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Theatrhythm Final Bar Line – The(at)Rhythm of the Night

Mélanger deux choses que l’on aime ne garantit pas un résultat satisfaisant. Les amateurs de coquilles saint-jacques et de Nutella ne me contrediront pas. À l’inverse, fusionner un jeu de rythme avec des musiques de la licence Final Fantasy (et d’autres licences estampillées Square Enix) aboutit à un jeu salué par les fans de ces deux éléments. Avec Theatrhythm Final Bar Line (que je vais abréger en TFBL à partir de maintenant), le studio Indieszero en est à son 3e jeu né de cette association.

Si vous n’êtes pas adepte des jeux de rythme ou que la licence Final Fantasy n’a pas bercé votre adolescence, laissez-moi vous présenter ce jeu qui est en train d’absorber des heures de ma vie comme un trou noir au centre de mes obligations du quotidien.

3DS pour du god-tier

Theatrhythm Final Bar Line est le 3e jeu de la licence dédié à la série Final Fantasy, après Theatrhythm Final Fantasy et sa suite Curtain Call. Le studio Indieszero, derrière ces trois titres a aussi décliné la formule pour un autre grand nom du RPG avec Theatrhythm Dragon Quest, jamais sorti chez nous mais pour lequel j’ai acheté une Nintendo 3DS japonaise (on ne juge pas). Mais son histoire s’étend bien au-delà des jeux de rythme Theatrhythm. Et comme chez Le Tote Bag on aime bien présenter les studios avant de parler des jeux, retournons en 1997.

Le studio Indieszero est formé en 1997 par trois étudiants issus du Nintendo & Dentsu Game Seminar, un programme d’apprentissage pour jeunes développeurs, dirigé par le constructeur japonais. Après avoir créé des jeux pour Satellaview (le système de téléchargement par satellite de la Super Nintendo) et Game Boy Advance, le studio se fait remarquer en 2005 avec Electroplankton, un jeu atypique de création musicale sur Nintendo DS, réalisé par Toshio Iwai (le créateur d’Otocky, pour les personnes qui ont été attentive à l’article sur l’histoire des jeux de rythme).

La même année sort le film d’animation Final Fantasy VII: Advent Children. L’un de ses producteurs, Ichiro Hazama, rêve d’un jeu de rythme Final Fantasy. Mais les limitations de la Nintendo DS calment ses ardeurs. Avec la sortie de la 3DS,en 2011, les rêves d’Ichiro Hazama refont surface. Après une prise de contact avec le studio Indieszero, Square Enix réalise un sondage auprès des joueurs pour déterminer leurs musiques préférées tirées des jeux Final Fantasy. En 2011, la marque «Theatrhythm­» est déposée et le projet est révélé au public.

À la production, on retrouve fort logiquement Ichiro Hamaza tandis que  Masanobu Suzui, l’un des fondateurs d’Indieszero, endosse le rôle de directeur. Ce duo reste le même pour tous les jeux Theatrhythm. En 2012, Theatrhythm Final Fantasy sort sur 3DS au Japon. Initialement aucune sortie hors de l’archipel n’est prévue, mais le studio revient sur sa décision pour une sortie mondiale cinq mois plus tard. Au passage, le jeu gagne même un portage iOS. 2 ans plus tard, Theathrhythm Final Fantasy: Curtain Call devient le 2e jeu de la licence, et en 2016 c’est un jeu d’arcade Theatrhythm Final Fantasy All-Star Carnival qui pose ses bornes dans de nombreuses salles de jeu japonaises.

Peut-on en conclure que Theatrhythm était caché derrière une case du calendrier de l’Advent ?

La même année, le studio décline sa formule avec des musiques de l’autre grand RPG historique japonais, Dragon Quest. Le jeu ne bénéficie d’aucun portage en dehors du Japon, mais l’un des exemplaires finit calé entre deux paires de chaussettes dans une de mes valises au retour de Tokyo, accompagné d’une Nintendo 3DS achetée spécialement pour lui.

