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Interview d’Aimelou, portrait d’une autrice engagée

A 22 ans tout juste, Aimelou est autrice de romans contemporains YA et de Fantasy. Elle a notamment fait paraître son premier livre, On tatouera notre jeunesse dans la neige, de manière indépendante en décembre 2021. Pour le Tote Bag, elle a accepté de prendre le temps de répondre à nos questions et de revenir sur son parcours.

Le Tote Bag: Bonjour Aimelou, et merci de ta présence pour cette interview. 

Aimelou : Merci pour cette belle invitation, Suzanne !

LTB : Tout d’abord, est-ce que tu peux te présenter, pour nos lecteur.ices qui n’auraient pas encore eu le plaisir de faire ta connaissance ?

Aimelou : Je suis Aimelou, j’ai 22 ans et je suis autrice de romans contemporains sensibles et engagés, et de fantasy plutôt cozy et intuitive. À côté de l’écriture, dans la vie, je suis étudiante et je fais actuellement un master en Économie Sociale et Solidaire. J’ai grandi en Savoie, mais depuis le début de mes études, je bouge beaucoup ! J’aimerais pouvoir me poser à nouveau dans les montagnes quand cette sacrée période sera passée.

LTB : Ton premier roman publié s’intitule On Tatouera Notre Jeunesse Dans La Neige. De quoi parle-t-il ?

Aimelou : On tatouera — j’abrège toujours le titre, c’est plus pratique — c’est l’histoire d’un groupe d’ami·es séparé·es par leurs études qui se retrouvent le temps d’une semaine de vacances dans un chalet à Pralognan-la-Vanoise, en Savoie. Iels ont toustes une expérience différente de la vie post-bac et tentent de naviguer à l’intérieur de leurs relations malgré tout. C’est avant tout une histoire d’amitié, sur la force des liens et le soutien qu’on peut y trouver, comment tout s’apaise lorsque l’on est bien entouré·e. C’est aussi l’exploration de l’amour queer, dans une bulle de douceur. Et bien sûr, c’est une ode aux montagnes, au ski et au fromage ! 

( LTB : Pour ceux que ca intéresse, le roman est disponible à l’achat ici. Vous pouvez également retrouver notre chronique sur On tatouera).

Crédits : Aimelou. Photo issue de son site internet.

LTB : Parmi les Marmottes Givrées (le nom de ce groupe d’amis fictifs), beaucoup se retrouvent sous le terme queer. Or, pour une fois, leur histoire n’est pas tragique, et ça fait du bien ! Après des tropes classiques comme #burryyourqueers ou celui du harcèlement des adolescent.es qui déjouent les normes de la binarité, il semblerait qu’on assiste à un renversement des narrations. Selon toi, quelle est l’importance de raconter des histoires qui sont dépourvues de drames lorsque l’on raconte la communauté LGBTQIA+ ? 

Aimelou : Comme tu le dis, déjà, ça fait du bien. Il n’y a pour moi rien de plus important que d’avoir des espaces où l’on peut être soi et en sécurité. Je trouve aussi que la souffrance queer, s’il est important d’en parler, est aussi instrumentalisée par l’hétéro-cis-normativité, et qu’elle crée une rhéthorique qui dit “pourquoi vouloir sortir de ce cadre si c’est pour en souffrir ?” Il est plus qu’urgent et important, dans un contexte politique d’extrême-droitisation et de recrudescence de la violence envers les personnes minorisées (il n’y a qu’à regarder la proposition de loi que vient d’adopter le Sénat pour “lutter contre l’écriture inclusive et protéger la langue française”) de partager des récits positifs, bienveillants et stimulant concernant la communauté lgbtqia+. 

LTB : Non seulement ce roman est réconfortant, mais de plus, il insiste beaucoup sur la notion de safe space et il est notamment intégralement rédigé en écriture inclusive ! Dis nous, est-ce que l’avenir s’écrit à l’inclusif ? Quelles perspectives pour le trait d’union dans les maisons d’édition françaises selon toi ? 

Aimelou : Écoute, je ne lis pas l’avenir, mais si on envisage un futur avec davantage de justice sociale, il s’écrit alors évidemment à l’inclusif. Je pense qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire pour partager des ressources sur la langue et permettre l’éducation autour de ce sujet, et cela passe par différents moyens. Si par exemple, l’école et les médias s’en emparaient, alors j’ai du mal à imaginer comment la majorité des personnes pourrait préférer conserver les règles et usages sexistes existants. Mais encore faudrait-il pour cela que tout le monde ait accès à ces informations-là… et ça, ce n’est pas gagné !  Pour ce qui est des maisons d’édition (ME), je trouve qu’on voit des efforts, mais l’impression que j’ai pour l’instant, c’est que l’initiative vient quand même beaucoup des auteurices. Il y a aussi des ME très engagées comme Lézard des Mots ou Jeanne Sélène. J’ai toutefois peur que ces progrès restent marginaux dans le vaste marché qu’est celui du livre.

LTB : Tu as choisi l’auto-édition pour ce projet, en partie pour être certaine qu’il te resterait fidèle. Qu’as-tu appris au cours de ce parcours qui peut sembler intimidant à beaucoup ?

