Réchauffement climatique : quelles conséquences sur l’environnement et les humains ?
Pourquoi un article sur les conséquences du réchauffement climatique ?
Beaucoup de français sont déjà sensibilisés à ces questions, notamment les jeunes générations, mais c’est loin d’être le cas pour tous. Un sondage IPSOS réalisé en 2015 exposait que 13% des français ne savaient pas précisément à quoi renvoyait le réchauffement climatique, et 1% ne le savaient pas du tout. 51% des répondants estimaient qu’ils se sentaient mal informés sur ces enjeux.
Voici donc un rappel, qui sera sans doute bienvenu, à l’heure où les incertitudes sont souvent exploitées par les climato-sceptiques. Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique ?
Pas seulement un réchauffement, mais un changement climatique
La source scientifique la plus fiable à laquelle nous ayons accès est le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), daté de 2014. Le GIEC est une des références, si ce n’est la référence, en matière de production de données sur le changement climatique. Leurs projections sont utilisées par les gouvernements du monde entier dans la mise en place de politiques climatiques, par exemple durant les Accords de Paris de 2015.
Depuis les années 1950, les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique (liées aux activités humaines) ont fortement augmenté. La concentration atmosphérique de ces gaz augmentant, la température a également augmenté, de 0,8°C depuis 1850, en raison de l’effet de serre. D’ici à 2100, la température moyenne terrestre aura cru d’entre 1,9°C et 5,6°C en comparaison à l’ère préindustrielle, sauf revirement majeur de situation.
Le réchauffement touche aussi les océans. Seulement 1% de l’énergie accumulée par la Terre provoque le réchauffement de l’atmosphère. 90% de cette énergie est absorbée par les océans. Les couches supérieures océaniques se réchauffent donc à des vitesses bien supérieures à l’atmosphère.
L’augmentation de la température a provoqué indirectement la hausse du niveau des océans (+20 cm depuis 1900), par la fonte des glaciers et autres glaces terrestres.
Les océans s’acidifient également, car ils ont absorbé 30% du CO2 atmosphérique d’origine anthropique (baisse moyenne du pH de 0,1 ; soit un océan 26% plus acide).
Le réchauffement climatique réduit les extrêmes de température hivernaux et augmente les extrêmes de température estivaux. Il est également à l’origine d’une augmentation dans la fréquence et l’intensité des précipitations dans la plupart des régions du monde.
Tous ces impacts sont d’ores et déjà observables en 2020. Continuer à émettre des gaz à effet de serre aura pour conséquence de les renforcer pour les décennies à venir. La diversité des impacts de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre nous pousse à parler d’un changement climatique (ou des changements climatiques), et non uniquement d’un réchauffement climatique.
Note importante : Les gaz à effet de serre émis ont pour la plupart des durées de vie dans l’atmosphère de plusieurs décennies, voire siècles. Si nous n’agissons pas rapidement, des dommages irréversibles adviendront inévitablement, en raison du réchauffement lié aux gaz à effet de serre déjà émis dans l’atmosphère.
Impacts du changement climatique sur les communautés humaines dans le monde
Le réchauffement climatique, et les changements climatiques qui lui sont associés, va avoir des conséquences sur tous les humains de la planète. Voici ceux observés et projetés sur les communautés humaines par le GIEC.
Clé de lecture :
Actuellement : niveau de risque actuel.
+2°C/+4°C : niveau de risque projeté dans le cas d’une augmentation de la température atmosphérique de 2°C/de 4°C d’ici 2080-2100.
Europe
- Augmentation des dégâts liés aux inondations. Actuellement : faible ; +2°C : faible à haut ; +4°C : haut à très haut.
- Restrictions d’eau. Actuellement : moyen ; +2°C : moyen à haut ; +4°C : haut à très haut.
- Dégâts accrus liés aux canicules et aux feux naturels. Actuellement : moyen ; +2°C : haut à très haut ; +4°C : très haut à critique.
Amérique du Nord
- Augmentation des dégâts liés aux inondations en zones urbaines. Actuellement : moyen à haut ; +2°C : haut à très haut ; +4°C : très haut.
- Mortalité accrue en raison de la chaleur : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : faible à haut ; +4°C : moyen à très haut.
- Dégâts accrus liés aux feux naturels. Actuellement : moyen à haut ; +2°C : haut à très haut ; +4°C : très haut à critique.
Amérique centrale et du Sud
- Accès à l’eau salubre plus difficile et augmentation des inondations et glissements de terrain : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : haut à très haut ; +4°C : très haut à critique.
- Baisse de la quantité et de la qualité de la production agricole : Actuellement : moyen à haut ; +2°C : moyen à très haut ; +4°C : haut à très haut.