Après Final Fantasy et Dragon Quest, c’est Kingdom Hearts qui se voit gratifier d’un jeu de rythme Indieszero en 2020 avec Kingdom Hearts: Melody of Memory. En parallèle de ces sorties, le studio développe aussi d’autres style de jeux, comme la version Switch du Programme d’Entrainement Cérébral du Dr Kawashima et Sushi Striker: The Way of Sushido, tous les deux co-développés avec la Nintendo Entertainment Planning & Development Division. 

En septembre 2022, après 8 ans d’attente, un nouveau Theatrhythm Final Fantasy est annoncé. Plus de 300 morceaux, jouable sur Playstation 4/5 et Switch, attendu pour février 2023, avec une démo accessible un peu plus tôt. Il n’en fallait pas plus pour réveiller en moi le jeune étudiant qui avait ruiné ses yeux sur l’écran de sa 3DS en passant un nombre indécent d’heures sur les précédents jeux Theatrhythm, au dépend de ses révisions (merci les rattrapages).

Pont aux combos

TFBL est un jeu de rythme assez classique dans son gameplay. Des déclencheurs apparaissent de gauche à droite ou de haut en bas, rouge, vert et fléchés. Pour les rouges, il faut appuyer sur une touche non imposée (les gâchettes ou les boutons non directionnels). Pour les verts il faut rester appuyé aussi longtemps que la ligne verte s’étire, et pour les flèches il faut diriger un ou deux joysticks dans les directions indiquées. À partir de ce point de départ, plusieurs déclinaisons et associations sont possibles, mais ça vous le découvrirez au fur et à mesure de votre progression.

Le jeu propose 3 types de niveaux : BMS, FMS et EMS. Les BMS (Battle Music Sequence) font défiler les déclencheurs de gauche à droite sur 4 lignes distinctes, les FMS (Field Music Sequence) ne font apparaitre les déclencheurs que sur une ligne mais qui peut onduler, nous imposant d’utiliser le joystick pour rester aligné, et les EMS (Event Music Sequence) sont comme les BMS mais avec un défilement vertical (de haut en bas) et sur fond de cinématique.

J’espère que comme ça c’est un peu plus clair pour vous

Il y a 4 niveaux de difficultés : Basique, Expert, Ultime et Suprême. De quoi plaire aux plus acharnés sans empêcher les personnes non habituées aux jeux de rythme de pouvoir y trouver leur compte. Il existe aussi 3 styles de jeu : classique, simplifié et duo. Le style classique se calque sur le gameplay historique de la licence, le style simplifié ne demande d’utiliser qu’un seul bouton et le style duo permet de jouer à deux sur un morceau y compris avec une seule manette.

Le déroulement d’un morceau est toujours le même. Une série de déclencheurs apparaissent à l’écran, il faut appuyer au bon moment avec différentes évaluations de timing allant de critique arc-en-ciel à raté. En cas de mauvais ou de raté vous perdez de la vie, et lorsque votre barre de santé est vide c’est le game over. Ce qui signifie que même si vous avez fait des critiques arc-en-ciel durant tout le morceau mais que vous ratez les 10 derniers déclencheurs vous perdez.

TFBL possède 403 morceaux, hors version Deluxe et DLC (contenu additionnel payant), mais qu’il vous faudra débloquer. N’espérez pas pouvoir jouer d’emblée à vos morceaux préférés. Pour comprendre comment se débloque les musiques, il faut détailler les différents modes du jeu

TFBL possède 3 modes de jeu: quêtes de série, niveaux musicaux et combat multi. 

Le mode combat multi est un mode multijoueur en ligne qui vous permet de vous mesurer à d’autres joueurs et joueuses, en utilisant ou non des malus pour pimenter le tout.

Le mode Niveaux Musicaux regroupe progressivement les morceaux que vous débloquer pour vous permettre d’accéder plus facilement à vos musiques préférées. Mais au lancement du jeu, vous démarrez avec une clé. Et c’est dans le mode Quêtes de série qu’elle va vous être utile.

