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Et si le monde était plongé dans une nuit éternelle ? : Nos jours brûlés de Laura Nsafou

Après être resté pendant près d’un an avec ma pile de livres à lire, j’ai décidé de choisir Nos Jours Brûlés et d’avancer dans mon challenge Goodreads de l’année. Je l’ai fini en deux jours, chose qui n’arrive qu’une fois tous les six livres. 

Nos jours brûlés est tout ce que l’on veut retrouver dans un livre croisé de fantasy et dystopie : une vision du futur unique, de la magie, une quête, de l’action, des personnages forts et développés. Laura Nsafou propose une histoire avec un concept inédit et ardent où nous découvrons un futur proche dans lequel un élément essentiel de notre vie a disparu : le soleil.

Vers la quête pour le soleil

Nous suivons Elikia en l’an 2049 dans une quête à travers le continent africain pour percer le mystère qui entoure la disparition de l’astre. Notre protagoniste et sa mère partent à la recherche de Juddu, l’ancienne cité des Dieux et du dernier Éclaireur dans l’espoir d’obtenir des réponses. 

Après la mort de sa mère, Elikia découvre la signification qui se cache derrière la tâche de naissance sur sa joue. C’est une preuve qu’elle fait partie des Marqués, ces humains ayant des pouvoirs mais corrompus par Guddi, l’Être de la Nuit qui a fait disparaître le soleil. Yander, le dernier Éclaireur et l’un des seuls survivants de Juddu, décide alors d’apprendre à Elikia à maîtriser ses pouvoirs malgré le danger que cela pourrait représenter. 

C’est l’intrigue d’une saga classique : l’élu au destin tragique exposé à un nouveau monde magique est accueilli par une figure plus âgée qui le prend sous son aile. Néanmoins, le roman se démarque dans l’originalité du développement de cette base. Dès le début du roman, dès la première phrase, le ton est posé. La manière dont est pensé ce monde sans soleil est l’un des points forts du livre. Des descriptions très réalistes des techniques de survie au portrait de la cupidité humaine en cas de catastrophe, il est presque possible de s’imaginer à la place des personnages.

Les 3 tomes sont faciles à lire grâce à une écriture fluide et poétique mais également en raison de l’intrigue captivante. Les livres écrits à la première personne ne sont pas la tasse de thé de tout le monde (et je fais partie de ce groupe) surtout lorsqu’il s’agit de fantasy ou science-fiction mais ici, cela permet une immersion totale et également de rentrer en phase avec le personnage d’Elikia. A travers son regard, nous voyons sa découverte d’un nouveau monde et ce qu’elle ressent au plus profond de son âme. On partage la menace et la terreur que représente la pénombre éternelle. On a peur avec elle et pour elle. 

Tome 2

Le deuxième tome commence plus doucement. On y retrouve une Elikia plus affirmée dans ses choix, confiante et mature. Son développement et celui de Yander donnent davantage de matière à l’attachement. Ils ont leurs qualités et surtout leurs défauts. C’est ce qui les rends aussi réel et crée de l’empathie chez le lecteur. La diversité des personnages racisés permet une identification particulière avec eux et c’est l’objectif que Nsafou voulait atteindre : donner l’occasion à la diaspora de se voir représenter d’une différente manière. 

On peut avoir du mal à s’y plonger mais il reste une excellente suite et permet d’éclaircir des intrigues et éléments parfois laissés flous par le premier volet de la saga. Comme avec tous livres dépeignant un panthéon, il peut être difficile de naviguer dans la complexité du monde créé par l’auteur (entre les divinités, les esprits et sans compter les sous-divisions…) mais le guide descriptif à la fin du livre est un bon moyen de s’y retrouver. 

Plus qu’un livre, un voyage

Nos jours brûlés, c’est un imaginaire qui montre ce qu’il serait possible de faire dans la littérature française si on autorisait de nouvelles voix à prendre la parole, à proposer autre chose que des stéréotypes.

Laura Nsafou dans Madmoizelle

Ce livre, édité par une grande maison d’édition comme Albin Michel, est un souffle d’air frais. Il ne rentre pas vraiment dans une case précise des genres littéraires mais peut être rattaché aux mouvements afrofantasy et afrofuturiste dont les publications se font rares sur la scène de l’édition française. Laura Nsafou décrit l’afro futurisme comme un mouvement artistique qui imagine l’Afrique du futur tout en proposant des références culturelles à la diaspora africaine. 

Dans sa note à la fin du livre, Nsafou parle de la manière dont l’occultisme et les cosmogonies du continent l’ont influencé dans le processus de création du lore de Nos Jours Brûlés. On peut également y retrouver des traditions et figures bien connues dans certains pays comme l’impudulu ou Mami Watta. Ce qui m’avait premièrement attiré vers ce livre, en dehors de sa couverture, est son inspiration puisée dans les légendes et rites africains. C’est un voyage, une épopée, non pas seulement vers le monde de l’Invisible mais vers des histoires encore inconnues et inexploitées. 

Le tome 3, Le Dernier Feu est sorti le 23 août et fera l’objet d’une prochaine chronique.

Source

  • Interview de Laura Nsafou par Aïda Djoupa chez Madmoizelle – Dystopie, féminisme, afrofuturisme : Laura Nsafouraconte son dernier roman Nos jours brûlés