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Afghanistan : nouveau coup de boutoir dans le patrimoine historique mondial

La Start-up française Iconem a révélé début avril l’ampleur d’un pillage lourd de conséquences dans le nord de l’Afghanistan, entre 2019 et 2021. Elle pointe un faisceau d’indices désignant la branche afghane de l’EI comme coupable de la destruction de ces vestiges, remontant à la fin du Ier millénaire avant notre ère, et attestant de l’histoire bouddhique du pays.

Pillage à échelle industrielle

Début avril, une enquête mandatée par la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA) et menée par la start-up française Iconem a levé le voile sur le pillage méthodique et total d’un site archéologique inestimable au nord de l’Afghanistan : Dilbarjin. Le site de cette cité, dont l’occupation remonte au Ier millénaire avant notre ère, a été pillé à une échelle industrielle. Plusieurs bulldozers ont notamment travaillé à raser le promontoire de 10m de haut qui accueillait au centre du site une citadelle.

Derrière ce pillage organisé, selon toute vraisemblance, l’Etat islamique au Khorassan, la branche afghane de l’EI. Les mêmes méthodes ont d’ailleurs déjà été employées par l’organisation terroriste en Syrie et en Irak. L’EI a en effet amplement fouillé d’importants sites archéologiques afin d’extraire des antiquités et de tirer des revenus de leur trafic. C’est le sort qu’a connu la cité de Mari, en Syrie. Encore plus ancienne que Dilbarjin, cette cité datant du troisième millénaire avant notre ère a été un grand centre de pouvoir au Moyen-Orient avant d’être détruite par les forces Babylonienne rivales, vers 1760 av. J.-C. L’EI a notamment rasé un promontoire où se trouvait originellement un temple. Certains autres sites ont été détruits pour des raisons idéologiques. Une part non négligeable du patrimoine historique de l’humanité a ainsi été perdue ou endommagée. 

Des trésors inestimables

Dilbarjin recelait probablement des trésors inestimables pour les archéologues. La cité était à la fin du Ier millénaire avant notre ère le principal centre urbain de la région et un point névralgique de l’expansion du Bouddhisme, au nord vers l’Asie centrale, et à l’est vers la Chine. Cette religion a connu un premier élan au IIIe siècle avant notre ère, moins de cent ans après les conquêtes d’Alexandre le Grand, sous l’impulsion de l’empereur indien Asoka. 

Et l’un des jalons de cette expansion n’est autre que la Bactriane, une région correspondant au nord de l’Afghanistan actuel et occupant un rôle de carrefour sur les routes de la soie déjà bien établies. L’historien britannique Peter Frankopan, dans son ouvrage intitulé « Les routes de la soie, l’histoire au coeur du monde », qualifie ainsi les habitants de la région : ils « étaient des négociants et marchants légendaires ; sa capitale accueillait un marché d’une immense richesse, où les produits venaient de très loin pour repartir aussi loin. ». Et ces échanges dépassaient les simples biens. Ménandre, l’un des rois de la Bactriane, a ainsi joué un rôle central au IIe siècle avant J.C. pour répandre dans son royaume le bouddhisme. Symbole de la richesse culturelle de la région, comme son nom l’indique, ce roi est d’origine grecque. Il est le descendant d’un des diadoques, les successeurs d’Alexandre qui se sont réparti son empire à sa mort.

Les Bouddhas dynamités

Le site de Dilbarjin renfermait probablement des vestiges attestant de la vitalité des échanges culturels, religieux, philosophiques qui animaient la Bactriane à la fin du Ier millénaire avant notre ère, vestiges en partie détruits par l’EI. Et ce n’est pas la première fois que l’Afghanistan connaît de tels évènements. En 2001, après avoir pris le pouvoir en Afghanistan, les Talibans ont dynamité deux statues monumentales de Bouddhas à l’ouest de Kaboul, dans la vallée de Bamiyan. Ces monuments bactres avaient été érigés entre les VIe et VIIe siècles et attestaient de la présence au long terme du bouddhisme dans cette région. Ils prouvaient que, malgré les troubles que connait l’Afghanistan depuis plus de vingt ans, le pays renferme une histoire riche et ancienne. Une histoire qu’il est primordial de conserver et d’enrichir. 


Pour plus de détails, rendez-vous sur l’article du Tote Bag La destruction des Bouddhas de Bamiyan en Afghanistan : 20 ans après l’un des plus grands crimes archéologiques