AMAP : la future star des campus étudiants ?
AMAP
Non, AMAP, ce n’est pas un groupe de musique trap, mais bien l’acronyme …d’une “Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne” : encore plus cool non ?
Moi-même à la tête d’une “AMAP” étudiante depuis plusieurs mois, je me suis rendue compte que trop peu de personnes connaissent ce terme…… et le bel “écosystème” qui se cache derrière. Puisse ce petit récapitulatif partager l’essence de l’aventure amapienne et donner envie de la rejoindre !
Une AMAP vous dites ?
Si j’utilise des guillemets pour désigner ma propre association, ce n’est pas un hasard : elle a tout d’une AMAP, mais ne peut en être officiellement une. Mystérieux tout cela. Le suspense devient insoutenable : qu’est donc une AMAP sans guillemets ?
Le terme AMAP est déposé à l’INPI depuis le printemps 2003, saison à laquelle a été éditée la “charte des AMAP”. Celle-ci a été réécrite en 2014, alors qu’elle fédérait déjà près de 2000 associations de ce nom !
Pour introduire cette charte, on lit : “Les AMAP, ou Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne, sont nées, en 2001 en France, d’une prise de conscience citoyenne face à la situation de crise importante dans les domaines de l’agriculture et de l’alimentation.” Voilà qui donne le ton, porteur d’une vraie ambition socio-écologique. Pour soutenir ce projet d’ampleur nationale, il fallait bien un document établissant des objectifs et des principes précis. D’autant que la charte met en valeur le besoin qui la dicte : l’AMAP, c’est un engagement citoyen à toutes les échelles, touchant des valeurs qui parleront forcément à un-e étudiant-e de 2020.
Une transition mondiale
Commençons au commencement. Le système des AMAP est dérivé de celui des teikei (提携 ou “engagement de collaboration”), dont le but est d’acheter directement les produits à un petit agriculteur. Ces coopératives sont apparues au Japon vers 1970, alors que le pays est dans son miraculeux boom Izanagi, pour sortir de l’agriculture industrialisée et chimique qui s’empare des terres nippones. Vingt ans plus tard, le partenariat avec un teikei concernait un foyer japonais sur quatre ! Aujourd’hui les coopératives japonaises offrent souvent une vente moins directe qu’avant mais leur présence reste importante sur le territoire.
Une fois implantée au Japon, le modèle des teikei se diffuse en Amérique du Nord (les CSA : Communauty Support Agriculture), puis est enfin proposé en France par ATTAC en 2001. Et ça marche : en 5 ans environ 700 associations ont été créées, et en 2015 la France comptait près de 250 000 amapien-ne-s !
Un sursaut national
Rien d’étonnant à cet engouement : après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France a, elle aussi, connu un boom spectaculaire d’industrialisation. Le nombre de paysans réduit de façon exponentielle (la part d’agriculteurs dans la population française a été divisée par 10 entre 1960 et aujourd’hui), et les producteurs restants se tournent vers une agriculture déjà implantée aux Etats-Unis un peu plus tôt. L’usage de produits très toxiques devient nécessaire pour maintenir des exploitations s’étendant sur des dizaines voire une centaine d’hectares.
C’est encore le cas de nombreuses zones agricoles en France, mais certaines fermes paysannes ont survécu, tandis que d’autres sortent de terre (c’est le cas de le dire) petit à petit. Or depuis les années 2000, de plus en plus de Français-es se sensibilisent aux problèmes socio-économiques et écologiques engendrés par une agriculture intensive et de grande distribution.
D’ailleurs, d’autres démarches pionnières en faveur de l’agriculture paysanne ont aussi inspiré les AMAP : depuis 1991 les jardins de Cocagne voient dans le maraîchage biologique un tremplin à l’insertion professionnelle ; la charte de l’agriculture paysanne (1990) et la réglementation de l’agriculture biologique redonnent une place à la production raisonnée ; des associations rurales ou sociales soutiennent les petits producteurs et la distribution de produits de qualité… L’AMAP n’est donc pas la seule solution ! *
Un réseau territorial
Ce qui fait la force des AMAP c’est leur réseau !
Dès la naissance de la première AMAP en 2001 à Aubagne (Bouches-du-Rhône), l’association a été soutenue par des réseaux territoriaux ou régionaux, qui ont permis à d’autres AMAP de naître.