- Propagation de virus : Actuellement : moyen à très haut. +2°C/+4°C : information indisponible.
Asie
- Augmentation des dégâts liés aux inondations sur les infrastructures, les moyens de subsistance et les habitations : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : moyen à haut ; +4°C : haut à très haut.
- Mortalité accrue en raison de la chaleur : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : haut à très haut ; +4°C : très haut.
- Augmentation des pénuries de nourriture et d’eau en raison des sécheresses : Actuellement : faible ; +2°C : faible à moyen ; +4°C : moyen à haut.
Australasie
(Îles du S-E asiatique + Australie + Nouvelle-Zélande)
- Changements majeurs de la composition et de la structure des récifs coralliens : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : haut à très haut ; +4°C : critique.
- Augmentation des dégâts liés aux inondations sur les infrastructures et les habitations : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : faible à haut ; +4°C : moyen à très haut.
- Risques accrus pour les infrastructures côtières et les écosystèmes de basse altitude : Actuellement : très faible à faible ; +2°C : faible à moyen ; +4°C : moyen à très haut.
Régions polaires
- Risques pour les écosystèmes : Actuellement : moyen ; +2°C : haut ; +4°C : très haut.
- Risques pour la santé et le bien-être des communautés humaines : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : haut à très haut ; +4°C : haut à critique.
- Défis sans précédents pour les populations dans l’adaptation au rythme des changements : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : haut à très haut ; +4°C : haut à critique.
Petites îles
- Perte des moyens de subsistance, des habitations, des infrastructures, des services écosystémiques et de la stabilité économique : Actuellement : très faible à faible ; +2°C : faible à moyen ; +4°C : haut à très haut.
- Risques pour les zones côtières les plus basses en altitude : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : haut à très haut ; +4°C : très haut à critique.
Océan
- Changement dans la composition et baisse des prises de pêches dans les régions de faibles latitudes : Actuellement : faible ; +2°C : moyen ; +4°C : haut.
- Augmentation massive des épisodes de blanchissement de coraux et mort de récifs : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : très haut ; +4°C : critique.
- Inondations côtières et pertes d’habitats : Actuellement : faible à moyen ; +2°C : moyen à haut ; +4°C : haut à très haut.
Les impacts sont nombreux et, dans chaque région, un grand nombre d’autres répercussions n’ont pas été détaillées, pour aller à l’essentiel. On notera que les conséquences les plus importantes du réchauffement climatique toucheront les régions les moins développées du monde.
Des conséquences non projetées par le GIEC
L‘incapacité, pour une partie de l’humanité, à subvenir à ses besoins primaires (alimentation, eau, habitat…) engendrera d’autres évènements prédictibles, non évoqués par le GIEC mais décrits par d’autres (Reuveny, 2007 et McLeman & Smit, 2006) :
- Des migrations climatiques, pour trouver ailleurs les besoins primaires qui ne sont plus satisfaits là où l’on vivait.
- Des guerres civiles et frontalières : la raréfaction des ressources entraînera une hausse des tensions quant à l’accaparement et la redistribution de celles restantes. Les sociétés les plus inégalitaires pourraient voir les moins favorisés se soulever lorsque les évènements naturels extrêmes se multiplieront. La fermeture des frontières aux migrants climatiques (priorité nationale, raisons identitaires…) pourra également entraîner des conflits. Enfin, des guerres interétatiques pourront émerger, pour l’accaparement de terres agricoles ou de ressources stratégiques telles que l’eau.
Conséquences du réchauffement climatique en France
Nous nous baserons sur un rapport de la Direction générale de l’Energie et du Climat daté de 2014, qui se base sur le rapport du GIEC mentionné plus tôt. Nous prendrons le scénario RCP 8.5 comme base (3,4°C et 5,6°C par rapport à l’ère préindustrielle ; scénario « catastrophe »).
Oui, les changements climatiques vont nous impacter en France. Voilà les conséquences envisagées à l’horizon 2071-2100 :
- Hausse de la température moyenne probable entre +1,9°C et +3,6°C en hiver et entre +3,2°C et +5,3°C en été.
- Evolution des précipitations de -0,13 mm/jour et +0,85 mm/jour en hiver et entre -0,70mm/jour et +0,32mm/jour en été. Ces évolutions seraient réparties inégalement sur le territoire.
- Une augmentation des vagues de chaleur estivales d’au moins 5 jours et jusqu’à plus de 20 chaque année, selon la région, par rapport à la période 1976-2005.
- Les jours de froid extrême diminueraient d’au moins 4 jours par an partout, disparaissant potentiellement.
- Les épisodes de précipitations extrêmes augmenteraient, atteignant +10% dans certaines régions.
