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Swimming-Pool de François Ozon : au-delà de la surface surgit le désir

En s’offrant une escapade dans la maison de vacances inoccupée de son éditeur, Sarah espère enfin sortir de la frustration de son quotidien et assouvir ses désirs en toute quiétude. Mais parfois, quand on est sur le point de plonger dans l’eau, on se trouve des excuses car c’est plus confortable de ne pas se mouiller : elle est trop froide, elle est trop sale, ça va me décoiffer… Swimming-pool nous susurre alors : et si une personne poussait Sarah à sauter ? Cette personne, c’est l’envoûtante Julie, la fille de son éditeur qui débarque la nuit comme une présence hostile, une intruse non seulement dans la maison, mais aussi dans la vie bien morne de Sarah.

Comment la volupté et la désinvolture de Julie peuvent-elles réveiller l’espièglerie dans le regard strict et le corps raide de Sarah ? Le duo Charlotte Rampling et Ludivine Sagnier illustre parfaitement cette rencontre entre deux mondes, entre la sévérité de l’écrivaine cinquantenaire et la séduisante insolence de la jeunesse. La richesse des détails et la crédibilité des personnages mettent en lumière le portrait de ces femmes touchantes et imparfaites.

Grâce à l’irruption de Julie, l’intrigue plonge passionnément dans les profondeurs des désirs de Sarah. A première vue, Julie représente l’incarnation de ce que Sarah pourrait considérer comme la superficialité : une belle blonde dont la seule préoccupation est de plaire aux hommes. Pourtant, force est de constater que c’est en réalité cette description qui s’avère superficielle, et qu’un désir, un corps, un inconscient est bien plus complexe et digne d’intérêt qu’il n’y paraît si on prend le temps d’en parcourir les recoins. Ainsi, sur le corps si parfait de Julie, il y a une cicatrice. Le pouvoir du fantasme, des sentiments et de la fascination prend le pas sur la raison dans l’environnement ensoleillé de la Provence, et pourrait bien ranimer la puissance de l’imagination de l’autrice.

Julie (Ludivine Sagnier) et Sarah (Charlotte Rampling) Swimming-Pool, François Ozon, 2003

Toutefois, la caméra d’Ozon se retrouve confrontée à un paradoxe. Si elle prend longuement le temps d’explorer le corps de Ludivine Sagnier (l’interprète de Julie), de le sublimer comme une caresse emplie de désir, lorsqu’il est question de s’attaquer aux perversions du thriller, la réalisation reste en revanche bien timide, sage et avare en sensations. Confondant sans doute l’élégance hitchcockienne avec la prudence, Ozon se repose sur son scénario, qui, même s’il a beau être bien solide, ne suffit pas. Tout le merveilleux potentiel émotionnel du film se retrouve alors si peu exploité. C’est d’autant plus dommage lorsqu’on réalise que c’est là que se situe tout l’enjeu du film : pour se libérer et vivre pleinement, il faut s’ouvrir à l’inconnu, à l’imprévisible, il faut prendre des risques, se jeter à l’eau. Qu’il aurait été bon de voir la caméra de Swimming-Pool lâcher prise aussi. On se souviendra tout de même de l’éclat de la peau de Ludivine Sagnier au soleil et de la beauté de la trajectoire de ces deux femmes fascinantes.

Swimming-Pool est disponible sur Mubi.