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Monde Contemporain

Recommandations lectures « société » de l’été

Quelque titres pour garder la tête fraîche jusqu’à la rentrée !

Le Pouvoir de la rhétorique, Clément Viktorovitch

On connaît bien Clément Viktorovitch, polititologue, ancien de « Science Po » désormais présent et
enraciné dans le paysage médiatique. Pour les 18-24, il est peut être un peu plus connu étant donné ses
nombreuses interventions dans des médias moins traditionnels, notamment sur la plateforme Twitch. De
manière générale, le journaliste se distingue beaucoup par son ubiquité sur divers canaux de diffusion.


Le Pouvoir de la rhétorique est son premier ouvrage qu’il définit lui même comme un « manuel ». Conscient des besoins et des devoirs du citoyen d’irriguer l’espace public de débat et par là s’irriguer soi-même, il souhaite partager le « pouvoir » d’être correctement informé et averti des sophismes, méthodes de manipulation et autres arguments fallacieux. Ouvrage universitaire, il est toutefois abordable et peut se lire pendant ces vacances, un peu plus éloigné des fourmillements de l’actualité. A la pointe des dernières recherches en psychologie sociale ou en linguistique, Viktorovitch privilégie toutefois la pratique à la théorie.


Vous y trouverez des exemples tant anciens que récents pour pouvoir déchiffrer le vrai du faux, mais
aussi des clés pour savoir quand se conforter dans ses convictions et quand potentiellement
réfléchir à les infléchir. Le Pouvoir de la rhétorique, qui offre, selon moi, davantage de conseils sur la compréhension du monde que sur la façon de muscler son art de la parole, propose un temps de recul et de suspension alors que les dernières élections présidentielles nous ont bombardés d’informations et de phrases en tout genre parfois de manière précipitée.

Génération Fracassée, Maxime Lledo

Je me suis replongé à l’occasion de ce billet dans le premier essai d’un jeune journaliste (22 ans quand sort son essai tout de même) : Maxime Lledo publie Génération fracassée en plein pendant la pandémie de Covid-19. A sa lecture, certains diront qu’ils ressentent une petite pointe d’aigreur, d’autres de la nostalgie. Dans son ouvrage, Maxime Lledo disserte certes sur le mal-être des différentes catégories touchées pendant la pandémie, mais il revient aussi particulièrement sur les étudiants, qu’il considère parmi les grands oubliés du Gouvernement.


Alors que la crise sanitaire est (nous l’espérons) loin dernière nous, se replonger dans ces quelques pages
dans un tout autre contexte, à froid, offre une nouvelle perspective sur ce moment très précis que nous avons tous vécu. Lledo y disserte sur les dérives d’une démocratie libérale portée sur le régime d’exception de moins en moins exceptionnel. Il évoque également la difficile fermeture des commerces et particulièrement des librairies. Il y parle aussi de ce qu’il nomme le phénomène de « bavardage », très en vogue pendant le Covid : tout le monde s’est fait épidémiologiste, virologue, etc (tout comme aujourd’hui, tout le monde se fait économiste, sociologue, etc.). Bref, le monde tel qu’il l’a vu de ses yeux d’étudiant pendant la crise.


D’une langue très riche, ponctuant sa réflexion de quelques pages de dissertation sur les arts et la littérature, Maxime Lledo a offert un essai en cri du coeur à sa parution. A peine deux ans plus tard, c’est un témoignage.

Globalia, Jean-Christophe Rufin

Il fallait bien un roman d’anticipation dans cette liste ! Même en vacances ! De quoi garder l’esprit affûté. Dans un futur proche, comme c’est le cas dans un roman de ce genre, nous suivons l’histoire de Baïkal, un Winston Smith qui, comme Neo de Matrix « sait que le monde ne tourne pas rond ». En effet, en Globalia, vaste monde qui ne forme qu’un seul pays, les citoyens ont liberté de parole tant qu’elle n’est pas dirigée contre le régime en place, lequel n’est pas vraiment penché sur le libéralisme. Les déviants sont pourchassés et réfugiés dans les zones inhabitées du globe. Nous suivons donc la quête de Baïkal pour s’émanciper du joug de Globalia.

Jean-Christophe Rufin, académicien, diplomate et essayiste, imagine au début des années 2000 les dérives de la démocratie néo-libérale en Occident et les impacts de l’émergence du Tiers-monde face à cette dérive. Rappelant un roman comme la Zone du dehors d’Alain Damasio, Globalia s’interroge sur un mode dicté par l’homo oeconomicus, c’est-à-dire l’homme rationnel et maximisateur de revenus prenant le pas sur les avancées sociales. Rufin évoque notamment la tendance sécuritaire des régimes libéraux qui a commencé après les attentats du 11 septembre. On y sent l’influence de l’ouvrage La Fin de l’histoire de Francis Fukuyama publié à la fin de la Guerre Froide et qui prédisait le triomphe des démocratie occidentales sur les régimes totalitaires. A l’heure des attentats terroristes et de la crise sanitaire encore fraîche, le roman est, évidemment, d’actualité. Autres sujets : la prise de pouvoir des grandes entreprises et la crise climatique.

Le Grand Meaulnes, Alain-Fournier

Rêver de destinations lointaines, c’est merveilleux : Fidji, Antilles, Bora-Bora… Mais à l’heure du changement climatique, il faut veiller à ne pas prendre l’avion. C’est Jancovici qui le dit. Pour voyager moins loin mais dans un coin tout aussi bucolique c’est le roman d’Alain-Fournier qu’il vous faut.

Le Grand Meaulnes serait le roman francophone le plus vendu au monde si un certain Antoine de Saint-Exupéry n’était pas passé par là… Pourtant le récit n’est pas en reste ! Alain-Fournier narre l’amitié entre François Seurel et Augustin Meaulnes, deux adolescents habitant le village fictif de Solognes dans le Cher. François, c’est le gamin un peu effacé mais moins par timidité que par sa volonté d’observer plutôt qu’agir. Augustin, lui, c’est l’intrépide, le fougueux, le courageux, bref celui que tout le monde admire. Une profonde relation ne pouvait pas ne pas se créer entre les deux garçons. Nous suivons leurs frasques, leurs amours et les idées qu’ils se font de leur future vie.

Le Grand Meaulnes c’est un beau prototype du roman d’apprentissage. De quoi se replonger dans la chaleur de l’adolescence et de la vie qui démarre. Alain-Fournier y fait montre d’une description nostalgique mais généreuse de vrai village où il a grandi : Épineuil-le-Fleuriel. Si l’amitié nous parle autant, au-delà des envies qu’elle nous inspire, c’est parce que l’écrivain se fait plutôt poète et ses phrases vives nous pénètrent les tympans… tout en lisant !

Une escapade en forêt pour suivre celles de François et du Grand Meaulnes et vous voilà embarqués dans le roman !