Aujourd’hui encore le fonctionnement des AMAP, qui ont depuis essaimé à travers le pays, est ainsi : chaque AMAP s’insère dans un réseau régional dont le territoire est précis et attitré, et chaque AMAP participe à la création et au développement de nouvelles AMAP dans le réseau. Depuis 2010, les réseaux régionaux forment même un vrai réseau de réseaux nommé MIRAMAP, qui gère les AMAP d’un point de vue national.
L’AMAP, un circuit local
Ce qui fait la particularité de l’AMAP c’est aussi sa dynamique interne !
Les membres fondateurs doivent trouver une ferme ou un-e producteur-ice avec qui collaborer. Ensuite, l’agriculteur-ice et chaque consommateur-ice (ou ici consomm’acteur-ice) signent un contrat précis, ainsi que la “charte des AMAP” qui pose 9 principes résumés ci-dessous :
- une démarche d’agriculture paysanne
- une pratique agro-écologique : dans le respect des fondamentaux de l’agriculture biologique
- une alimentation de qualité et accessible à tous
- une participation active dans une démarche d’éducation populaire
- une relation solidaire contractualisée sans intermédiaire : “Amapien-ne-s et paysan-ne-s en AMAP s’engagent mutuellement sans intermédiaire à partager la production pour une période donnée, par le biais de contrats solidaires.”
- un engagement économique pour les paysan-ne-s et pour les amapien-ne-s
- un engagement éthique : paysans et amapiens font évoluer et pérennisent l’activité agricole de concert. On parle d’une “ferme en AMAP”.
- un engagement social : actions visées, évaluation participative, évolution partagée, moyens soutenus par les réseaux et associations partenaires
- une dynamique de territoire et de réseau : elle participe ainsi à la création de nouvelles fermes fonctionnant en AMAP.
La signature du contrat établit un partenariat de coproduction à long terme (en général plusieurs mois minimum) ! Et oui, il ne s’agit pas d’acheter des tomates au passage le dimanche (même si c’est très bien aussi). L’amapien-ne paye par avance des paniers de denrées (légumes, fruits, oeufs, lait, miel…) que le/la producteur-ice délivrera chaque semaine à son ou sa propriétaire. Et le service est réciproque : le consomm’acteur est …acteur ! Il ou elle participe à la pérennisation de la ferme. Il/elle partage de son temps (surtout de bons moments) avec les autres amapien-ne-s et les agriculteur-ices. Il/elle promeut au grand public ses valeurs et ses connaissances pour une alimentation responsable.
Savez-vous planter les choux, à la mode de chez nous ?
Vous l’aurez compris, l’AMAP est une association qui, s’appuyant sur un grand réseau d’associations déposées sous la même marque, s’active pour soutenir une agriculture locale et respectueuse — de l’environnement, des producteur-ice-s, des consommateur-ice-s. Bien plus qu’un commerce de proximité, l’esprit de solidarité y règne et chacun y trouve sa richesse. Sur un campus étudiant, une telle association peut être un vrai rayon de soleil : chaleur, sourire et vitamine tout-en-un !
Si vous n’avez pas la chance d’avoir autour de vous un projet pareil, peut-être pouvez-vous l’initier ? En créant votre association ou en vous faisant porter par une association déjà existante, il faut ensuite trouver une ferme agricole intéressée, et le tour est joué !
* Et si le système d’AMAP est trop contraignant pour le/la producteur-ice ou pour la vie de campus, il existe des dizaines d’autres solutions dont voici quelques outils clés : le projet AGORAée (FAGE), le réseau GRAPPE, les paniers du SSU (service de santé universitaire), le Réseau Cocagne, le ReFEDD…
Blandine Long
Sitographie :
Charte des AMAP , MIRAMAP, mars 2014. http://miramap.org/IMG/pdf/charte_des_amap_mars_2014-2.pdf
Nicolet David, “AMAP étudiantes ou systèmes de paniers pour étudiants : goûtez la différence !”, Réseau IdF, 29 juillet 2020. http://amap-idf.org/amap_etudiante_systemes_paniers_etudiants_gou_123-actu_336.php
Partouche Alexandre. “Une AMAP, quésaco?” REFEDD, 15 avril 2020. https://refedd.org/une-amap-quesaco/
Lagane Jean, “Du teikei à l’AMAP, un modèle acculturé”, Développement durable et territoires [En ligne], Vol. 2, n° 2 | Mai 2011, mis en ligne le 23 mai 2011. http://journals.openedition.org/developpementdurable/9013
Pour aller plus loin :
Fiche pratique “Créer et animer une AMAP”, Animafac, 1 juillet 2020. https://www.animafac.net/fiches-pratiques/mon-paysan-de-quartier-creer-et-animer-une-amap/