Le Canada face aux peuples autochtones
Les anciennes colonies des monarchies européennes se sont construites par la colonisation progressive du territoire. L’arrivée d’étrangers, venus notamment de l’Empire Britannique ou de la monarchie portugaise a été synonyme de génocide de la population locale autochtone. Les Etats démocratiques qui descendent des ces colonies se retrouvent désormais face à leurs vieux démons.
La réparation
Justin Trudeau, premier ministre du Canada a annoncé mardi 14 décembre un plan de financement estimé à environ 28 milliards d’euros pour les enfants des peuples autochtones, dans le but d’améliorer les services de protection de l’enfance de ces populations. Ce plan de financement a aussi pour but de réparer les dommages subis par des enfants autochtones placés de force dans des pensionnats catholiques.
Le gouvernement canadien avait décidé en 1873, et ce jusque dans les années 1990, l’obligation pour les enfants autochtones « d’assimiler la culture canadienne » dans des pensionnats catholiques. Près de 150.000 enfants, placés dans environ 139 pensionnats ont ainsi subi de mauvais traitements, des violences sexuelles, alimentaires et mentales. Le scandale éclate progressivement, par la découverte de sépultures et grâce au rapport de la communauté autochtone Lower Kootenay. Ce rapport détaille l’emplacement des tombes, preuves que les enfants sont morts dans les pensionnats sans avoir été rendus à leurs parents. Ce sont les seuls éléments tangibles de ces mauvais traitements, toutes les preuves administratives ayant été supprimées. Justin Trudeau, par l’annonce de la réparation financière, assimilable à des dommages et intérêts reconnait par la même que le gouvernement canadien est responsable.
La repentance
L’annonce de ce plan de réparation s’inscrit dans l’actuelle démarche canadienne de reconnaitre les crimes passés, de les assumer, et ainsi même de demander pardon. Concernant l’affaire des pensionnats, par exemple, les évêques canadiens ont exprimé leur « profonds remords » et ont présenté « des excuses sans équivoque ». Le Premier Ministre a également exprimé de profonds regrets concernant le traitement des populations autochtones dans le passé, et essaye d’assurer que ces comportements gouvernementaux appartiennent au passé. Le 15 décembre, il a officiellement demandé pardon, au nom de l’État canadien, aux populations maltraitées.
Cette repentance est quelque chose d’assez nouveau pour le Canada, qui a longtemps habitué l’opinion publique à un grand silence concernant le sort des populations non-occidentales. Concernant l’affaire de l’autoroute aux larmes, par exemple, le silence a longtemps été la norme. En Colombie-Britannique (ouest du Canada), des femmes disparaissaient ou étaient assassinées quand elles se trouvaient près de la route n°16, reliant les villes de Prince George et Prince Rupert. On décompte environ 46 victimes depuis 1969 et près de trois quarts d’entre elles sont des autochtones. Aujourd’hui, bien que l’affaire soit très médiatisée il aura fallu une victime « occidentale », Nicole Hoar, disparue en 2002 et seizième victime, pour que le monde découvre l’ampleur et la dangerosité du phénomène.
La reconnaissance de la double culture
Au-delà de la repentance de l’Etat canadien, le gouvernement de Justin Trudeau essaye d’affirmer la double culture du Canada, en mettant à l’honneur la population autochtone et en reconnaissant qu’elle forme l’identité canadienne. Pour envoyer ce message fort, le Premier Ministre a permis à la gouverneure générale du pays, Mary Simon, une autochtone, de lire le discours du trône. Ce discours sert d’ouverture de la session parlementaire et qui permet au gouvernement d’énoncer ses orientations et ses objectifs pour l’année à venir, un moment politique très important pour l’exécutif.
Choisir qu’une femme autochtone prononce à cette occasion les orientations nationales permet au pays d’affirmer l’appartenance de la population autochtone à la vie politique canadienne. Cela permet d’affirmer que le peuple autochtone n’appartient pas qu’à l’histoire du pays, mais aussi au présent, et même au futur. Une véritable avancé dans ce long chemin de repentance.