Catégories
Jeux vidéo

Sayonara Wild Hearts – Koko(ro) Pops

Retrouvez cet article en format audio (Soundcloud et Spotify) en bas de page

Lorsque l’on m’a présenté Sayonara Wild Hearts comme la fusion d’un album musical et d’un jeu vidéo, j’ai d’abord pensé à un jeu de rythme, et j’étais dans le faux. Tout comme je demeurais loin du compte en imaginant l’expérience que j’allais vivre en lançant le jeu. Et si ce dernier gagne à être découvert avec naïveté, il me revient d’attiser votre curiosité.

Sayonara Wild Hearts est le sixième jeu de Simogo. Créé en 2010, ce studio s’est fait un nom avec des jeux développés pour iOs comme The Sailor’s Dream, Device 6 ou Year Walk (qui a même eu droit à une sortie PC et un portage Wii U). Des jeux minimalistes, contemplatifs et poétiques, souvent teintés d’une certaine mélancolie artistique et scénaristique. Après avoir tenu le rythme fou d’un jeu par an, et même deux en 2013, Simogo entame en 2015 le projet Night Road pensé comme un «Pop Album Video Game».

Après plusieurs changements de direction artistique, et une année 2017 catastrophique (le studio ayant dû reprogrammer tous ses jeux précédents en 32 bits pour survivre au passage à iOs 11 qui ne supportait que le 64 bits), le jeu sort en 2019, édité par Annapurna Interactive, sur iOs, PC, Playstation 4, Xbox One et Switch.

Chantons en coeur

Dans une ville semblable à la vôtre, vivait une jeune femme heureuse et paisible. Mais un jour son cœur vola en éclats. Son chagrin traversa l’espace et le temps. Ainsi débute notre saga, il y a très longtemps, ici et à des années-lumière.

C’est avec ces mots, contés par Queen Latifah – excusez du peu – , que s’ouvre Sayonara Wild Hearts. On y fait la connaissance d’une jeune femme qui restera sans nom et sans dialogue tout au long de l’aventure. Perdue dans la souffrance de son coeur brisé, elle se retrouve aspirée dans un monde au delà des frontières du nôtre, pour vivre un voyage musical, onirique et mystérieux, un parcours semé d’embuches, qui permettra à son coeur de se reconstruire pour oser s’ouvrir à de meilleurs lendemains. La thématique de la rupture étant une des plus inspirantes pour les compositeurs et compositrices de musique pop, il est tout à fait logique de la retrouver dans ce «Pop Album Video Game».

Notre héroïne va parcourir 23 mondes, tantôt sur un skate, une moto, au volant d’une voiture ou même accrochée à une carte de tarot (nous y reviendrons). Le gameplay est à la fois simple, multiple, changeant et progressif. Dans la majorité des cas, le système est celui d’un runner, ce qui signifie que votre personnage avance tout seul sans que vous ne puissiez l’arrêter. La difficulté tient dans le fait de vous placer de droite à gauche afin de récupérer un maximum de cœurs, ou d’objets bonus pour faire monter votre score et débloquer a minima le rang Bronze qui ouvre les portes du niveau suivant.

À ce système plutôt simple vient s’ajouter progressivement d’autres mécaniques : Éviter des obstacles, tirer sur des ennemis, appuyer sur l’unique bouton d’action du jeu au bon moment pour déclencher une action spécifique… Je ne développe pas davantage l’étendue des mécaniques que vous rencontrerez en cours de partie tant elles gagnent à être découvertes dans l’instant.

Daughters of Anarchy

Retenez qu’il n’est pas nécessaire d’être un pro-gamer pour enchainer les niveaux sans trop vous y reprendre, mais qu’il ne vous sera pas aisé d’obtenir le rang Or. À la différence des jeux de rythme où la compréhension d’une mécanique peut permettre de briller dès la découverte d’un niveau, il est ici quasiment impossible de faire une run parfaite sans connaître le monde que l’on parcourt et les déplacements attendus.

Ces déplacements ne sont d’ailleurs pas si évident, n’imaginez pas des couloirs où une simple pression sur gauche ou droite vous mettra face à votre cible. Dans Sayonara Wild Hearts il faut mesurer, contrôler ses décalages avec un peu de minutie, et surtout tenter de ne pas perdre le fil. Il est fréquent de se retrouver à rater tous les cœurs d’un passage juste en passant notre temps à vouloir corriger un mauvais placement passé au lieu de nous concentrer sur l’avenir.

Mais ne paniquez pas, comme dit plus haut, le rang bronze est accessible sans difficulté, et au cours d’un niveau, tout échec (choc frontal avec un mur ou un projectile) vous ramène 2 secondes dans le passé pour tenter votre chance à nouveau.

Mauve your body

Sayonara Wild Hearts possède 23 niveaux découpés en 3 catégories, les interludes appelés Heartbreak, les morceaux purement musicaux, et les morceaux chantés qui sont les seuls à durer plus de 2 minutes. Au total, l’aventure dure à peine plus d’une heure, ce qui est peu dans l’absolu, mais bien suffisant pour marquer les esprits.

Accueilli par une revisite pop-éléctro du classique Clair de Lune de Debussy, nous avançons de niveaux en niveaux, au son de morceaux de qualités dans une histoire universelle dont les profondeurs se lisent au travers des arcanes du tarot de Marseille. Les pieds sur terre, ou dans les airs, en 3D et en 2D, Sayonara Wild Hearts nous fait voyager dans une histoire aux teintes mauves, violettes et roses face à des ennemis coriaces que nous affrontons dans notre tenue d’héroïne après une transformation façon Magical Girl. Les sessions sont courtes, mais agréables, limpides, et visuellement impressionnantes.

Oui je me la pète avec mon rang Or

Il est difficile de vous en dire plus sans risquer de vous gâcher le plaisir de cette épopée vidéo ludique et musicale. Mais par sa simplicité, son accessibilité, la qualité de ses transitions, son esthétique globale, la fluidité de ses niveaux, et son constant hommage à l’histoire du jeu vidéo au travers de clins d’oeil (Tetris, Rez, Outrun, Panzer Dragoon…), Sayonara Wild Hearts m’apparaît comme une expérience unique, courte, qui n’a pas d’équivalent. 

Les musiques de Daniel Olsen et Jonathan Eng, portées le temps de 8 niveaux par la voix de Linnea Olson ne sont pas en reste, des pépites pop que l’on réécoute en boucle avec plaisir une fois le jeu terminé, pour prolonger comme on le peut cette expérience vécue manette en main. Car son principal défaut se trouve dans les limites de sa rejouabilité, si ce n’est pour les aficionados du rang Or, et les plus persévérants qui tenteront de résoudre les énigmes du Zodiaque, élément très dispensable du jeu.

Mais si sa courte durée de vie ne vous refroidit pas et si vous aimez la musique pop-éléctro, foncez, que ce soit sur Switch, PC, PS4, Xbox et même iOs. Et peut-être, comme moi, y reviendrez-vous, de temps en temps, pour une courte session, afin de revivre l’espace de 5 minutes un échantillon de cette aventure si particulière, ou pour profiter un peu plus de la magie de certains niveaux comme Parallel Universe, Transonic Gravity et ce grand final, pinacle de l’expérience Sayonara Wild Hearts.

Valentin C