L’Amérique post-élections : impacts sur le Parti Républicain
L’état du Parti Républicain, de Donald Trump et de la démocratie américaine après la présidentielle
Alors qu’en principe la fin d’un mandat présidentiel devrait signer la fin d’une vie politique, à plus forte raison pour un homme de 74 ans ; une fois de plus Donald Trump voudrait se soustraire aux évidences ; quitte à emporter le Parti Républicain et la démocratie américaine avec lui.
Près de trois semaines après les élections, et bien qu’il n’ait toujours pas officiellement reconnu sa défaite, il est désormais certain, sauf coup d’état, que Donald Trump ne sera plus Président des Etats-Unis à la fin janvier. Le Parti Républicain et le président sortant, ont en effet perdu les élections au profit des démocrates et de Joe Biden (à priori par 306 grands électeurs contre 232).
Pourtant, malgré cet état de fait relégué massivement par les médias, mêmes pro-républicains, le Parti Républicain s’abstient pour l’instant (à quelques rares exceptions) de tout commentaire, préférant attendre la fin des recomptages et recours en justice initiés par Donald Trump et le vote du collège électoral à la mi-décembre.
En apparence, Donald Trump se démène pour se voir attribuer la victoire. Répétant à l’envie, et toujours sans preuve, que l’élection était truquée et que les démocrates sont en train de lui voler sa victoire. Il se serait même renseigné la semaine dernière, en s’entretenant avec des gouverneurs des Etats républicains ayant voté démocrate, pour que les grands électeurs lui soient quand même attribués. Une telle hypothèse, a fortiori si elle avait lieu dans plusieurs Etats et changeait alors l’issue du scrutin, précipiterait instantanément les Etats-Unis dans une crise institutionnelle majeure, qui serait tranchée en dernier lieu par la Cour suprême, que le président sortant espère s’être acquis par trois nominations au cours de son mandat.
Donald Trump fait donc le pari de l’opportunisme de ceux qui l’entourent. Si le Parti Républicain ne l’a jusque-là pas déçu ; il est moins certain que les gouverneurs des Etats et la Cour suprême ; l’un et l’autre plus indépendant des élections nationales ; suivent ses consignes sans tenir compte du risque de mettre à bas la démocratie américaine.
Cependant ; l’hypothèse la plus raisonnable, bien que l’on parle de Donald Trump ; est celle selon laquelle sans l’admettre, il est conscient de sa défaite. Preuve en est qu’il a depuis lundi autorisé la transition vers une administration Biden. Dès lors sa stratégie lui permettra en fait de quitter le pouvoir comme un martyr aux yeux de la droite, et non comme ayant été incapable d’assurer sa réélection. S’il est évidemment bien trop tôt pour dire qu’il sera en mesure d’être le candidat du Parti Républicain aux élections en 2024, on ne peut dès lors pas l’exclure tant sa stratégie actuelle, la dénonciation d’un vol de l’élection par les démocrates, résonne de plus en plus chez les partisans républicains qui en viennent largement à douter de la fiabilité du scrutin. Il pourra ainsi revenir dans quatre ans pour reprendre ce qui lui revient de droit…
Il demeure qu’à un peu moins de deux mois de son présumé départ du pouvoir, Donald Trump n’a jamais été un si grand danger pour la démocratie américaine. A tel point que les plus hauts gradés de l’armée des Etats Unis se sont permis de rappeler qu’ils n’obéissaient qu’à un seul maître : la Constitution ; n’excluant en cela pas de faire sortir Donald Trump de la maison blanche par la force.
Pourquoi alors le Parti Républicain n’abandonne-t-il pas l’exaspérant soldat Trump, alors que cela l’amène à apparaître aujourd’hui comme le soutien de la principale menace pour la démocratie américaine ? Deux réponses, l’une opportuniste, l’autre plus idéologique, peuvent être apportées.
Les républicains veulent d’abord et avant tout éviter la dispersion avant les élections sénatoriales en Géorgie début janvier, pour lesquelles ils sont favoris et qui doivent leur permettre de conserver le Sénat et donc d’exercer un réel contrepouvoir face à l’administration démocrate se dessinant et se voyant déjà réintégrer les accords de Paris sur l’environnement.
L’autre raison, plus idéologique, est la souscription du Parti Républicain au « trumpisme ». Alors qu’au début de son mandat, des commentateurs avaient glosé sur un possible impeachment par les républicains eux-mêmes de leur président nouvellement élu, et ce de manière à placer à la tête du pays le bien plus posé et calculateur vice-président Mike Pence. Il n’en a rien été. Cela aurait été bien trop difficile à faire avaler aux électeurs, qui sont à n’en pas douter, la principale préoccupation des partis politiques, et ce avant les candidats, les institutions, et les idées. C’est ainsi que le Parti Républicain s’est pendant quatre ans satisfait de Donald Trump, qui leur a permis d’atteindre ses objectifs principaux (électoralement parlant) : la nomination de juges conservateurs et les baisses d’impôts. Plus encore, la personne même de Donald Trump a semble-t-il été acceptée par le Parti Républicain, dont les excès, mensonges et propos haineux à répétition ne sont plus perçus que comme moyen d’expression du rejet du politiquement correct, rapprochant en cela le Président et le Parti de leurs électeurs.
Pour l’instant, le Parti Républicain n’est donc pas prêt à se séparer de Donald Trump ; mais les choses peuvent évoluer très vite. Le soutenir est jusqu’alors incontournable du fait de sa position institutionnelle et du fait que toute division est refusée en considération des décisives deux places au Sénat qui seront disputées en janvier. Mais Trump demeurera-t-il un poids lourd politique républicain au jour de son retour à la vie civile, aux affaires non florissantes et aux poursuites judiciaires qui l’attendent et se sont même accumulées depuis maintenant quatre ans ? De plus, un mandat présidentiel à distance de la maison blanche ne sera-t-il pas l’occasion pour le Parti Républicain d’amorcer une réflexion, devenue trop rare, et de faire le procès de ce qu’aura finalement été la présidence Trump -en mal et en bien- ? On peut l’espérer… Mais reste que celui-ci n’est pas encore prêt à s’effacer et réfléchirait notamment, fort de sa popularité à droite, à la création d’un empire médiatique nouveau, dont on peut déjà sans trop s’avancer, présumer que vérité, exigence, et apaisement ne seront pas les maîtres-mots.
Sources
Articles de presse
François Vergniolle de Chantal, novembre 2020, « Elections américaines : « Au sein du Parti républicain, le trumpisme est là pour rester » », Le Monde ; URL
« M.R », novembre 2020, « États-Unis : ces affaires qui attendent Trump après son départ de la Maison-Blanche », L’Express, URL
Philippe Boulet-Gercourt, novembre 2020, « Trump retraité ? Il sera la star des médias… ou d’une « Trump TV » », L’Obs, URL