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L’exposition Giovanni Bellini

« Giovanni Bellini, Influences croisées » au Musée Jacquemart-André du 3 mars au 17 juillet 2023

Venise est à l’honneur de cette saison parisienne : après l’exposition Ca’d’Oro à l’Hôtel de la Marine (se termine le 7 mai), c’est au tour du Musée Jacquemart-André de célébrer Venise au travers de la première exposition, en France, célébrant Giovanni Bellini, célèbre fondateur de l’école de Vénitienne. 

L’exposition s’organise autour de sept thèmes qui nous permettent d’explorer les « Influences croisées » d’une personnalité clé de l’évolution de l’art à Venise.

Né à Venise vers 1435, il est le fils illégitime du peintre Jacopo Bellini qui travail alors dans le style gothique international en vogue. Giovanni se forme, avec son frère Gentile, dans l’atelier paternel. En témoignent deux magnifiques tempera de l’Annonciation qui nous accueillent au sein de l’exposition. Elles font partie d’une série de 8 à 9 peintures réalisées pour la Scuola Grande di San Giovanni Evangelista, riche confrérie aujourd’hui disparue. Les rehauts d’or et la grande attention avec laquelle sont traités les détails naturalistes manifestent du goût décoratif de la culture gothique qui devait imprégner l’atelier.

Giovanni Bellini (v.1435 – 1516) et Gentile Bellini (v.1429-1507), dans l’atelier de Jacopo Bellini, Détails de Annonciation, vers 1453, tempera sur toile, Musei Reali – Galleria Sabauda, Turin. © Maude Lavé @arthroughlens

Les modèles padouans

La salle suivante explore la relation entre Giovanni Bellini et son beau-frère Andrea Mantegna. Ce dernier, tout en développant un style assez personnel, embrasse les ambitions de Donatello, qui laisse de sa décennie à Padoue, des œuvres marquantes comme le Monument équestre à Gattamelata ou l’autel de la basilique Saint-Antoine.

Andrea Mantegna (1431-1506), Vierge à l’Enfant entre saint Jérôme et saint Louis de Toulouse,
vers 1455, tempera sur bois Musée Jacquemart-André, Paris. © Maude Lavé @arthroughlens

J’ai trouvé cet exemple particulièrement intéressant, témoignant plus du dialogue artistique fécond qui animait Bellini et Mantegna, que de la réception unilatérale des modèles padouans par Bellini. Le départ de Mantegna pour la cour de Mantoue en 1460 marquera un tournant dans l’œuvre de Bellini désormais seul face à son art.

Réminiscences byzantines

La salle suivante traite de l’influence de Byzance, dont Venise fut une colonie durant des siècles, sur les traitements des Madones de Bellini. Cette huile sur bois du Rijksmuseum, dont le geste de bénédiction du Christ nous regardant et le regard de la Vierge sur lui rappellent les gestes codifiés des icônes byzantines, témoigne de ces influences.

Giovanni Bellini (v.1435 – 1516), Vierge à l’Enfant, vers 1470-1480, huile sur bois, Rijksmuseum, Amsterdam.

Entre Nord et Sud

Giovanni Bellini (v. 1435-1516), La Fortune des Cinq allégories, vers 1490-1495, huile sur bois provenant du Restello de Vincenzo Catena, Gallerie dell’Accademia, Venise.© Maude Lavé @arthroughlens

Giovanni Bellini a pu voir les panneaux de Jan Van Eyck et Hans Memling grâce à sa position avantageuse à Venise, alors au centre des circulations commerciales mondiales. Le mimétisme et le réalisme des détails font de l’art du Nord un modèle privilégié pour le maître.

Ce panneau fait partie d’un groupe de Cinq allégories qui auraient servi de décor pour un restello (meuble destiné à la toilette Vénitienne). Le maître aborde des sujets complexes pourvus d’une grande symbolique comme la Persévérance se moquant de la Paresse, la Fortune, la Calomnie et la Prudence. Ces peintures, présentées de façon adjacente, sont inspirées de l’art mystique flamand. Elles sont exposées accompagnées du triptyque de la Vanité terrestre et de la Rédemption céleste réalisé par Hans Memling en 1485. Ci-dessus, le panneau représentant La Fortune témoigne à la fois d’une grande attention au détail et d’une maîtrise de la technique et de la couleur. En effet, Giovanni Bellini élabore un paysage à la fois poétique et mystique associant mer, montagne et architecture, jouant avec la transparence de l’eau, du drapé et des carnations.

Antonello de Messine, l’alter ego

La salle suivante traite de la rencontre de Giovanni Bellini avec le peintre sicilien Antonello de Messine. Lui aussi est très marqué par l’Art du Nord grâce à ses voyages, notamment à Naples où la prospérité des élites lui permet d’acquérir les peintures flamandes, particulièrement novatrices. Grâce à ces tableaux, le peintre se familiarise avec la technique de la peinture à l’huile.

Pathos

Cette partie avait pour objectif de montrer comment, à partir du cadrage inhabituellement serré de l’Ecce Homo de Mantegna, Giovanni Bellini parvient à créer, dans le contexte des Devotio moderna, une interaction avec le spectateur.

Le paysage, entre rêve et réalité

Giovanni Bellini (1435-1516) et atelier, Vierge à l’Enfant, vers 1485, huile sur bois, Collection particulière.© Maude Lavé @arthroughlens

Le paysage de cette Vierge à l’Enfant est tout à fait surprenant pour l’œil contemporain qui pourrait y voir une architecture post moderniste. A cette surprise s’ajoute la beauté des montagnes traitées avec une grande minutie, comme l’ensemble des espaces s’étendant en arrière-plan. Cette toile, comme de nombreuses autres réalisations de l’artiste, est issue d’une collection privée. La rétrospective de Giovanni Bellini était aussi l’opportunité pour le public de découvrir des œuvres inédites. Le maître s’était spécialisé dans la production de Madones pour la dévotion privée, nombre de ses œuvres sont donc encore dans des collections particulières, et ont été prêtées pour l’occasion.

Le crépuscule des Dieux

L’exposition se termine sur l’un des derniers tableaux de Giovanni Bellini. La Dérision de Noé. Peinte à l’âge de 80 ans, cette toile est perçue comme une ultime confession du maître. Le sauveur du déluge, représenté dénudé et ivre, témoigne du destin des hommes voués à être pécheurs.

Giovanni Bellini (v. 1435-1516), L’Ivresse de Noé, vers 1515, huile sur toile, Musée des Beaux-Arts de Besançon.© Maude Lavé @arthroughlens

Giovanni Bellini jouit d’un environnement particulièrement fécond mais sa force réside aussi dans sa capacité à se nourrir des influences qu’il croise et qu’il transpose à sa manière.

Pour pouvoir profiter encore plus du travail de Bellini, nous vous encourageons à vous rendre à cette rétrospective qui lui est dédiée au Musée Jacquemart-André du 3 mars au 17 juillet 2023 !

Maude Lavé

Une réponse sur « L’exposition Giovanni Bellini »

Superbe article. Je vais demander à ma fille de m’accompagner afin de voir cette exposition !

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