Tout débute dans le mode Quête où vous allez débloquer une par une les musiques du jeu

À l’aide de cette clé vous allez débloquer un jeu de la licence Final Fantasy, et parcourir progressivement ses différentes musiques. Chaque morceau que vous terminez devient accessible dans le mode Niveaux Musicaux. Au bout de quelques musiques vous obtenez  une nouvelle clé qui vous permet de débloquer un autre jeu et ses morceaux. Lorsque vous débloquez un nouvel opus, vous ne pouvez pas jouer directement le morceau que vous voulez, cela se fait petit à petit, niveau après niveau. Par exemple, après avoir débloqué Final Fantasy VIII, vous devrez passer par 12 musiques différentes avant d’arriver au thème final du jeu. Cela peut paraître contraignant, mais c’est une occasion de découvrir ou de replonger dans des morceaux de la licence et de sortir des cinq mêmes morceaux qu’on écoute en boucle depuis 20 ans.

Le mode Quêtes de série possède aussi, toute proportion gardée, une composante RPG (jeu de rôle).

Vous partez à l’aventure avec 4 personnages qui vont gagner de l’expérience, des niveaux et des aptitudes au fil de votre avancée. Il y a 104 personnages à débloquer, chacun avec une capacité unique et une dizaine plus génériques. À vous de trouver les équipes les plus performantes et les synergie d’aptitude les plus efficaces pour réaliser les quêtes rattachées à chaque morceau. Fort heureusement, il  n’est pas nécessaire de mener à bien la quête pour avancer dans les chapitres et débloquer les musiques. Vous pouvez parfaitement ignorer cet aspect du gameplay, mais si vous plongez dedans vous avez de quoi tenir de longues heures et stimuler votre collectionnite aiguë. Cette dernière est aussi mise à l’épreuve au travers d’un système de cartes à collecter et d’invocations à obtenir.

Si jamais vous tombez dans ce tourbillon infini, qui raccourcit les nuits et fait apparaître des ampoules sur les doigts, sachez que vous n’êtes pas seul. Vous êtes les bienvenus, et personne ici ne vous jugera.

La musique dans l’appeau

TFBL est un piège. Et je suis tombé dedans sans me débattre, sans chercher à en sortir. Mais j’étais la cible. À peine la démo installée, dès la musique du générique j’ai été happé, tel un papillon vers une flamme. Mais qu’en-est-il pour quelqu’un qui n’est pas spécialement fan de cette série et de ce style de jeu ?

C’est une question difficile. Le jeu est accessible à tous les niveaux. Nul besoin d’avoir les réflexes de Spiderman pour débloquer toutes les musiques (sauf si vous jouez en ultime et en expert). Les playlist sont riches et offrent un très bel aperçu (car oui, 403 morceaux ce n’est qu’un aperçu) de l’univers musical de la licence Final Fantasy. Il est possible de ne pas s’intéresser aux personnages débloqués, de ne pas chercher à créer la meilleure équipe, de ne pas vouloir remplir les conditions des quêtes. Tout cela est optionnel. En petite session, espacées, sans pression, pour écouter de la bonne musique, représentant un pan de l’histoire du jeu vidéo, évoluant au fil des avancées technologiques, le jeu peut se picorer comme des gâteaux apéritifs nonchalamment posés sur la table du salon. Certains peuvent manger deux Pringles et un Curly en attendant le repas, d’autres ne pourront s’empêcher d’empoigner les Monster Munch pour les dévorer goulûment. Il en va de même pour les musiques de TFBL. Et pour ne pas mettre 60 euros dans un jeu sans savoir auparavant s’il est fait pour vous, la démo de TFBL est toujours accessible sur Switch et Playstation 4/5.

Si vous avez déjà joué et aimé les précédents Theatrhythm, si vous aimez la licence Final Fantasy et ses musiques, et/ou si vous êtes amateur·ice de jeux de rythme, je ne peux que vous recommander de plonger dans ce jeu.

