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Défier le Divin

Dans cet article l’auteur expose sa réflexion sur la question de l’homme et son rapport (de force?) au divin. L’étude se base sur une analyse personnelle de la question à travers la lecture de la Bible. Aucun parti pris religieux n’est effectué, il s’agit ici d’une étude académique.

Initialement, Dieu a créé la Terre pour l’humanité. Ceux qui utilisent ce présent se voient accorder sa bénédiction, manifeste chez ceux choisis par Lui. Cependant, ce présent est, à terme, souillé par les péchés, notamment à travers le développement des villes. Les villes sont la saleté : un territoire optimal pour le mépris et le vice. Les villes sont l’endroit où l’orgueil et l’arrogance sont vainqueurs, des exploits extraordinaires y sont réalisés, l’homme tente d’y atteindre le divin. Dieu exècre ces prouesses, puisqu’elles discréditent Son pouvoir. Cet article se penchera sur la manière dont la tendance anti-urbaine de la Genèse fait office d’avertissement, mettant en garde les hommes à ne pas défier Dieu, au risque de subir Sa colère divine. 

L’existence même des villes symbolise un mode de vie infernal et corrompu rejetant la manière de Dieu. Au commencement, les seules figures bibliques choisies par Dieu telles que Noé, Abraham, Jacob et Joseph sont des hommes de la terre. Ce fait souligne la préférence que possède le texte envers les nomades et les paysans. Sous ces circonstances, la première détérioration du sol commence avec le premier meurtre : celui d’Abel par Caïn. En désobéissant à la requête de Dieu consistant à rejeter et “dominer” (Genèse, 4:7) sa colère, et en succombant alors à sa propre arrogance en tuant son frère, Caïn est “maudit par la terre” (Genèse, 4:11), puisqu’ « elle ne [lui] donnera plus son fruit” (Genèse, 4:12). Ainsi, Caïn ne peut suivre le décret divin envers l’humanité qui consiste à cultiver la terre et d’en tirer “[sa] nourriture tous les jours de [sa] vie »(Genèse, 3:17). Cela met en lumière le caractère contre nature du mode de vie de Caïn et à quel point il se place à l’opposé de celui prôné par Dieu. Caïn, dans l’incapacité de vivre des ressources de la terre, “bâtit ensuite une ville” (Génèse, 4:17), dont la population résulte de sa lignée corrompue. Par ailleurs Dieu a offert a l’humanité le présent de chaque “animal de la terre, [à] tout oiseau, et [à] tout ce qui se meut sur la terre” (Genèse, 1:29 – 30) ; cependant, vivant dans les villes, ces citadins sont ainsi incapables d’accueillir ce présent divin. Du rejet des faveurs de Dieu, il en résulte un concept contre nature ; l’utilisation de présents artificiels remplaçant ceux de Dieu, un couvent les réunissant entre eux au lieu de les réunir avec Dieu. 

Après la fin de la lignée de Caïn et l’avènement de celle de Seth, les villes se multiplient. La tristement célèbre ville de Sodome, remplie de “grands pécheurs contre l’Eternel”(Genèse 13:13), est un lieu où le vice et la vulgarité dominent. Elle en est même abominable au point que la Genèse indique que seule une famille est innocente et que toutes les autres se doivent d’être tuées (Genèse, 18:26 – 33). Plus tard, la gravité des péchés de Sodome est révélée lorsque les hommes de la ville encerclent la maison de Lot et demandent à ce que les visiteurs en sortent, dans le but de les violer. En alliant cela avec les attitudes racistes et libidineuses des habitants, toutes ces transgressions à l’encontre de Dieu par les hommes de Sodome sont induites par le simple fait de négliger Dieu. En vivant à Sodome et en se conformant à la conduite sociétale qui y est de rigueur au lieu de suivre la volonté de Dieu, les citoyens oublient Dieu et ses faveurs. Par ailleurs, la Genèse juxtapose les situations de Lot et Abraham afin de souligner la cruauté et la dégradation de la moralité en ville. Tandis que Lot est choisi et “s’installa dans les montagnes” (Genèse, 19:30), sa santé physique et mentale sont dévoilées lorsque Lot “ne [put se] sauver à la montagne” (Genèse, 19:19), en choisissant une ville qui pouvait potentiellement être détruite par Dieu tandis que sa survie est assurée à la campagne. Ainsi, l’addiction de Lot à la vie citadine est un voyage cyclique péché après péché, même après sa rédemption. Sodome, la ville, est devenue corrompue et maintenant, ses habitants ont oublié leur place en tant que serviteurs de Dieu. 

En attendant, l’élu, Abraham, qui utilise et chérit les présents de Dieu sur la Terre, vit en étant proche de ce dernier et “[garde] la voie de l’Eternel en pratiquant la droiture et la justice” (Genèse, 18:19), à travers les valeurs humbles d’une vie nomade. La Genèse emploie l’exemple de Sodome comme étant un avertissement, illustrant la punition qui ensuit la négligence de Dieu et de son couvent, tout en exposant la corruption que la vie citadine peut apporter. 

Les villes contiennent le pire de l’humanité mais c’est seulement en ville que les prouesses humaines rivalisent avec celles de Dieu, c’est ce qu’illustre notamment la Tour de Babel. Arrogants et grossiers, les hommes décident de bâtir “une tour dont le sommet soit dans les cieux”(Genèse, 11:4) dans le but d’égaler Dieu. Mais cet acte ambitieux d’atteindre le divin est en réalité une action contre Lui. Dieu comprend que “quoi que [les hommes] veulent entreprendre, rien ne les empêchera” (Genèse, 11:6), il réalise ainsi que l’imagination de l’humanité est infinie et que ces créations ont le potentiel de le surpasser. Enervé et effrayé par cet orgueil démesuré, Dieu sépare alors les hommes par la création de différentes langues, ce qui ralentit tout progrès et divise les hommes pour toujours. Cette action désespérée montre la fragilité de Dieu et son appréhension d’être égalé.

Par ailleurs, c’est par peur qu’après que l’homme ait découvert l’existence de l’arbre et qu’il veuille ainsi franchir la limite du divin et “prendre de l’arbre de vie […] et [vive] éternellement”(Genèse 3:22) que Dieu a banni l’humanité de l’Eden. En s’associant, l’homme peut atteindre l’abondance, mais celle-ci se manifeste seulement à travers leur ambition sans limites et leur manque de prévoyance. La Tour de Babel est un exemple parfait d’anti-urbanisme, servant d’avertissement afin que l’humanité ne tente jamais d’atteindre le divin et qui permet de rappeler les limites de l’homme. 

Tandis que la Genèse dénigre les villes, l’intention sous-jacente de ce parti-pris est de servir de rappel poignant de la colère divine. Vivre en ville est alors refuser le cadeau de Dieu et rejeter le mode de vie qu’Il préconise. A travers cela, les citoyens se plongent dans le péché et le vice en discréditant le pouvoir de Dieu. Les exploits de l’ingéniosité et de l’innovation humaine viennent également avec une impression d’humanité divinisée et mettent ainsi en exergue leur mépris des limites qui leur sont imposées par leur simple condition d’homme.

A travers cette perspective, la Genèse met en lumière un commandement tacite, qui a été en vigueur durant des siècles, servant comme fondement pour les futures conceptions des relations entre Dieu et l’homme : Reste à ta place.