Catégories
ActualitésMonde Contemporain

La reine est morte : vive le roi ? 

Le 8 septembre 2022, après 70 ans de règne, la reine Élisabeth II est morte. L’état de santé de la monarque s’était beaucoup dégradé ces derniers mois, la forçant à ne plus faire que de brèves apparitions en public. Le peuple Anglais savait que cette date fatidique ne faisait qu’approcher. Tout était même prêt : l’opération London Bridge qui prévoit le protocole à suivre à la mort du souverain n’a cessé d’être revu et corrigé depuis la fin des années 1960. La mort de la reine n’est pas une surprise, mais est-elle un choc ?  

Succéder à la grand-mère de la nation

La reine Élisabeth II est morte à plus de quatre-vingt-seize ans. Depuis soixante-dix ans, la population britannique n’a pas chanté God save the King et n’a pas connu un autre souverain. Depuis soixante-dix ans, tous les permis de conduire, les cartes d’identité et les passeports sont délivrés en son nom ; les billets de banque et les pièces de monnaie sont frappés à son effigie. Depuis soixante-dix ans, les Britanniques entendent la Reine leur souhaiter une heureuse année, un joyeux Noël, de bonnes fêtes de Pâques etc. Cette présence lointaine mais constante, couplée avec la longévité de son règne a fait de la souveraine une partie intégrante de la vie quotidienne de son peuple. Elle est devenue au fil des années un modèle de droiture, de constance, de sens du devoir. 

Elle a joui de la légitimité royale si longtemps, que certains scandales qui auraient pu entrainer la démission d’un Premier Ministre, n’étaient pour elles que des « mauvaises passes ». Par exemple, la Reine s’est vu reprocher son comportement au moment de la mort de Diana, mais plus de vingt ans après les faits, la Reine était toujours là. Elle a pu reconstruire sa réputation après chaque épreuve de la vie publique car elle a bénéficié du temps pour le faire. Sa cote de popularité ne s’étudie pas sur cinq ou dix ans comme celles des chefs de gouvernement mais sur vingt, trente, quarante ans. La Reine a pu devenir un modèle de constance et de rigueur car elle a toujours pu avoir assez de temps. Or, le temps, c’est ce qui va manquer à son héritier. 

Succéder à sa mère

Comme il était prévu depuis sa naissance, Charles, le fils ainé, va succéder à sa mère. Toute sa vie a été organisée, prévue, arrangée pour qu’il monte sur le trône et qu’il soit un bon roi. Il a reçu une éducation stricte, il a observé les règles du protocole. Toute sa vie a été consacrée à préparer son ascension au trône. Aujourd’hui, son tour est venu, mais il ne pourra pas régner sans que l’ombre de sa mère, encore très présente dans l’esprit des Britanniques, plane sur son action, peu importent les changements qu’il parviendra à introduire.

Sa sœur Anne est connue du grand public pour sa participation aux jeux olympiques, son frère Andrew pour son implication dans un scandale sexuel. La célébrité du roi Charles, elle, repose sur les sept décennies pendant lesquelles il a attendu de monter sur le trône. Le seul à avoir connu un destin similaire est le fils de la Reine Victoria, monté sur le trône à 64 ans. Elisabeth II a battu le record du règne le plus long, et lui, il est devenu roi à soixante-treize ans, un record ! Tous les journaux du monde ont titré sur la longueur de l’attente ce King in waiting (le Pointle MondeThe GuardianNew Yorker). Celui qui n’est connu que pour ses histoires conjugales et pour sa patience doit maintenant succéder à sa mère, que le temps et sa mort ont transformé en une icône. 

Succéder à une icône

Il ne jouit pas de la même popularité que la reine. D’après une enquête menée en juin dernier, au moment du jubilée de Platine, « […] la reine est à 90 % de cote de popularité tandis que le prince Charles est à 50 % ». Divers scandales entachent son image, du plus grand, que le peuple britannique ne lui a jamais pardonné : son divorce avec Diana, et son mariage avec Camilla Parker-Bowles. Mais aussi des plus petits, que les Britanniques ont plus rapidement oublié, comme des dons qataris dans son association caritative. 

Le prince de Galles est moins populaire, c’est une évidence. Or, la famille royale ne trouve sa légitimité que dans l’affection du peuple anglais. Les Windsor n’ont aucun pouvoir politique, aucune responsabilité gouvernementale. Leur rôle est purement protocolaire. Ils sont chargés de montrer une belle image du pays et en assurent tout l’apparat. Au Royaume-Uni, l’importance d’un évènement peut être mesurée au nombre de membres de la famille royale présent, ou par la personnalité présente. La popularité de la famille royale est donc essentielle, car elle assure la longévité de leur règne. Même si les Français sont célèbres pour avoir fait la révolution, les Anglais aussi ont décapité leur roi.