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Changement climatique et radioactivité dans les Pyrénées

L’une des conséquences du changement climatique en cours est l’augmentation des températures à la surface du globe. Le dernier rapport du GIEC, dont la première partie a été publiée il y a peu, fait état d’une élévation des températures moyenne de 1,1°C depuis l’ère pré-industrielle. Ce réchauffement a déjà eu pour conséquence un retrait significatif des glaciers à la surface du globe et en particulier dans les Pyrénées. Sur la photographie ci-dessous, vous pouvez observer les contours du glacier de Pays Baché (Parc du Néouville) en 1850 et les maigres reste de ce glacier désormais enfouis sous les roches.

Image Google Earth du glacier de Pays Baché, la ligne rouge délimite le contour du glacier en 1850, la flèche bleue indique les restes du « glacier » actuel.

La moitié d’entre eux ont d’ores et déjà disparu. Le 23 Octobre 2019 un hommage avait notamment été rendu au dernier glacier de Nouvelle Aquitaine, le glacier d’Arriel et une plaque commémorative avait été déposée. Ceux qui restent sont menacés à court termes et ils auront probablement tous disparu d’ici vingt à trente ans. Ce retrait des glaces n’est pas sans conséquences puisque les glaciers, par leur recul, relarguent des particules polluantes piégées à leur surface dans ce que l’on appelle des cryoconites.

La mission

            Dimanche 5 septembre, 6h45, parking du barrage d’Ossoue, la frontale vissée sur le crâne ; c’est l’heure du départ pour le glacier d’Ossoue. Le convoi d’une petite quinzaine de personnes principalement constitué de bénévoles de l’association Moraine, de journalistes et de photographes, s’achemine vers le glacier. L’objectif de l’association est d’implanter des balises sur le glacier qui permettront de suivre l’évolution de sa masse, tandis que pour ma part je suis chargé de rapporter des échantillons de cryoconites, qui serviront dans le cadre d’un programme de recherche. Après un peu plus d’une heure trente de marche nous atteignons les grottes Bellevue que le comte Henry Russell avait faite creuser à la fin du XIXme siècle. De ces grottes il pouvait contempler le front massif du glacier. Il nous faudra encore une grosse demi-heure de marche pour en voir les premiers lambeaux.

Les cryoconites c’est quoi ?

Les cryoconites sont des particules minérales (issues du monde minéral, inerte) et organiques (issues du monde vivant) sombres que l’on retrouve à la surface des glaciers. Par leur couleur sombre les cryoconites absorbent l’énergie du soleil et accélère le rythme de fonte des glaces. C’est pourquoi, assez rapidement, les petites accumulations de cryoconites forment des petits trous à la surface du glacier (photographie ci-dessous). Bien évidemment ces dépôts sombres, en modifiant la couleur glacier et donc en augmentant l’absorption de chaleur, accélèrent la fonte de ce dernier.

Photographies de Cryoconites sur le glacier d’Ossoue

Mais c’est quoi cette histoire de radioactivité ?

            Les cryoconites sont des supports de vie, des populations de bactéries colonisent ces dépôts et s’y développent pour former des micro-écosystèmes. De tout petits espaces de vie à plus de 3000 mètres d’altitude. Le problème ? Ces micro-écosystèmes accumulent les micro-polluants de leur environnement proche. Ainsi, des particules radioactives d’origine naturelle ou formées lors des accidents nucléaires (Tchernobyl notamment) et des essais atomiques atmosphériques; se retrouvent concentrés dans ces cryoconites.  La fonte des glaciers relargue donc ces particules dans l’environnement.

Pourquoi les étudie-t-on ?

            Les prélèvements réalisés lors de cette campagne scientifique ont pour objectif de répondre à un certain nombre de questions. Tout d’abord, quelles quantités de particules radioactives d’origine naturelle et artificielle se trouvent dans nos glaciers ? Quels processus sont à l’origine de ces fortes concentrations radioactives dans les cryoconites ? Quel sera leur devenir lorsqu’elles auront été relarguées dans l’environnement ? Comprendre ces mécanismes permettra d’estimer l’impact potentiel de ces particules sur l’environnement. Selon les quantités trouvées et les éléments radioactifs identifiés le risque pour les écosystèmes est très variable. Il peut très bien s’avérer nul, ou au contraire assez important. Déterminer ce risque et réagir de manière appropriée, c’est finalement le rôle des sciences.

Les sciences nous permettent de comprendre pour mieux agir !
Ces roches, bien lisses, ont été polies par le glacier lorsqu’il les recouvrait. Il y a plusieurs dizaines d’années, elles se trouvaient encore sous la glace.

Ressources :

Retrouvez les travaux de l’association de glaciologie pyrénéenne Moraine : http://asso.moraine.free.fr/index.php/bibliographie/bulletins/

Retrouvez également l’article et la vidéo de Ouest France présent sur cette mission !

Programme scientifique : https://www.driihm.fr/projets/projets-2020/details/149/2328

Alexandre Lacou