Catégories
Approfondir (écologie)

La Collapsologie

Qu’est-ce que la collapsologie ?

Le terme « collapsologie » a été pour la première fois utilisé dans l’ouvrage Comment tout peut s’effondrer, de l’écologue, chercheur et conférencier Pablo Servigne et l’expert en résilience des systèmes socio-écologiques Raphaël Stevens. Il s’agit donc d’un terme extrêmement récent, l’ouvrage étant paru en 2015.

Collapsologie est un néologisme tiré du latin collapsus (s’écrouler). Il signifie littéralement « science de l’effondrement ». Il est défini plus précisément par les auteurs comme l’ « exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de la civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder, en s’appuyant sur la raison, l’intuition et des travaux scientifiques reconnus ». Il s’inscrit donc dans un objectif de clarification de la notion d’effondrement.

L’effondrement est le « processus à l’issue duquel les besoins de base […] ne sont plus fournis (à coût raisonnable) à une majorité de la population par des services encadrés par la loi » (Yves Cochet). C’est un processus irréversible et à grande échelle.

La collapsologie, une science de l’effondrement ?

Les collapsologues s‘appuient sur des faits scientifiques pour montrer comment notre civilisation pourrait s’effondrer, et comment elle s’effondrerait si nos comportements n’évoluent pas. Bien que certains collapsologues la considèrent comme une science de l’effondrement, elle n’est pourtant pas une science à proprement parler étant donné qu’elle ne prouve rien et s’appuie seulement sur des hypothèses. 

La discipline s’intéresse uniquement à un effondrement de la civilisation industrielle causé par l’espèce humaine elle-même. Sont généralement exclues les causes non-humaines (invasion extra-terrestre, météorite, catastrophe naturelle majeure…), car considérées comme trop improbables ou dérisoires en comparaison aux activités humaines et leur impact. C’est en tout cas le choix fait par les auteurs.

Note : C’est principalement l’Institut Momentum qui s’intéresse aujourd’hui aux recherches en collapsologie. Il fut fondé en mars 2011 par Agnès Sinaï, une journaliste environnementale enseignante à Sciences Po Paris, et Yves Cochet.

Quel effondrement ?

Les auteurs indiquent qu’il ne consisterait pas uniquement en une crise écologique, mais surtout en des chocs politiques, économiques et sociaux, ainsi que des basculements de conscience collectifs.

Les collapsologues ne sont pas certains que ces évènements arriveraient dans un futur très proche. L’effondrement est décrit comme un processus « à la fois lointain et proche, lent et rapide, graduel et brutal », dans le sens où nous nous dirigeons lentement vers celui-ci, mais qu’à n’importe quel moment le système pourrait s’effondrer.

Une autre fin du monde est-elle possible ?

La collapsologie nous incrimine, nous critique en nous alertant sur les urgences climatique, les fragilités de notre modèle économique ou encore la fracture sociale, mettant en évidence notre inaction. Pire, Pablo Servigne et Raphaël Stevens expliquent, s’appuyant sur des rapports et études scientifiques, qu’il est extrêmement probable qu’il soit déjà trop tard : le modèle actuel serait voué à s’effondrer dans un futur plus ou moins proche. Nous ne pouvons qu’essayer d’en atténuer les conséquences.

Nous sommes aveugles et sourds aux cris que nous lance la nature.

Pablo Servigne et Raphaël Stevens

La collapsologie n’est cependant pas (qu’)axée sur la dénonciation et la démoralisation du lecteur. Elle a avant tout vocation à informer pour mobiliser le grand public, faire réagir. En effet, l’effondrement n’est absolument pas perçu par les collapsologues comme une fin du monde, mais bien comme la fin d’un monde, une distinction très importante. Précisément, il s’agit de la fin d’un monde (le monde actuel) caractérisé par le progrès sans limite, l’individualisme et la destruction des écosystèmes. 

Se reconnecter

La fin d’un monde nous place face à un dilemme: attendre de subir de plein fouet la violence des cataclysmes à venir, sans en maîtriser les conséquences, ou agir. Cette dernière possibilité, selon les auteurs, ne consisterait pas en une tentative d’endiguement de l’effondrement à venir : cela leur semble improbable. 

Il s’agirait plutôt de déclencher volontairement la fin de notre monde, afin d’en maîtriser les répercussions. Il faudrait renoncer de manière progressive, anticipée et collective à tout ce que le système thermo-industriel fournit (nourriture, vêtements, déplacements rapides, matériels électroniques, etc.) avant de subir des pénuries. Pour cela, il faudrait d’abord se reconnecter au système-Terre, mais aussi à l’humain. L’effondrement est donc paradoxalement envisagé comme une entrée dans l’âge de la reconnexion : la reconnexion au local par la réduction des distances parcourues par les humains et les biens ou la mise en avant des low tech et de la permaculture.

***

La collapsologie est une discipline récente et controversée. En effet, de nombreuses voix se sont levées contre cette science de l’effondrement, dénonçant l’éco-anxiété qu’elle génèrerait et la supposée dictature écologique qu’elle induirait. Mais les premiers mérites de la collapsologie sont de faire réfléchir à l’utopie vers laquelle nous voulons tendre. Nous aurions un « immense champ de bataille à occuper, voire à conquérir, celui de l’imaginaire », celui des fausses croyances concernant la croissance infinie, le transhumanisme ou le développement durable.

Ce sont donc bien les consciences que la collapsologie cherche avant tout à mobiliser et, si beaucoup trouvent le modèle actuel inégalitaire et court-termiste, peu cherchent concrètement à le changer. 

Dylan Chiasson 

Bibliographie : 

Ouvrages :

  • Servigne, Pablo et Stevens, Raphaël, Comment tout peut s’effondrer : petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, Paris, Seuil, 2015, 301 p.
  • Servigne, Pablo, Stevens, Raphaël et Chapelle, Gauthier : Une autre fin du monde est possible, Paris, Seuil, 2018, 335 p.

Articles : 

Nos derniers articles ici !