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Les interprétations de la Mécanique Quantique


En janvier 2021 le président Emmanuel Macron lançait le plan quantique : il s’agit de 1,8 milliard d’euros investis dans “la Troisième révolution quantique.” Ces nouvelles technologies reposent sur la mécanique quantique, notre meilleure formulation de ce qu’il se passe à de toutes petites échelles. À ces ordres de grandeurs, la matière ne se comporte plus comme quelque chose de continu mais par valeurs discrètes.

Par exemple l’énergie d’un atome ne peut plus prendre toutes les valeurs mais uniquement certaines valeurs bien définies : on les appelle les niveaux d’énergie. C’est cette quantification du monde qui lui a donné le nom : théorie quantique aussi appelée théorie des quantas.

Pourtant, lors de l’enseignement de cette théorie on ne s’attarde pas trop sur les implications de l’étrangeté de cette nouvelle théorie. Parmi ces bizarreries, la plus connue est sûrement celle du chat de Schrödinger : la superposition d’état. Dans le monde quantique tant que nous n’observons pas le phénomène, le système peut être dans deux états à la fois.

L’expérience de pensée avec le chat ramène la superposition quantique de l’isotope radioactif à une superposition de l’état du chat, un système macroscopique. Bien sûr, cette invraisemblance est reliée avec l’action de la mesure sur un système. C’est la mesure qui détermine dans quel état se trouve le système.

On ne sait pas ce qu’il se passe tant que l’on ne mesure pas. Le dernier point qui est sans doute le plus étrange, est qu’il est possible de créer une très forte corrélation entre deux systèmes. C’est-à-dire que lors de la mesure d’un système, on sait immédiatement ce que la mesure sur l’autre sera, sans l’avoir prise. Cela même si l’on ne permet aucune communication entre les particules en les séparant d’une distance trop grande pour que l’information arrive avant la deuxième mesure. On parle
alors de particules intriquées.

C’est la précision des résultats prédits qui justifie que l’on ne se préoccupe pas tellement de toutes les implications. La principale interprétation enseignée est celle de l’école de Copenhague, l’école des inventeurs de la mécanique quantique. C’est l’historique débat entre Einstein et Bohr qui est à la base de l’interprétation enseignée de la Mécanique Quantique. Ces deux hommes sont deux très grands physiciens du XXème siècle. Einstein a révolutionné le monde vingt années auparavant avec la relativité restreinte.

Bohr accompagné de Heisenberg et Schrodinger a développé la mécanique quantique. Ces derniers, très jeunes, avaient fait vague avec leur théorie que l’on surnommait knabenphysik “La physique des gamins”. Einstein qui acceptait le caractère utile de la théorie des quantas pensait que la théorie de Bohr n’était qu’une partie du tableau. “Dieu ne joue pas aux dés” avait-il affirmé pour réfuter l’aspect probabiliste de la théorie.

Ce n’est qu’avec les travaux du physicien Bell et des expériences du Français Alain Aspect qu’il a été possible de trancher ce débat en faveur de Bohr en éliminant la présence locale de variables cachées. L’explication de Bohr, que l’on qualifie parfois de probabiliste, est appelée interprétation de Copenhague ou parfois interprétation orthodoxe. C’est par celle-ci que commence l’enseignement de la mécanique quantique.

Le point de vue d’Einstein est un point de vue réaliste. C’est-à-dire que le système physique étudié est toujours dans un état défini. Le physicien Bohm, en 1952, a formulé une autre interprétation réaliste de la mécanique quantique. Selon lui, une particule n’est pas délocalisée, mais comme sa position n’est connue que lors de la mesure, il est impossible de savoir où elle se trouve.

On dit que la valeur numérique de la position est une variable cachée. C’est en ajoutant une interaction à distance supraluminique qu’il est possible de retrouver les résultats connus.Comme le souligne le philosophe Michaël Esfeld, l’ajout de ce potentiel semble être un artifice ad hoc pour retrouver les bons résultats.

Il reste un dernier point de vue. Celui de l’agnosticisme : En effet comme en mécanique quantique c’est la mesure du système qui détermine l’état du système. Entre deux mesures il est impossible de le connaître. La question de savoir si des objets physiques que l’on ne peut pas observer sont bien réels devient une question métaphysique.

Pauli, un des fondateurs de la mécanique quantique a même dit : “On ne devrait pas plus se torturer l’esprit à se demander si quelque chose sur quoi nous ne pouvons rien connaître existe, qu’à se demander combien d’anges peuvent s’asseoir sur une tête d’une épingle.“[1] Ce sont encore une fois les travaux du physicien britannique Bell qui ont permis d’éliminer cette interprétation.

En somme, l’interprétation orthodoxe a été corroborée par de nombreuses expériences et reste donc une marche solide pour l’enseignement de la mécanique quantique. Il existe de nos jours d’autres interprétations de la mécanique quantique, certaines plus folles que d’autres.

On peut citer la théorie des multivers d’Everett qui est sans doute l’exemple canonique d’idée extrême. La quantification de notre monde a permis de mieux comprendre et de prédire le comportement de la matière mais elle a apporté de mystérieux comportements.

Certains pensent que c’est aux physiciens que revient la tâche de remettre de l’ordre dans les interprétations et d’autres pensent que c’est
aux philosophes. Les plus aguerris d’entre vous comprendront que cela doit être traité par une superposition des deux.

[1] “One should no more rack one’s brain about the problem of whether something one cannot know anything about exists all the same, than about the ancient question of how many angels are able to sit on the point of a needle.”

Source :


Griffith
Cohen Tannoudji
Carlo Rovelli Helgoland
Michael Esfeld
Vidéo de Monsieur Phi sur le réalismeInterview d’Alain Aspect, Science étonnante
Alain Aspect, Einstein et les révolutions quantiques
KTH
La théorie de Bohm – Michael Esfeld – 2006