Créez une équipe improbable avec vos personnages préférés ou pour générer des synergies entre leurs capacités

TFBL est une ôde à la licence Final Fantasy et à ses musiques. Il est le Smash Bros Ultimate des Theatrhythm. Et en tant que jeu de rythme, il est une réussite.

Qu’est ce qui fait un bon jeu de rythme ?

La playlist tout d’abord. Il faut apprécier les musiques sur lesquelles on joue. Je vous avoue que je n’irai pas passer 120 heures sur un Theatrhythm Michel Sardou. Ici, par contre, on retrouve la quasi majorité des musiques les plus iconiques de l’histoire de Final Fantasy.  403 morceaux dans le jeu de base, c’est énorme. Si on veut pinailler un peu, on peut tiquer sur le fait que Battle at the Big Bridge s’y retrouve en 7 versions différentes. On peut aussi parler de la playlist de Final Fantasy VII Remake (FF7R), qui aurait pu contenir moins de morceaux existants déjà dans d’autres versions pour Final Fantasy VII et Advent Children. La bande son de FF7R contenant pléthores de morceaux mémorables, il y avait de quoi nous surprendre davantage. Mais au-delà de ces critiques, il n’y a rien à redire sur le choix des musiques du jeu.

TFBL est aussi un bon jeu de rythme grâce à son mapping. Cela définit la disposition des déclencheurs à activer. Jamais aberrante, elle peut parfois nous piéger en plongeant sans prévenir dans des contretemps, mais c’est aussi le charme de ce type de jeu. On apprécie l’attention avec laquelle certains patterns évoluent, surtout sur les musiques des plus anciens Final Fantasy qui peuvent parfois être des boucles sonores courtes et répétitives. Il y a une logique dans le rythme imposé au joueur, dans les variations des enchaînements. Si l’on peut être surpris lors de la première tentative sur un nouveau morceau, une fois la logique acquise, c’est avec une certaine évidence qu’on comprend ce que le jeu attend de nous.

La formule est commune, mais Theatrhythm est facile à prendre en main et long à maîtriser. Ce qui permet aux néophytes de s’amuser et aux acharnés en quête de défi de ne pas se lasser. Les clins d’œils pour les fans de la série Final Fantasy se retrouvent à foison, parfois avec un certain humour. Certains décors font directement références aux jeux et aux musiques associées, même si beaucoup de niveaux possèdent un bestiaire et un fond génériques que l’on a vite fait d’occulter.

À gauche le mème iconique et à droite la référence dans TFBL. C’est un détail mais ça fait plaisir quand on le remarque !

Si j’ai passé 120 heures sur TFBL (probablement plus au moment de la sortie de cet article), c’est parce que ce jeu est une lettre d’amour à la licence et à ses fans. Il est une madeleine de Proust géante, qui nous replonge, en quelques notes, à cette période où l’on attendait la fin des cours pour reprendre nos aventures là où nous les avions laissées. Il fait découvrir une multitude de morceaux pour qui ne connaîtrait que les jeux les plus emblématiques de la licence. Et surtout, c’est un bon jeu de rythme, plaisant, profond, riche en défi, idoine pour quiconque aime le genre, doué ou non. Il peut vous piquer 100 heures de votre vie en 2 semaines où vous suivre sur les prochains mois, comme une interlude musicale et vidéoludique entre deux jeux ou deux instants du quotidien. Il a fallu attendre 9 ans depuis le dernier jeu Theatrhythm Final Fantasy avant que la licence ne revienne. Mais tout comme la cartouche du précédent jeu était encore dans ma 3DS au jour de la sortie de TFBL, il ne fait aucun doute que ce nouveau jeu va m’accompagner sur les années à venir.

Theatrhythm Final Bar Line est accessible sur PS4/PS5 et Nintendo Switch

Si vous souhaitez voir des explications supplémentaires sur le jeu avec du gameplay, je me suis permis une petite vidéo où je vous montre les éléments principaux du jeu afin de vous les rendre moins abstraits qu’à l’écrit.

Valentin C.