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Marauder face à « l’inacceptable » pauvreté

Contexte et explications des maraudes pour venir en aide aux sans abris en France

« Ces camps ne sont pas acceptables » : telle est la justification qu’a donnée en point presse le préfet de police de Paris après le démantèlement du camp où vivaient près de 2400 migrant.es (selon France Terre d’Asile) le 17 novembre dernier. Cette 65e évacuation depuis 2015 est donc une forme de réponse récurrente à la profonde crise de l’accueil et le manque de solidarité et de coordination des politiques migratoires au niveau européen. Des associations telles que la Cimade parlent de “cycles sans fin et destructeur”.

Et en effet, malgré les promesses de “mise à l’abri”, plus de 200 personnes, majoritairement des hommes afghans, se sont réfugiés sur la bien nommée place de la République à Paris le 23 novembre. Installer leurs tentes dans ce lieu symbolique était un moyen de protester contre le manque concret de prise en charge, après avoir erré près d’une semaine. Pourtant, dès 20h les forces de l’ordre sont intervenues sans ménagement, à grand renforts de gaz lacrymogènes, de grenades de désencerclement et de violence physique, afin de disperser ce campement pacifique.

La couverture d’urgence sanitaire sert ici à cacher la brutalité avec laquelle sont menées ces opérations de démantèlement. Les images, choquantes, ont provoqué l’indignation de centaines d’internautes et d’élus qui, le soir même puis le lendemain se sont rassemblés Place de la République pour protester, une initiative de l’association d’aide aux migrants Utopia 56.

Ainsi, si le constat de Didier Lallement est indéniable, “ces camps de migrants ne sont pas acceptables », la conclusion qu’il en tire l’est tout autant. Le réel caractère inacceptable de ces camps réside dans l’incapacité des structures de l’Etat français à accueillir et loger dignement des milliers de réfugié.es. 

Plus généralement, aujourd’hui, parmi les presque 1 million de personnes privées de domicile personnel en France (résidence principale en chambre d’hôtel, habitat de fortune, habitat contraint chez des tiers etc), près de 143 000 sont à la rue selon la Fondation Abbé Pierre (source : Etat du mal logement en France 2020, Fondation Abbé Pierre). Avec la crise de la COVID 19, la pauvreté ne fait que s’intensifier et de nombreuses familles se retrouvent sans ressources : l’urgence n’en est que plus grande.

Pourtant à titre d’exemple, l’INSEE a comptabilisé 3,1 millions de logements vacants en France au 1er janvier 2019, soit 8,5% du parc immobilier total.

Face à des contradictions criantes et à la violence que subissent les personnes sans domicile fixe en France, la colère se double d’un sentiment d’impuissance. Il existe cependant de nombreux moyens d’action concrets à notre échelle : diverses initiatives solidaires et citoyennes sont mises en place tout au long de l’année, et chacun peut y apporter son soutien. Dans cet article, nous avons choisi de vous parler de l’une d’entre elles : les maraudes.

Une maraude, qu’est ce que c’est ?

Derrière ce mot aux allures “barbares” se cache une réalité bien plus bienveillante. Une maraude consiste à aller par petits groupes à la rencontre des sans-abris, à pied ou en voiture, pour leur proposer un repas, partager un thé ou un café chaud, apporter des vêtements et des produits d’hygiène, mais surtout partager un moment de dialogue. Elle peut se faire sous la forme de points fixes successifs, où les personnes dans le besoin ont l’habitude de venir à la rencontre des maraudeurs. Mais la forme classique est celle d’un circuit en ville durant lequel il s’agit d’aller à la rencontre des sans-abris pour leur proposer notre soutien. 

Mais une maraude nécessite aussi toute une préparation en amont ! Ainsi une part importante de celle-ci est la préparation en cuisine, beaucoup de mains étant nécessaires pour organiser le ravitaillement de centaines de personnes.

Pourquoi faire des maraudes ?

Un soutien matériel :

La plupart des associations de maraudes distribuent des plats chauds, un confort non négligeable notamment en cette période de grand froid, l’hiver approchant. En plus de ce repas pris sur place, elles apportent des denrées alimentaires diverses (des fruits, des produits laitiers, des sandwichs, …), des produits d’hygiène indispensables et des vêtements. L’avantage  est que ces produits viennent plus ou moins directement jusqu’aux personnes dans le besoin.

Un soutien humain :

En plus de la précarité, la solitude que leur impose leur situation est lourde à porter. Pour certains, notre passage est la seule visite de la semaine, un complément humain et un soutien non négligeable pour ces personnes souvent isolées de la société. Apporter un thé chaud à une personne dans la rue permet d’instaurer un contact avec elle et, si elle le souhaite, engager une discussion et donc créer un lien social.

Les maraudes, une action porteuse de sens

Les dons sont nécessaires pour faire vivre ces associations. Mais lorsque l’on est étudiant, il n’est pas toujours évident de donner de manière régulière et significative. La maraude est en un sens un moyen d’action concret qui sollicite un engagement physique et émotionnel, durant lequel un échange mutuel s’instaure. Participer à une maraude permet aussi de se sentir partie d’un groupe qui a du sens, entouré.e de bénévoles avec des valeurs proches des nôtres. 

Les profils et les parcours des personnes dans la rue sont divers : on ressort ainsi grandi de chaque rencontre, de chaque expérience. Le principal étant d’arriver sans préjugés et avec bienveillance. Parfois même la barrière de la langue intervient, mais elle est vite brisée avec l’invention d’un langage par les gestes, le regard, le sourire.

Découvrez comment se passe une maraude à travers la vidéo du Secours Populaire en cliquant ici.

Comment s’engager ?

Lorsque vous vous engagez auprès d’une association, vous êtes bénévole. Vous acceptez de donner un peu de votre temps, soit de manière régulière, soit de manière ponctuelle. La base du bénévolat restant le volontariat, il n’y a pas de contrainte quant à la durée de l’engagement. De même, la fréquence des maraudes est différente selon les associations, de quotidienne à hebdomadaire généralement. Vous pouvez tout à fait participer à la cuisine, au tri des dons etc… avant de partir marauder.

Il existe de nombreuses associations de maraudes à travers la France, la liste qui suit est non exhaustive mais vous donne quelques pistes pour les démarches à suivre :