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Une malheureuse prise de conscience: la dure tâche qui attend Biden

Comme la plupart des personnes intéressées par le sujet, je n’ai pas été capable de dormir de la semaine. Nuit après nuit, je suivais les commentaires interminables et répétitifs des experts politiques pendant que les états comptaient leurs votes. Pendant l’une de ces soirées abrutissantes, alors que mes paupières se battaient contre mon anxiété, je ne pouvais rien faire d’autre que penser à combien peu importait le nom du prochain président par rapport à la plus grande révélation de cette semaine: l’Amérique est divisée et apeurée. 

English version below

Les élections des Etats-Unis ressemblent à la fin de Superman, ce film de Zach Snyder. Le héros sauve la situation mais dans ce processus, détruit en fait toute la ville. Oui, les citoyens de Metropolis sont vraiment soulagés de ne pas être sous la tyrannie d’un fasciste fou mais leur ville est détruite et “Building back better” (reconstruire en mieux) semble plus difficile que jamais. 

Ce n’est pas un discours sur la crise économique induite par le coronavirus, ni sur le retour de mesures libérales avec Trump, mais plutôt à propos de la division flagrante qui a émergé pendant les élections. Il semblerait, de ce que nous ayons pu constater cette semaine, entre les alertes à la bombe et les manifestations, que les Etats-Unis ne sont unis que par leur nom. 

Mais attribuer la division américaine uniquement à l’élection de Trump en 2016 inverserait la cause et les effets. L’Amérique était déjà divisée depuis bien longtemps. Tensions éthniques, violences policières, immigration et accès aux soins ont toujours été un facteur de disputes et de troubles sociaux aux Etats-Unis. Nous ne pouvons pas oublier Rodney King en 1992, la lutte pour le mariage homosexuel en 2010 ou la position de George W Bush sur la politique étrangère et la sécurité aux frontières. 

Nous ne devons pas négliger pour autant l’effet du mandat de Trump. Le flagrant mépris de celui-ci pour l’étiquette, et même la vérité, a simplement rendu plus facile pour l’extrême droite américaine de s’exprimer. Ses points de vue extrêmes ont servi de catalyseur pour faciliter l’expression de ses idées. Les choses qui étaient insinuées dans les politiques des années 2000 peuvent maintenant être dites explicitement. Mais cela ne change rien au fait que, même si il est dur d’en prendre conscience, c’est l’Amérique de Trump qui l’a soutenu et lui a donné le poste de président, non l’inverse. 

La prise de conscience croissante que Trump n’était pas seul à croire que “le système était contrôlé par les socialistes suprémacistes noirs” a été rendue douloureusement claire après les premiers votes mardi soir. Les démocrates ont réalisé que la moitié de leurs collègues a voté pour un candidat représentant le contraire de leurs valeurs. Et, parce que ces votants ne sont pas arrivés de nulle part, il serait insensé de croire qu’ils disparaîtraient après la victoire de Trump. 

La grande question maintenant est comment Biden va gérer la moitié d’américains qu’il a perdu lors de cette élection ? Elle est primordiale si on considère que, bien que Trump ait perdu le vote populaire, il en a amassé plus qu’en 2016. Il est aussi important de noter que, dans cette élection, les minorités ont voté plus que jamais pour un candidat Républicain. C’est un problème qui transcende les ethnies, les classes sociales et les genres

L’intersectionnalité des supporters de Trump pourrait requérir plus d’attention de la part du traditionnel parti démocrate. Surnommé de manière tristement célèbre “the basket of deplorables (la corbeille des pitoyables) par Hillary Clinton, les supporters de Trump formulent des demandes légitimes et des critiques plausibles des institutions Américaines. 

L’appel à la fin des “fake news” est certainement symptomatique de l’augmentation des médias partisans et sensationnalistes. Les plaintes des “trumpistes” à propos de la mondialisation sont d’une certaine manière justifiées par la gestion économique catastrophique du début des années 1980, qui a conduit rapidement à des pertes d’emplois et pourrait avoir en partie causé la stagnation du salaire des classes moyennes depuis le début des années 1970.

Il ne faut pas pour autant prétendre que toutes les attaques de Trump sont basées sur la vérité. Les réfugiés terroristes, les fraudes électorales et le retour imminent des américains bolchéviques relèvent plus de l’imaginaire qu’autre chose. La paranoïa et le racisme derrière ces déclarations vont juste rendre le processus de guérison des Etats-Unis encore plus dur. Biden devra gérer le traitement des maladies institutionnelles autant que la paranoïa infondée. 

