Girl Asleep (Rosemary Myers, 2015): un coming-of-age movie acidulé
Situé durant la décennie 1970, Girl Asleep raconte l’histoire de Greta (Bethany Whitmore), une jeune adolescente timide, qui intègre une nouvelle école. Elle se lie rapidement d’amitié avec Elliott (Harrison Feldman). Inquiète que sa fille n’arrive pas à s’intégrer, la mère de Greta décide de convier tous ses camarades à une fête d’anniversaire. La douceur de l’été australien saura-t-elle calmer les craintes de la jeune fille ?
Le coming-of-age movie est un récit initiatique qui relève souvent du teen movie puisque les protagonistes passent une étape : de l’enfance à l’adolescence, voire à l’âge adulte, et s’adressent à un public similaire. Ici il est bien question de passage à l’adolescence, laissant derrière soi l’enfance et son innocence.
L’irruption du fantastique dans le quotidien du personnage traduit les bouleversements qu’elle vit. Son acceptation difficile de la fin de l’enfance est amplifiée par les craintes et les attentes de ses parents. Parfois sombre, le voyage initiatique de Greta dans ses rêves et son inconscient résonne avec justesse chez le spectateur. La cinéaste réussit à équilibrer cette réflexion parfois triste par un humour léger et de fantastiques scènes de danses disco.
La direction artistique rappelle l’esthétique sucrée des réalisations de Wes Anderson. Le décor chargé typique des intérieurs des années 1970 et les costumes chamarrés participent de cette impression. Adapté d’une pièce de théâtre de Matthew Whittet, le film prend le parti d’une mise en scène au cadrage parfois frontal sans, pour autant, troubler la diégèse cinématographique.
L’esthétique très colorée des années 1970 est propice au monde du rêve grâce à son état de passé proche idéalisé. Tout le film semble bourgeonner, comme l’héroïne évoluant dans une sorte d’âge d’or florissant de la société occidentale. Le contexte idéalisé confère au film un aspect irréel et hors du temps qui permet d’introduire le surréalisme du scénario.
L’imaginaire de Greta est imprégné de contes et elle aime à s’imaginer une foule de créatures qui évoluerait dans son monde. Les êtres imaginaires (le sont-ils vraiment ?) de la forêt puisent leurs sources dans l’imagerie du cirque, des fêtes foraines et de cultures extra-occidentales. Comme pour renforcer l’onirisme, la fête d’anniversaire se déroule un 31 février…
L’amitié inconditionnelle qu’Elliott offre à Greta est touchante. Il lui permet de grandir en la soutenant dans ses choix et son affirmation d’elle-même notamment à la fin, lors de l’échange de leurs costumes (non sans rappeler le costume de Lizzy Caplan dans Mean Girls (Mark Waters, 2004), autre teen movie culte mais bien moins onirique).
Le genre du coming-of-age ou du récit initiatique était déjà populaire dans la décennie où se déroule le film. Les nombreux road-movies en sont un exemple fameux, mais il existe aussi plusieurs films où cette initiation passe par une découverte des corps et de la sexualité dans le vent de la libération sexuelle. Cependant ses long-métrages montrent souvent des relations où les limites du consentement sont troubles. A l’inverse, le film de R. Myers porte un sous-texte féministe et dénonce ce genre de dérives de « l’amour libre ». L’adolescente énonce clairement ses (non) désirs, quitte à être tranchante.
Les personnages féminins forts et la sororité sont les vecteurs du long-métrage. Girl Asleep questionne les codes de la féminité. Contrairement à beaucoup de teen movies où les héroïnes construisent leur féminité, ici Greta tente de s’affirmer en déconstruisant les normes qu’on lui impose. Finalement, les personnages masculins sont relayés au second plan. Le traitement d’Elliott est un peu différent, peut-être car il est perçu comme “différent” par ses camarades, en tout cas il ne se conforme pas aux normes traditionnelles de la virilité.
Sur un ton léger, parfois émouvant, la cinéaste illustre le passage à l’adolescence et les déboires qui peuvent l’accompagner. Enrobé dans un cocon de couleurs, le film nous transporte dans un univers fabuleux et étonnant où les héroïnes ont une place de choix.