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Martha Wilson à Halifax – Exposition au Centre Pompidou

Du 20 octobre 2021 au 31 janvier 2022 se tient une exposition sur l’artiste contemporaine Martha Wilson. Celle-ci se trouve au sein du musée du Centre Pompidou, dans l’Espace Focus au cinquième étage. En parallèle se tient une exposition dans la galerie partenaire mfc – michèle didier intitulée Group Show ; Martha Wilson : The Political and Performance Art Collection, du 16 octobre 2021 au 8 janvier 2022. La galerie tenait également un stand lors de la FIAC, consacré à une carte blanche de l’artiste.

C’est une exposition extrêmement importante en ce qui concerne Martha Wilson puisque le Centre Pompidou lui consacre sa première exposition monographique dans une institution française.

© Joana Sarralheiro

L’exposition porte sur les années de Martha Wilson à Halifax, où elle enseignait au Novia Scotia College of Art and Design (NSCAD) en tant que professeure de littérature anglaise. Née en 1947 à Philadelphie, l’artiste commence à se mettre en scène devant une caméra au début des années 1970. Le travail de Martha Wilson est orienté sur les questions de genre, de féminisme et d’identité. Son oeuvre est extrêmement personnelle puisqu’elle utilise son corps comme le matériau même de la plupart de ses réalisations, le remettant en question, modifiant son apparence physique afin de mettre à mal les stéréotypes identitaires de l’Amérique néolibérale. NSCAD était plongée dans l’art conceptuel, ainsi l’art pouvait consister en un langage, ce qui a beaucoup inspiré Martha Wilson. Elle ne se préoccupait pas de l’art conceptuel mais se référait au genre et aux relations sociales par le langage. Son art, au début, possède une structure caractéristique de l’artiste. Il s’agit de photographies, pour la plupart de l’artiste elle-même, et un texte écrit par l’artiste en dessous. Ce tournant narratif de l’art conceptuel a permis aux femmes d’entrer dans leur biographie. L’historienne Jane Wark considère un espace entre l’identité et l’apparence, ainsi que le langage et le corps. Ce n’est pas un travail qui se limite dans la critique des identités assignées mais qui prend l’opportunité d’aller plus loin.

Ce qui est remarquable avec cette exposition, c’est l’organisation d’événements autour de celle-ci. Le partenariat avec la galerie mfc – michèle didier permet d’avoir accès à un autre espace d’exposition portant sur l’artiste qui passe d’inconnue en France à déployée dans plusieurs espaces en même temps. Le Centre Pompidou a aussi organisé plusieurs événements, comme une performance de Martha Wilson, une rencontre à bibliothèque Kandinsky et une conférence / débat avec et autour de l’artiste accompagnée d’intervenants.

L’exposition Martha Wilson à Halifax au Centre Pompidou se révèle significative dans la (re)découverte de l’artiste aujourd’hui, notamment en France, puisqu’il s’agit de la première exposition française lui étant consacrée, pourtant on considère qu’elle aurait inspiré les travaux de Judith Butler, et elle a travaillé avec Lucy Lippard, une écrivaine, activiste et conservatrice américaine reconnue qui l’a fait participer à une exposition. Martha Wilson semble donc enfin avoir la visibilité qu’elle mérite. Son travail, au centre des questions d’identité, de genre, et de féminisme, lui permet de se re-définir, de se remettre en question par rapport à sa propre notion d’elle-même, sur sa place dans la société et comment les codes influencent la manière dont nous sommes perçus. Les idées reçues auxquelles elle s’intéresse en majorité sont orientées vers le genre, et vers la notion de féminité, qui nous fait nous poser la question : qu’est ce que veut dire être une femme aujourd’hui, dans une ère où tout peut être construction sociale ?

Le féminisme est aujourd’hui très important, nous sommes aussi dans une mouvance très intense depuis quelques années, avec de nombreuses manifestations, de nombreuses causes et une nouvelle génération de féministes. Etant ainsi dans l’actualité, le monde de la culture s’y réfère, et l’on pourrait se demander s’il le fait par envie, par devoir, ou par une sorte d’obligation. Le Centre Pompidou se fond dans cette mouvance depuis sa réouverture le 19 mai 2021, avec une exposition majeure dédiées entièrement aux femmes, Elles font l’abstraction (voir notre article sur le sujet), Georgia O’Keeffe depuis le 10 septembre, et maintenant Martha Wilson.

Ces expositions restent temporaires, c’est le propre des expositions : ainsi elles s’inscrivent dans le moment, mais seront bientôt terminées. Ces expositions font certes l’objet d’une plus grande couverture médiatique, et l’objet de plus de visites, mais le geste que je trouverai le plus significatif serait l’inclusion des artistes femmes dans les collections permanentes du Centre.