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Dune Partie 2 : Jusqu’au dernier souffle

Il faut un moment avant de reprendre ses esprits en sortant de la salle de cinéma. C’est avec la bande son de Hans Zimmer encore dans les oreilles, des images de désert encore dans les yeux et des questions plein l’esprit que Denis Villeneuve nous laisse, hagards.

« Lead them to paradise » / « Envoie les au paradis »

Le réalisateur de Dune Partie 2 est également celui de Arrival et Blade Runner 2049, deux oeuvres elles aussi traversées par des thématiques chères à Denis Villeneuve.

Arrival (ou Premier contact), traite d’une première rencontre avec une espèce extra-terrestre et l’effort désespéré d’une chercheuse pour les comprendre et pour prévenir un acte de violence envers elle. On y retrouve des vaisseaux spatiaux lisses et flottants dans l’atmosphère, comme inconscients de leurs poids et de leur puissance. Villeneuve réutilise aussi des effets spéciaux qui semblent lui tenir à cœur comme les « tâches » d’encre qui s’étalent dans le vaisseau alien de Arrival aussi bien que dans le ciel de la planète des Harkonnen.

Il y a dans Blade Runner 2049 une scène culte où Ryan Gosling avance dans un désert d’un orange flamboyant, où des colosses de pierre sont tombés en morceaux. Le désert, la grandeur, la traque, la liberté d’être et la lutte contre l’oppression ; tous ces thèmes font écho dans Dune.

Premier Contact (Arrival), Denis Villeneuve, 2016

Le sous-texte antiproductiviste, le clair discours anticolonialiste (déjà présent dans le livre) et écologiste nourrissent le film en profondeur. La survie ne peut se faire que dans le respect et la compréhension d’un écosystème : c’est pourquoi les Fremen survivent dans le désert là où les autres y meurent. La question de l’aveuglement religieux et politique est elle aussi centrale à l’œuvre de Herbert, et Villeneuve réussit à retranscrire l’atmosphère du livre, pourtant écrit dans un tout autre contexte.

Car le désert est un personnage en lui-même dans Dune, encore plus dans ce second volet que dans le premier. Il vit, frémit et avale tous ceux qui refusent de reconnaître sa puissance, tous ceux qui se sont déconnectés de la terre, de la nature. Au-delà des images sublimes du désert (qui en viennent à égaler la version Black and Chrome de Mad Max: Fury Road (2016)), ce sont aussi ces messages d’engagements écologiques que délivre le film.

Le travail de création des mondes est un immense point fort de ce deuxième volet. Les décors, l’architecture, les costumes, les rites et les vaisseaux, chaque élément est pensé par planète, par maison. Par exemple, les robes portées par les femmes du culte Bene Gesserit s’adaptent à la température de chaque planète mais restent reconnaissables, le visage masqué par un tissu noir comme un casque. L’armure portée par Florence Pugh, protégeant son visage, évoque son appartenance à cette guilde, montrant le très grand détail apporté aux costumes. Villeneuve a également fait appel à un créateur de langage, qui a aussi travaillé sur Game of Thrones, poste essentiel puisque une grande partie du film est tournée dans des langues inventées pour cet univers.

Les jeux politiques, au cœur de cette histoire, sont haletants. Il ne s’agit pas que de la prise de pouvoir sur l’épice ou la planète Arrakis, il s’agit de choisir le chemin que l’humanité va prendre pour les siècles et les siècles à venir.

Les enjeux de Dune sont à la fois incommensurables et très humains : c’est ici que la relation entre Chani et Paul joue tout son rôle. Le personnage de Paul reste humain et compréhensible par l’amour qu’il porte à Chani, par sa volonté de rester avec celle qu’il aime. Il est par ailleurs tout à l’honneur de Villeneuve d’avoir réussi à étoffer tous les personnages féminins de la saga par rapport aux livres. Les derniers plans du film (sans spoiler), écho aux plans du premier volet, montrent cette volonté de mettre en avant des personnages féminins forts, construits et avec des arcs narratifs et des buts concrets, ce qui demeure toujours trop rare.

« You are not prepared for what is to come » / « Tu n’es pas prêt pour ce qui vient »

Dune, l’œuvre de Frank Herbert, est un ouvrage massif de presque 900 pages, continué ensuite en cinq autres livres, qui poursuivent l’histoire sur des millénaires. Villeneuve souhaite pousser l’histoire traitée dans ses films jusqu’à Dune Messiah, le deuxième tome de la saga. En regardant le matériel d’origine de Dune, il est plus facile de comprendre pourquoi le film dure 2h46. S’il y a effectivement quelques longueurs, dans l’ensemble, cela reste surmontable. Se pose cependant la question de comment le réalisateur va conclure toutes les intrigues débutées jusqu’ici tout en suivant le matériel d’origine alors qu’il n’est pas prévu qu’il fasse plus de trois films.

« I will love you as long as I live and breathe » / « Je t’aimerai jusqu’à mon dernier souffle »

Dune 2 s’inscrit donc dans la même lignée que le premier volet de la saga : un film mémorable, puissant, travaillé dans tous ses détails. Le voir au cinéma permet de plonger dans le désert et d’expérimenter toute la musique de Hans Zimmer qui livre ici une bande son particulièrement réussie. Il ne reste plus qu’à attendre la suite.