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Approfondir (écologie)

Les limites planétaires

Cet article est dédié aux neuf limites planétaires telles que définies par Rockström et al. (2009).

D’une ère propice au développement et à un climat stable, l’Holocène, nos activités industrielles et notre avidité face aux ressources de la planète, nous ont fait basculer dans ce que nous nommons aujourd’hui l’Anthropocène. Avec cette nouvelle période géologique s’ouvre un futur fait d’incertitudes et de déséquilibres, qu’ils soient écologiques ou bien sociaux, démocratiques, économiques…

Mais intéressons-nous ici aux déséquilibres écologiques : le « système-Terre » repose sur un certain nombre de composants (la biosphère, l’hydrosphère, l’atmosphère et la lithosphère) fortement reliés et interagissant ensemble. L’intensification des activités anthropiques (d’origine humaine) et la course à la croissance économique, débutées au XIXème siècle, ont exercé une pression telle que les cycles planétaires sont désormais fortement perturbés.

Paul Crutzen, l’inventeur du terme « Anthropocène », souligne ainsi que « l’empreinte humaine sur l’environnement planétaire est devenue si vaste et intense qu’elle rivalise avec certaines des grandes forces de la Nature en termes d’impact sur le système Terre  » (Bonneuil et Fressoz, 2016).

Le concept de limite planétaire

Une limite correspond au seuil critique au-delà duquel l’ensemble du vivant (ou biosphère) s’expose au risque d’un effondrement global (Boutaud et Gondran, 2019).

Les scientifiques sont aujourd’hui arrivés au consensus qu’il existe neuf processus régulant la stabilité du système-Terre et, pour chacun d’eux, des limites planétaires à ne pas dépasser pour espérer rester dans des conditions de vie acceptables sur Terre :

  • le changement climatique ;
  • l’acidification des océans ;
  • l’affaiblissement de la couche d’ozone stratosphérique ;
  • la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore ;
  • l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère ;
  • la perturbation des cycles de l’eau douce ;
  • le changement d’affectation des sols (déforestation) ;
  • l’atteinte à l’intégrité de la biosphère (biodiversité) ;
  • l’introduction de nouvelles entités dans l’environnement (pollutions chimiques notamment).

Le franchissement d’une limite marque l’entrée dans une zone d’incertitude, voire amène vers un risque d’effondrement à plus ou moins long terme.

Source : Will Steffen et al. (2015)

Des limites déjà franchies ?

En 2009, une équipe de chercheurs menée par Johan Rockström indiquait que trois d’entre elles seraient déjà franchies : changement climatique, érosion de la biodiversité et perturbation du cycle de l’azote.

Par exemple, en ce qui concerne le changement climatique, celui-ci est lié à l’augmentation des concentrations en CO2dans l’atmosphère. Or celles-ci atteignent aujourd’hui les 400 ppm (parties par million), dépassant la valeur seuil de 350 ppm, fixée par la littérature scientifique comme sûre, nous faisant entrer dans une zone de forte incertitude.

Le principal problème est que ces changements climatiques entretiennent des relations avec quasiment toutes les autres frontières environnementales planétaires (Boutaud et Gondran, 2019). La perturbation du cycle de l’azote aggrave par exemple le réchauffement climatique par un accroissement de la production de protoxyde d’azote dans l’atmosphère tandis que les changements d’occupation des sols génèrent un relargage plus important du CO2 dans l’atmosphère. Les changements climatiques impactent la biodiversité, l’acidification des océans, etc.

Tout est lié et extrêmement imbriqué !

Quid des effets rétroactifs ?

La détérioration d’un processus peut aggraver la situation d’un ou plusieurs autre(s), avec des effets en cascade qui peuvent s’avérer conséquents (Boutaud et Gondran, 2019). On parlera alors de « rétroaction positive » lorsque les interactions entre les composants d’un système amplifient les écarts avec un état stable, amenant vers un déséquilibre des processus voire vers des ruptures et effondrements.

Par exemple, le réchauffement climatique amplifie les phénomènes d’acidification des océans, ce qui menace les organismes marins comme les planctons ou les coraux, impactant alors toutes les chaines trophiques et donc les différentes espèces. La capacité de séquestration du CO2 par les océans (dits puits de carbone) est alors altérée, ce qui pourrait accroitre l’effet de serre et donc le réchauffement climatique : une belle boucle de rétroaction !

Source : Aurélien Boutaud et Natacha Gondran (2019)

La Terre nous envoie des signaux d’alarmes

Aujourd’hui, certaines limites sont déjà franchies et nous ne sommes pas loin d’en dépasser d’autres. Le système-Terre et ses écosystèmes nous envoient constamment des « signaux d’alarmes précoces » que, bien souvent, nous ne savons pas interpréter, ou que nous interprétons trop tard. La crise sanitaire liée au COVID-19 que nous traversons actuellement est bien l’un de ces signaux, nous rappelant que le déclin de la biodiversité n’est pas sans danger et pourrait à l’avenir favoriser l’apparition de davantage d’épidémies… 

Il y’a urgence à ralentir, se poser les bonnes questions et stopper notre course folle à la destruction afin de rester dans un  « espace de fonctionnement sûr » (SOS – Safe Operating Space, en anglais).

Natacha Racinais


Sources & pour aller plus loin :

  • Aurélien Boutaud et Natacha Gondran (2019), Les limites planétaires Comprendre (et éviter) les menaces environnementales de l’Anthropocène, Métropole de Lyon (DPDP). Étude disponible ici.
  • Johan Rockström et al. (2009), « Planetary boundaries : exploring the safe operating space for humanity ». Ecology and Society, vol. 14, n°2, art.32.
  • Will Steffen et al. (2015), « Planetary boundaries: Guiding human development on a changing planet ». Science, N°347.

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