième long-métrage de Lila Avilés suit Sol, une fillette de sept ans, lors d’un après-midi passé chez la famille de son père pour l’anniversaire de celui-ci. Pourtant, sa visite se voit très vite perturbée par l’arrivée imminente de la mort, une présence obscure qui plane dans la maison et qui empêche la protagoniste de passer du temps de qualité avec son père. Décrit par elle-même comme une radiographie, Tótem est une image en rayons X du vécu et des sentiments les plus profonds de la réalisatrice, qui arrive à dépeindre de manière simple et naturelle ce que signifie qu’une célébration familiale lorsque celle-ci s’accompagne de perte et de deuil.

Spider-man: across the spider-verse, de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson (Evan)

En 2023, deux films d’animation m’ont particulièrement frappé : Le Chat Potté 2 et Spider-man: across the spider-verse. Le premier parce qu’il m’a ramené à mon enfance, que j’aime beaucoup le personnage du Chat, et qu’il m’a paru un vent de fraîcheur dans l’animation Dreamworks. Après cette première claque est arrivée une seconde, plus violente et encore plus appréciée : Spider-man.

Ce second opus, centré sur la découverte par Miles Morales du Spider-verse, des univers parallèles où existent mille et une versions (et plus) de Spider-man. Il reprend brillamment les thèmes du premier – la famille, le destin, le passage à l’âge adulte, l’amitié – à travers une intrigue à mille rebonds. Spider-man: across the spider-verse m’a impressionné par son inventivité en termes de styles de dessin (qui déploient les univers parallèles), par le dynamisme de son animation et par sa bande-son (formée de nombreux morceaux de rap composés pour le film).

Aftersun, de Charlotte Wells (Maëlle)

Je suis allée voir Aftersun sans en savoir rien et en suis sortie avec suffisamment de larmes pour remplir la piscine de l’hôtel du film. Cette œuvre d’une immense douceur entre déclaration d’amour et lettre d’adieu nous emmène aux confins de l’enfance de Sophie, qui tente de se remémorer les dernières vacances passées avec son père. Les souvenirs sont rendus par les fragments filmés au caméscope par le père et la fille : l’œuvre prend des airs d’enquête pour reconstruire le passé à partir d’indices, de réminiscences ténues et de vidéos anciennes.

Mais c’est avant tout une plongée dans le monde de l’enfance, avec une héroïne de 11 ans emmenée sur la côte turque par son père. Trop jeune pour interagir parfaitement avec les adolescents de l’hôtel mais trop âgée pour se satisfaire de la seule présence de son père, Sophie passe ses journées entre l’extase des vacances paradisiaques et un vague ennui au bord de la piscine.

Le film se constitue comme la mémoire : une multitude plus ou moins ordonnée de fragments de souvenirs assemblés a posteriori et dont il s’agit de faire émerger un sens. Et en effet, quoi de mieux que le cinéma pour reconstituer ce puzzle sensoriel ?

En bref, ce film m’a profondément marquée pour la tendresse qui l’imprègne, permise par les performances magistrales de Paul Mescal et Frankie Corio, et sa question perpétuelle : comment retrouver ce qui a disparu ?