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La psychologie de la personnalité – une brève introduction

La psychologie différentielle, une branche de la psychologie qui s’intéresse aux différences inter-individuelles (entre les individus), s’est particulièrement intéressée à deux aspects centraux de la psyché humaine : l’intelligence et la personnalité. L’étude de l’intelligence ayant déjà été traitée dans un précédent article, nous nous intéresserons aujourd’hui à l’étude de la personnalité par la psychologie différentielle. 

L’étude de la personnalité humaine remonte à de nombreux siècles. Durant l’antiquité déjà, Hyppocrate avait développé un modèle des personnalités basé sur l’influence des planètes et des 4 éléments de la nature et en y rajoutant des fluides corporels (bile jaune, bile noire etc.). S’en est suivi toute une série de théories pré-scientifiques, toutes fausses car basées sur une part de subjectivité importante, où la personnalité était essentiellement évaluée selon les caractéristiques physiques (morpho-psychologie). La recherche a aujourd’hui démontré que le lien entre personnalité et aspects corporels était parfaitement inexistant. 

Définition des termes: la personnalité, une notion aux contours flous

La première difficulté quand il s’agit d’étudier la personnalité consiste à s’accorder sur une définition de ce terme. Les chercheurs ayant travaillé sur ce concept s’accordent tout de même, dans les grandes lignes, à dire que la personnalité un tout, difficile à observer et modéliser, guidant de manière relativement stable et cohérente les comportements. La personnalité engendre donc des patterns de réponses comportementales cohérents et consistants dans le temps et en fonction des situations rencontrées. 

Ensuite, il s’agit de définir plusieurs termes qui sous-tendent notre notion clé : 

  • Le tempérament : il concerne des traits innés de personnalité, qui seraient transmis génétiquement, et inclut des aspects émotionnels et de motivation. 
  • Le caractère : il concerne des dispositions durables qui surviennent au cours de la vie. Cette notion pose problème en ce qu’elle implique trop de caractéristiques morales. Pour cette raison, ce terme n’est quasiment plus utilisé par les psychologues aujourd’hui, qui y préfèrent le terme de trait. 
  • Le trait : il concerne une caractéristique durable et continue, qui varie donc relativement peu dans le temps. Le trait est une disposition à se conduire d’une manière particulière. Dans cette logique, la personnalité se définit comme un assemblage de traits. 

Dans l’histoire de la psychologie, plusieurs approches ont tenté de proposer des modèles de compréhension de la personnalité. L’approche la plus importante, et sur laquelle est basée la majeur partie de la recherche actuelle en psychologie différentielle, est celle par le trait. 

Approche par le trait de personnalité : le modèle « Big Five » et ses sous-traits

En reprenant la définition du « trait », celui-ci est une unité de base inscrite dans une logique dimensionnelle, c’est-à-dire qu’il se distribue, comme pour l’intelligence, selon une loi normale. La plupart des gens se retrouvent donc « au milieu », dans la norme. Ainsi, les traits de personnalité nexistent pas en tant que tels, mais servent à comparer les individus entre eux : quelqu’un n’est donc pas extraverti en soi, mais par rapport aux autres individus. 

Le modèle en 5 facteurs (Big Five) est le modèle dominant dans le champ de la psychologie différentielle, et s’inscrit dans la continuité des multiples travaux de l’approche par le trait. Ce modèle a une origine empirique solide, étant issu d’une analyse statistique poussée sur des échantillons importants de participants. 

Proposé en 1987 par les psychologues Costa et McCrae, le Big Five décrit la personnalité en 5 traits. 

  1. Ouverture : grande curiosité, non-conformiste et créatif.
  2. Consciencieusité : contrôle des impulsions socialement prescrites qui facilitent la tâche et le comportement dirigé vers un but (contrôle de soi, planification, organisation, ordre).
  3. Extraversion : approche énergique face au monde social et matériel, capacité à faire l’expérience d’affects positifs (vers l’extérieur).
  4. Agréabilité : orientations prosociales envers les autres, maintien de relations positives avec autrui (altruiste, sympathique).
  5. Névrotisme / neuroticisme : propension à faire l’expérience d’émotions négatives (anxiété, dégoût, tristesse, colère).

Pour chacun de ses 5 traits, Costa et McCrae vont rajouter un ensemble de sous-traits, appelés facettes, au nombre de 6 pour chacun des traits. 

Tests de personnalité : NEOPI et ses utilisations paradoxales

Basé sur ce modèle à 5 traits, plusieurs tests de personnalité vont émerger, dont le plus utilisé et le plus solide empiriquement : le NEOPI, évalue le niveau de chacune des 30 facettes. Celles-ci sont en théorie indépendantes les unes des autres, un individu peut donc avoir des scores bas ou très élevés dans chacun des 5 facteurs. A noter que le NEOPI ne peut être administré que par une personne possédant le titre de psychologue, contrairement à son concurrent direct, le MBTI, qui par ailleurs, ne se base pas sur le Big Five et est qualifié de « pseudo-science » par la quasi-totalité des psychologues. Il faut atteindre l’âge de 30 ans avant d’observer une certaine stabilité des scores au niveau de la personnalité. Cette stabilité ne signifie pas que notre personnalité n’évoluera plus avec le temps, mais que passé cet âge, l’évolution sera plus progressive, de par la nature profonde et ancrée des traits de personnalité. 