- Les périodes de sécheresses estivales augmenteraient de plusieurs jours dans la plupart des régions, augmentant jusqu’à plus de 10 jours dans certaines régions.
L’Observatoire National sur les Effets du Réchauffement Climatique (ONERC) nous informe que ces éléments ont provoqué le recul des glaciers français de 18,8 mètres en moyenne entre 2001 et 2013, avancé la migration de certains oiseaux de 6,5 jours depuis 1987, et les vendanges de 40 jours en 40 ans.
Ces éléments nous impactent-t-ils tous directement ? Oui, l’élévation des températures aura des impacts importants sur l’agriculture et l’approvisionnement en eau. En outre, en 2017, 62% des français étaient exposés de manière « forte ou très forte » aux risques climatiques (avalanches, tempêtes, feux de forêt, inondations, mouvements de terrain). Les changements climatiques nous rendront tous vulnérables à ces risques dans les prochaines décennies.
Chaque demi-degré compte
La comparaison des niveaux de risque selon le réchauffement du climat de 2°C ou de 4°C nous a donné une première idée de la façon dont plus la température augmente, plus les conséquences environnementales et sur les communautés humaines sont grandes. En réalité, c’est même bien plus que cela : chaque demi-degré compte, donc chaque réduction dans nos émissions de gaz à effet de serre aura des conséquences importantes sur les générations actuelles et futures.
Très concrètement, un réchauffement climatique limité à 1,5°C permettrait de limiter fortement les conséquences évoquées ci-dessus dans le scénario à 2°C. Moins de vagues de chaleur, d’incendies, d’élévation des océans, d’inondations, de pertes en termes de pêche, de sécheresses et de famines, de pénuries d’eau, donc bien moins de souffrances et de morts humaines, de perte de biodiversité. Par ailleurs, le dépassement de seuils de température peut entraîner l’extinction d’espèces, voire la quasi-disparition d’écosystèmes. L’exemple le plus saillant est celui des écosystèmes coralliens, dont plus de 99% disparaîtraient si l’atmosphère se réchauffait de 2°C (et donc l’océan), tandis qu’entre 10 et 30% pourraient subsister si le réchauffement climatique était contenu à 1,5°C.
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Les conséquences du réchauffement climatique n’épargneront personne. Nous ne l’avons que peu évoqué, mais ces changements provoquent et continueront de provoquer la disparition de centaines de milliers d’espèces animales et végétales, incapables de s’adapter suffisamment vite aux changements en cours. La biodiversité sera en chute libre durant les prochaines décennies. Cet effondrement aura de graves conséquences sur les humains, en termes de sécurité alimentaire (pollinisation), de salubrité de l’eau, de décomposition de nos rejets polluants…
Dylan Chiasson
Références & Pour aller plus loin
Articles
McLeman, R., Smit, B., “Migration as an adaptation to climate change”, Climatic change, 76 (1-2), 2006, p.31-56, URL : https://doi.org/10.1007/s10584-005-9000-7
Reuveny, Rafael, “Climate change-induced migration and violent conflict”, Political Geography, 26 (6), 2007, p.656-673, URL : https://doi.org/10.1016/j.polgeo.2007.05.001
Thiberge, Clémentine. « Le climat, nouvelle donne pour penser les guerres de demain », Le Monde, 3 juin 2019, URL : https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/03/le-climat-nouvelle-donne-pour-penser-les-guerres-de-demain_5470925_3210.html
Dossiers
Auteur non indiqué. Changement climatique : Impacts en France, Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, 2018, 9p. URL : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/ONERC_Brochure_impacts_en_France_PDF_WEB.pdf
GIEC (IPCC), Climate Change 2014: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Core Writing Team, R.K. Pachauri and L.A. Meyer (eds.)]. 2014, 169 p., URL : https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/05/SYR_AR5_FINAL_full_wcover.pdf
GIEC (IPCC), “Summary for Policymakers”. Dans: Global Warming of 1.5°C. An IPCC Special Report on the impacts of global warming of 1.5°C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change, sustainable development, and efforts to eradicate poverty [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, H.-O. Pörtner, et al.], 2018, 24p., URL : https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/05/SR15_SPM_version_report_LR.pdf
Jouzel, Jean et al., Le climat de la France au XXIe siècle (Volume 4). Scénarios régionalisés : édition 2014 pour la métropole et les régions d’outre-mer, Direction générale de l’Énergie et du Climat, 2014, 64p., URL : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/ONERC_Climat_France_XXI_Volume_4_VF.pdf
Sondage
Mercier, Etienne, Dusseaux, Vincent, Les Français face au changement climatique. IPSOS, 2015. URL : https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-face-au-changement-climatique