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Littérature

Le classique de la semaine : Madame Bovary, Gustave Flaubert

Passage obligé pour beaucoup, Madame Bovary reste le classique par définition. Installé dans la période réaliste qui a donné lieu aux plus grands romans d’apprentissage, nous pourrions nous demander dans quelle mesure l’œuvre de Flaubert s’inscrit dans cette lignée du roman d’apprentissage.

Madame Bovary, Gustave Flaubert, Editions LGF Livre de Poche, 1972

Tout d’abord, qu’est ce qu’un roman d’apprentissage ? Par définition, c’est une œuvre fictive dont le héros est, au début du livre, jeune et inexpérimenté. Il est vrai qu’Emma Bovary se marie très jeune avec Charles et apparaît dépourvue de réelle formation intellectuelle. Mais cela suffit-il à poser l’étiquette du roman didactique sur cette œuvre ? Les codes posés par ce sous-genre sont la jeunesse, la naïveté initiale et la maturation finale, impliquant une évolution, une réflexion de la part du personnage sur lui-même et sur son environnement.

C’est exactement tout ce que manque à faire aussi bien Emma que Charles. Il se pourrait donc que Madame Bovary soit un roman de formation ratée : le couple Emma-Charles ne fonctionne pas, il est voué à l’échec dès le début et les époux vivent une longue vie passive de souffrance.

Mais ce dysfonctionnement sert l’ambition de Flaubert de nous proposer des personnages confrontés à leur environnement, qui font face à un monde hostile et réaliste, et qui ne correspond pas à leurs attentes. Emma rêvait du grand amour et de la reconnaissance sociale. Ce qui se présente à elle n’est qu’un médecin médiocre incapable de la propulser à un rang social plus élevé. Les deux personnages font l’expérience de leurs limites.

Le problème posé par ce terme « roman d’apprentissage » est le suivant : Qui apprend ? Qui instruit ? Les personnages, le héros, le lecteur ou l’auteur ? Dans la première partie de l’œuvre, au chapitre 2, Flaubert nous embarque dans la même situation naïve et stupide qu’Emma. Grâce à la dégradation finale, nous nous retrouvons bien surpris d’avoir été joué par l’auteur lui-même.

Pour conclure, nous pourrions dire que le roman de Flaubert n’est pas un roman d’apprentissage mais un roman de l’apprentissage. Tout au long du livre, Emma découvre le monde réel, son hostilité et sa noirceur. Elle apprend, allant de déceptions en déceptions, ce qu’est l’amour. Elle constate sa propre incapacité à évoluer dans une société où l’argent et la réussite sociale sont les seules préoccupations. Le lecteur apprend alors aussi — à ne pas reproduire les erreurs d’Emma.