Oui, Biden a gagné, mais sa tâche sera tout sauf facile. Le président élu a prouvé qu’il pouvait être profondément empathique tout en restant ferme dans ses positions. Il doit s’occuper sérieusement de la réticence des républicains tout en détruisant les angoisses provoquées par 4 ans de rhétorique haineuse. Biden est conscient de cela, au cours des derniers jours de campagne, son ton a changé de combattif à conciliateur. “Si je suis élu Président, je serai le Président de tous les Américains”. 

Mais comment cela va-t-il exactement être géré ? Que cela va-t-il signifier en pratique ? Biden doit trouver un moyen de résoudre des siècles de tension éthnique, le manque de soutien d’une partie de l’électorat américain et une paranoïa de la moitié du pays, sans compter la pandémie globale et la crise économique? Biden a l’opportunité, et certains diront l’obligation, d’écouter et unir une Amérique qui vient juste de réaliser qu’elle était brisée. 

The banality of the Man: Biden’s hard task ahead

As most people interested in the subject, I haven’t been able to sleep for the last week. Long night after long night, I watched the endless and repetitive comments of political pundits while different states counted their votes. One of those mind-numbing nights, as my eyelids fought against my anxiety, I couldn’t help but think about how little the name of the next President mattered in the face of the bigger revelation of this week: America is divided and fearful.

The US election really felt like the end of that Zach Snyder movie, Superman. The “hero” saves the day but in the process of doing so destroys the whole city. Yes, citizens of Metropolis are very happy they aren’t under the tyranny of the crazy fascist but their city is broken and “building back better” seems harder than ever. 

This isn’t a statement about the corona-induced economic crisis, nor is it about the reinstatement of liberal measures taken down by Donald Trump, but rather about the flagrant division that came up during the elections. It seems that as we’ve seen this week, amid bomb threats and protests, the United States is only nominally united.

But to attribute America’s division solely to Trump’s election in 2016 would be inverting cause and effect. America has been divided long before Trump’s election. Racial tensions, police brutality, immigration and healthcare have always been a factor of dispute and social unrest in the United States. One cannot forget about Rodney King in 1992, the fight over gay marriage in the 2010s or George W. Bush’s stances on foreign policy and border security. 

But we should not disregard the effect of Trump’s presidency. The novelty of Trump’s blatant disregard for etiquette and even truth simply made it easier for the far right in America to express itself. His extreme views served as a catalyst to make the far right comfortable in its self awareness. Things that might have been implied in policies of the 2000s, could now be explicitly said. But this does not change the fact that, although maybe not as painfully self aware of it, Trump’s America preceded him and gave him the president’s office, not the other way around.

This increased awareness that Trump was not alone in believing that the “system was controlled by black supremacist socialists” was made painfully clear after the first batch of votes were counted on Tuesday night. Democrats realized that half of their fellow citizens voted for a candidate that embodied  the opposite of their values. And, because these voters did not come out of nowhere, it would be crazy to believe that they would disappear after Biden’s victory. 

So the big question now is how will Biden deal with the half of America that lost yesterday night? This question is especially important considering that, even though Trump lost the electoral vote, he actually amassed more votes than in 2016. It is also important to note that in this election, more minorities than ever voted for a Republican candidate. This is an issue that crosses race, class and gender.

This intersectional unity of Trump supporters might require more attention from the mainstream democratic party. Infamously called by Hillary Clinton “the basket of deplorables”, Trump supporters have legitimate demands and legitimate critiques of American institutions. 

The call to the end of “fake media” is surely symptomatic of an increasingly polarized and sensationalist media model. Trumpist complaints about globalization are somewhat warranted by the horrible management of economic opening in the 1980s that lead to the rapid loss of jobs and might partially have caused the stagnation of middle class wages since the 1970s. 

This is not to say that all of Trump’s attacks were based on truth. Refugee terrorists, voter fraud and the imminent takeover of American Bolsheviks are still very much in the realm of the imaginary. The paranoia and racism behind these claims will only make the healing of the United States even harder. Biden will have to treat institutional diseases as well as unwarranted paranoia. 

Yes, Biden won, but his task is all but easy. The President elect has to prove to be radically empathetic while staying firm in his beliefs. He must address seriously the grievances of republicans while undoing the anxieties stirred up by 4 years of heinous rhetoric. Biden is aware of this, during the last days of his campaign, his tone shifted from combative to conciliatory. “If I am elected President, I will be the President of all Americans.”

But how exactly will that play out? What does that mean in practical terms? Biden has to find a way to undo centuries of resurfaced racial tension, a disenfranchised and paranoid half of the country aside from a global pandemic and an economic crisis. Biden has the opportunity– and some might say the obligation– to listen and bridge an America that has just realized it is broken. 

Ismael Jamai Ait Hmitti

For further reading on racial tensions and the state of american democracy today: 

→ 13 on Netflix

→ The New Jim Crow