Aimelou : Vaste question ! Déjà : eh bien, j’ai appris qu’avant qu’un livre se retrouve sur les étagères d’une librairie il y a beaucoup d’étapes, avec de nombreux interlocuteurices et un énorme travail ! J’ai eu la chance d’être accompagnée et aiguillée par une super éditrice (Marion, de Miralta Edito) sans qui je me serais sûrement égarée et je n’aurais pas atteint le beau produit final que j’ai la chance d’avoir aujourd’hui. J’ai compris à quel point la chaîne du livre est complexe, aussi, et que lorsqu’on ne passe pas par une ME, des étapes comme la diffusion et la distribution peuvent devenir très fastidieuses en fonction des choix que l’on fait. Mais j’ai surtout appris, avec cette expérience unique d’auto-édition, que l’on peut concrétiser la vision que l’on nourrit pour son projet, et que le résultat peut même se révéler au-delà de ses attentes. 

LTB : Il me semble que tu suis le travail de Lauren Bastide, journaliste féministe dont tu recommandes un ouvrage à la fin de ton livre. Comme elle, je me permets de te demander : est-ce que tu as une ‘chambre à toi’ ?

Aimelou : Pour me plonger dans l’univers d’un livre, j’ai besoin d’un certain niveau de ressources mentales et physiques, c’est clair. J’ai bien remarqué que les années où je suis à sec créativement, c’est aussi là que je suis à sec physiquement. Ma ‘chambre à moi’ pour l’écriture c’est mon monde intérieur, que je prends soin de nourrir par des activités créatives et artistiques dans mon quotidien. Que ce soit par la musique, la danse, la peinture, où l’invention d’histoires à voix haute en promenade ou en faisant la vaisselle, je veille à ne pas fermer cette porte de mon esprit qui explore l’imaginaire et l’inscrit dans le réel. C’est lorsqu’elle est ouverte que les idées jaillissent et que des projets de livres prennent vie.

LTB : Chose extraordinaire, tu as écris ce livre pendant ton année d’hypokhâgne! Comment es-tu parvenue à incorporer l’écriture dans une période aussi intense de ta vie ? 

Crédits : Aimelou. Photo de l’enveloppe du fan club des marmottes, disponible sur son site internet.

Aimelou : C’est vrai que l’on me pose souvent la question, mais en fait, je ne pourrais pas aujourd’hui dissocier mon expérience de la prépa de celle de l’écriture de ce livre. Je nourrissais l’idée de ce roman depuis la Terminale, tout en sachant que je devais attendre de commencer mes études pour avoir la matière nécessaire pour l’écrire. Et c’est pour m’aider à surmonter les difficultés que je rencontrais en prépa, d’anxiété notamment, que je me suis plongée dans ce projet. C’était un doudou et une boussole. Mon guide de survie à l’entrée dans la vie étudiante, un endroit où panser ce qui faisait mal et trouver du réconfort. Et puis, les personnages et le cadre me sont venus facilement et l’écriture de ce projet était très fluide, je ne passais pas des heures sur un chapitre, généralement en une heure c’était bouclé. 

LTB : Quelle est ta routine d’écriture aujourd’hui ? 

Aimelou : Je n’ai pas de routine d’écriture ! Mon rythme varie grandement d’un mois à l’autre. Il y a des mois pendant lesquels j’écris 300 mots tous les jours (surtout et quasi exclusivement en novembre, lors du NaNoWriMo1), d’autres où je ne fais qu’une seule session d’une heure par semaine, et d’autres mois encore pendant lesquels je n’écris rien. Du tout. Suivre mes envies spontanées, saisir l’inspiration de certaines saisons est ma routine préférée.

LTB : Bien que On Tatouera soit ton premier roman disponible à l’achat dans toutes les bonnes librairies de Rhône Alpes, il est loin d’être ton seul projet ! Où peut-on te soutenir et en apprendre davantage sur tes prochaines aventures ?

Crédits : Aimelou. Photo de la box découverte, disponible sur son site internet.

Aimelou : On peut me suivre sur mon compte d’autrice sur Instagram @aimelou.autrice, qui est mon seul et unique réseau social, parce qu’ici on pense impact environnemental et on ne s’éparpille pas haha. Si l’on est moins réseaux sociaux, un format que j’affectionne particulièrement est celui de la newsletter. J’envoie la mienne une fois par mois, elle s’appelle Lettres à la Lune et j’y partage mes réflexions sur l’écriture et au-delà, en plus de livrer mes actualités en avant première. On peut s’y inscrire gratuitement depuis mon site. Ce site www.aimelou.fr est donc mon troisième canal d’information et sur lequel je partage mes projets en cours et où se trouve ma boutique. En ce moment je propose des offres d’hiver en édition très limitée si vous souhaitez vous offrir une dose de douceur pour la fin d’année.

TLB : En attendant On sèmera notre joie sur les sommets, la suite de ce groupe d’ami.es dont on rêve tous.tes, aurais-tu d’autres romans-cocons à nous recommander?

Aimelou : Je peux recommander avec plaisir les romans de Sasha Laguillon (Une autre étincelle et Atypic Love, notamment), Frontière numérique de Morgane Luc et de La Deuxième Quête de Lorsdesfeuilles qui font voyager dans des univers cozy et variés, où les personnages sont majoritairement queer et féministes (handi2 aussi, chez Morgane). Un régal pour l’hiver qui arrive ! 

Un grand merci à Aimelou pour sa disponibilité et pour ses réponses, en espérant pouvoir la lire bientôt !

Notes de Bas de Page

  1. Il s’agit du National Novel Writing Month, un challenge américain qui propose aux auteurs d’écrire 50 000 mots, l’équivalent d’un petit livre, au mois de novembre.
  2. Raccourcis pour personne handicapée.