Le NEOPI est essentiellement utilisé dans un contexte clinique pour améliorer la prise en charge des patients et la compréhension de leur profil, mais il peut aussi être utilisé par des psychologues conseillers en orientation ou en ressources humaines. Paradoxalement, ce test de personnalité n’est pas davantage utilisé à des fins de détection des troubles de la personnalité, que de diagnostic d’autres troubles psycho-pathologiques. Ceci s’explique notamment par le contexte de création du Big Five qui s’est basé sur un échantillon de personnes saines, sans ambition particulière d’utiliser ce modèle pour détecter les troubles de la personnalité. L’étude de ses troubles relève davantage d’une autre catégorie de la psychologie : la psychologie clinique. 

Troubles de la personnalité : tentative de démystification

Les troubles de la personnalité correspondent à une catégorie de troubles psycho-pathologiques. Les symptômes principaux varient beaucoup en fonction des types de personnalité, mais ont tous en communune certaine psychorigidité, inadaptabilité aux situations, qui causent une altération importante du fonctionnement social et/ou professionnel, et surtout, qui peuvent causer une souffrance significativechez lindividu concerné. Les troubles de la personnalité se caractérisent par une apparition des symptômes assez précoce, souvent vers la fin de l’adolescence et le début de la vie adulte. 

Le DSM-5, le manuel diagnostic dominant dans la psychologie, liste 10 types de troubles de la personnalité et les répartit en trois groupes (A, B et C).

Le groupe A concerne les troubles caractérisés par des comportements relativement excentriques, couplés avec des symptômes psychotiques. 

  • Le trouble de la personnalité (TP) paranoïaque : se caractérise par une méfiance et suspicion extrêmes, paranoïa.
  • Le TP schizoïde : se caractérise par un désintérêt envers les autres, des difficultés à nouer des liens sociaux, à éprouver du plaisir dans des activités, isolement social). 
  • Le TP schizotypique : se caractérise par des idées/comportements excentriques, une anxiété sociale importante, voire même présence de délires. 

Le groupe B comprend, lui, plutôt des comportements dramatiques, émotionnels ou erratiques.

  • Le TP antisociale : se caractérise par un mépris, une indifférence pour les normes sociales pour les autres, incluant de la fourberie et de la manipulation à des fins personnels. Il est généralement associé à la psychopathie et la sociopathie pour le grand public. 
  • Le TP borderline (aussi appelé « trouble de la personnalité limite ») : se caractérise par des relations instables, une impulsivité importante et une certaine dérégulation émotionnelle. 
  • Le TP histronique : se caractérise par une recherche constante et excessive d’attention (besoin de plaire, compassion) et des excès émotifs (dramatisation, colère intense etc.).
  • Le TP narcissique : se caractérise par un schéma constant de grandiosité, de besoin d’admiration et par un manque d’empathie important. 

Enfin, le groupe C comprend des comportements anxieux et craintifs. 

  • Le TP évitante : se caractérise par un évitement à tout prix des contacts interpersonnels, une sensibilité extrême aux situations négatives, une peur excessive du rejet.
  • Le TP dépendante : se caractérise par une soumission, une dépendance psychologie accrue et persistante aux autres individus, souvent couplée à une nécessité d’être pris en charge. 
  • Le TP obsessionnelle-compulsive (≠ TOC = trouble obsessionnel-compulsif) : se caractérise par un perfectionnisme extrême et des préoccupations excessives pour l’ordre et le contrôle. 

Tous ces troubles de la personnalité se recoupent sous deux dysfonctionnements majeurs : ils peuvent subvenir au niveau de l’estime de soi (perception de soi etc.) et au niveau du fonctionnement interpersonnel (relations avec les autres). Les personnes souffrant de troubles de la personnalité peuvent paraître souvent très contradictoires pour leur entourage. Elles peuvent notamment avoir des difficultés à définir les limites entre soi et les autres, et leur estime de soi est souvent disproportionnée (trop élevée ou trop faible). 

Si les tests de la personnalité basés sur le Big Five comme le NEOPI ne peuvent pas permettre de diagnostiquer ces troubles de la personnalité, plusieurs études ont tenté de voir si certaines configurations des traits de personnalités associées à des troubles particuliers. Le seul élément significatif qui ressort de ces études concerne la présence de scores élevés sur le trait neuroticisme pour les personnes atteintes de troubles de la personnalité. 

Ce décalage entre l’approche développée par la psychologie différentielle avec le Big Five et l’approche clinique des troubles de la personnalité est assez problématique. Ces deux branches de la psychologie traitent du même sujet, la personnalité, avec une perspective différente (l’une différentielle, l’autre clinique), mais ne parviennent pas à se rejoindre sur des aspects communs. Il est donc urgent de proposer une approche permettant de faire le lien entre ces deux perspectives. C’est ce que propose une toute nouvelle approche en psychologie différentielle : l’approche en réseau.