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Cinéma

The Assistant: ou comment montrer le poids du silence

tw: viol et agressions sexuelles

Tout commence par les sons de New York au petit matin. On entend le métro, le taxi qui glisse dans la ville qui s’éveille et les pas discrets de Jane. La jeune femme, réveillée aux aurores, s’apprête à faire un travail ingrat: celui d’assistante pour une boîte de production cinématographique. Véritable fantôme de bureau, le personnage se confronte au quotidien d’une violence patriarcale qui ne dit pas son nom. 

The Assistant, réalisé et écrit par Kitty Green en 2019 s’inspire de l’affaire Weinstein et des nombreux cas de viols et violences sexuelles qui ont lieu dans l’industrie cinématographique. La réalisatrice parvient à mettre sur la table toute la violence des mécanismes de pouvoir qui ont lieu dans un univers professionnel.  A travers le point de vue extérieur, et pourtant plein d’empathie, de l’assistante, il nous est permis d’avoir le panorama désolant des violences sexistes et sexuelles de la boîte. K.Green accorde notamment une grande importance aux détails, plus ou moins sordides. Des tasses à café que Jane se sent obligée de nettoyer ou jusqu’aux tâches douteuses qu’elle éponge tant bien que mal sur le canapé de son supérieur, rien n’est laissé au hasard. La composition de l’image le montre bien: Jane est souvent de dos quand elle évolue dans l’espace du bureau, encadrée par les portes dans un choix de cadrage étouffant. La réalisatrice prend également le temps de montrer des gros plans sur le visage fatiguée de son personnage principal, scrutant les micro changements de son expression. 

La réalisatrice insiste sur la dimension anxiogène du bureau en utilisant toutes les ressources cinématographiques dont elle dispose. La lumière halogène et les sons du bureau prennent une importance décuplée. La photocopieuse bruyante devient une machine infernale, symbole d’un travail sans fin. Cette attention aux détails permet d’être en empathie avec Jane, ce qui rend le film encore plus angoissant. 

La finesse de l’écriture se retrouve également au niveau des dialogues. Le rythme de la conversation, le choix des mots et les performances remarquables s’entremêlent pour une précision du phrasé qui montre bien la cruauté de cet univers. La scène entre Jane et le responsable des ressources humaines illustre bien ces trois paramètres. La jeune femme, gênée, veut dénoncer les agissements douteux de son supérieur mais se voit constamment remettre en question. Après un jeu de ping pong verbal qui laisse Jane sans voix, l’homme lui lance une dernière réplique assassine: “ ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas son genre de femme, vous êtes en sécurité.” 

Jane (Julia Garner) faisant face à la logique implacable et sexiste 
de son supérieur (Matthew Macfayden) © The Assistant, (2019), réal. Kitty Green

The Assistant est donc malheureusement criant de vérité dans la place qu’il laisse au silence. La réalisatrice montre néanmoins, en faisant ce film, qu’il existe des tentatives pour faire entendre notre voix.