Catégories
CinémaCulture & Arts

Festival du Film Coréen, variété et qualité sont au rendez-vous

Du 31 octobre au 7 novembre 2023, les touristes venus observer l’Arc de triomphe de Paris ont été surpris par la longueur des files d’attente qui serpentaient les trottoirs en face du Publicis cinéma. Effectivement, le petit cinéma des Champs-Élysées accueillait alors le Festival du Film Coréen de Paris (FFCP). Sa dix-huitième édition, comme la précédente, fut couronnée de succès.

La réputation du FFCP n’est pas volée, considérant que c’est depuis 2006 qu’une équipe de bénévoles passionnés sous-titre et diffuse une sélection de films sud-coréens contemporains d’excellente qualité. Qui plus est, il s’agit pour une majorité d’entre eux de leur seule projection sur le territoire français, c’est-à-dire la seule opportunité légale pour nous de voir certains des grands succès du cinéma coréen. Il n’est donc pas étonnant que le festival remplisse ses salles sans difficulté.

Pour autant, ne dévalorisons pas le travail des organisateurs du FFCP. Cette année la sélection nous a permis de découvrir d’immenses films et rarement dans ma vie je n’ai eu l’occasion de voir autant d’œuvres admirables en une seule semaine. Le niveau général était si haut que les bons films en paraissaient médiocres et que les chefs-d’œuvre étaient presque la norme, si bien qu’il est presque impossible de passer en revue tous les films intéressants dans cet article. De plus, il est difficile de conseiller ici des films qui seront difficiles à voir, ce qui fait immanquablement grandir une immense frustration chez un cinéphile comme l’auteur de ce billet.

Ma décision a donc été, malgré tout, de présenter rapidement quelques-uns de mes coups de cœur du festival. Ce faisant, je fais grandir l’espoir que certains d’entre eux croiseront la route d’un diffuseur français. Ainsi, vous aussi lecteurs, vous pourrez à votre tour partager un moment de joie autour de ces pépites.

Rebound

Rebound / 리바운드, par Jang Hang-jun

Ce film de Jang Hang-jun est une comédie dramatique sur un club de basket lycéen, très inspiré par les codes shonen sportif japonais. Il se base sur l’histoire vraie d’un « rebond », qui au basket-ball se réfère au fait de capter la balle après un tir manqué, mais qui dans ce film désigne la renaissance d’une équipe uniquement permise par sa précédente chute spectaculaire.

On le devine au synopsis, le film ne réinvente pas la roue, mais il est fait avec un tel sérieux et une telle efficacité qu’il se place aisément dans le haut du classement des divertissements contemporains. Pour commencer, tous les acteurs jonglent avec succès entre un registre comique et un registre dramatique : le film est tantôt vraiment drôle, tantôt bouleversant. Pourtant, ce qui impressionne le plus, c’est l’application du réalisateur à mettre en scène le mouvement. La chorégraphie du ballon (ou d’autres objets) dans le cadre semble millimétrée tout en restant très réaliste : on ne peut alors que s’imaginer le défi technique et sportif qu’a dû représenter le tournage.

Peafowl

PEAFOWL / 공작새, Sung-bin Byun

Le réalisateur Sung-bin Byun se spécialise pour l’instant dans des histoires à thématique LGBTQIA+. Dans son dernier long-métrage, PEAFOWL, il conte l’histoire d’une femme trans, danseuse de waacking, qui va devoir retourner dans son village familial suite au décès de son père. Le film aborde le sujet avec une fervente croyance en l’importance des phénomènes spirituels et religieux qui structurent le récit, ce qui peut dérouter au premier abord. Cependant, une fois que l’idée est acceptée, on ne peut qu’être impressionné par les superbes scènes de danse, intégrées particulièrement intelligemment au film : elles ne manquent jamais mais ne sont jamais de trop, elles arrivent toujours à point nommé. En sortant de la salle et sur le chemin du retour, le talent et le charisme marquant de l’actrice Choi Hae-jun continuent à nous envoûter.

Next Door

NEXT DOOR / 옆집 사람, Yeom Ji-ho

NEXT DOOR est le premier long-métrage de YEOM Ji-ho. Pourtant, ce thriller haletant très efficace s’est révélé, à mon avis, plus convaincant que ses camarades ayant bénéficié d’un budget plus conséquent. Avec ses personnages idiots, peu sympathiques et obsessionnels, le réalisateur montre qu’il maîtrise les codes satiriques du cinéma coréen. Ici, un apprenti policier se réveille chez son voisin, un cadavre gisant sur le sol, sans qu’il ne se souvienne de la nuit précédente. L’intrigue, premièrement nébuleuse, est si bien ficelée qu’elle s’avère très simple et compréhensible : ce qui n‘est pas souvent l’apanage de ce genre de scénario.

Honeysweet

HONEYSWEET / 달짝지근해 75010, Han Lee

Bien que peu connu en France, Yoo Hae-jin est un grand acteur comique, très populaire en Corée du Sud. Dans ce film, il joue le benêt, manipulé par tout le monde, gardant malgré tout une singularité et un caractère de bouffon qui le rendent drôle et attachant. Il poursuit ainsi son personnage du naïf découvrant l’amour avec une femme plus entreprenante, ici une mère célibataire espiègle.

Si on peut penser, dans un premier temps, que le coup de foudre n’est qu’une excuse pour mettre Kim Hee-sun (notons tout de même que la différence d’âge entre les acteurs est faible) dans les bras d’un idiot, le film évite les poncifs sexistes. Elle n’est pas avec le héros une femme diminuée, et, ce n’est que lorsqu’elle réalise la liberté d’esprit que lui offre ce marginal que l’amour entre les deux comence vraiment à être développée. D’ailleurs, le film approfondit une part égale du parcours personnel de chacun des amoureux. En définitive, il s’agit d’une comédie romantique drôle et touchante, aux dialogues très bien écrits, détournant les poncifs du genre pour se les réapproprier : de quoi enchanter tous les fans de romcom du monde.

Unidentified

UNIDENTIFIED / 미확인, Jude Chun

En 1993, des OVNI apparaissent au-dessus de toutes les grandes villes du monde. Dans un premier temps, la peur et le chaos règnent, mais 29 ans plus tard il ne s’est toujours rien passé. UNIDENTIFIED semble absurde à tout point de vue, mais il développe avec une grande intelligence des questions existentialistes (l’expression est galvaudée, mais elle fait vraiment sens ici). Pourquoi vit-on ? Qu’est-ce qui fait de nous des humains ? Quel sens avons-nous envie de donner à notre vie ? Pour en parler, le film se satisfait parfois de dialogues en champs-contrechamps, parfois il se lance dans des séquences de danse chorégraphique qui alternent entre complexité et simplicité, défouloir et spectacle, et qui parfois réussissent même à être étonnamment poignantes.


Je vais arrêter ici mon énumération, en espérant qu’au moins l’un de ces films vous aura sincèrement intéressé.

Guillaume VOLAND