Catégories
Société

Le sauvetage des bouquinistes de la Seine : un respect des traditions

Gardiens de phare, allumeurs de réverbères, bourreaux, poinçonneurs dans le métro, bouquinistes de la Seine, etc… de nombreux métiers ancestraux et traditionnels disparaissent, remplacés par des nouvelles technologies ou parce qu’ils ne répondent plus aux besoins de notre époque.

Appel à candidature

Si certaines professions sont abandonnées sans que le public ne s’émeuve ni que les pouvoirs publics répondent, ce n’est pas le cas des bouquinistes des bords de Seine. Dans un appel à candidature lancé au lendemain du premier confinement, la mairie de Paris annonce rechercher dix-huit personnes pour tenir les boîtes vertes. Il apparaît que l’Hotel de Ville souhaite déployer des moyens pour éviter que les bouquinistes ne disparaissent. Alors que des livres peuvent être commandés sur internet, la mairie manifeste la volonté de préserver cette profession, dans laquelle semble résider une partie du charme de Paris. 

Les bouquinistes se sont installés aux bords de la Seine au cours du XVème siècle. A l’origine, il s’agit de boutiques où les passants peuvent acheter des livres d’occasion à moindre coût. On peut considérer qu’il s’agit de la première organisation de vente de seconde main. Depuis quelques décennies, la particularité de ces boutiques en a fait une attraction touristique immanquable. 

Le charme des bouquinistes a été terni depuis qu’ils sont devenus un rendez-vous touristique d’une ampleur importante. En 2022, le chiffre d’affaires d’un bouquiniste situé aux abords de la Cathédrale Notre-Dame est estimé aux alentours de 900 euros par semaine. Cette somme ne provient pas des comptes bancaires des Français, mais bien des étrangers. Les Français ont été remplacés par des touristes du monde entier, devenus les clients « fidèles » de ces boutiques traditionnelles. 

On trouve moins d’exemplaires du Père Goriot que des affichettes vantant les mérites du Savon de Marseille.

Il suffit d’une promenade aux bords de Seine pour constater que les Parisiens ne se pressent pas devant les baraques vertes. Cette même balade permettra aussi d’observer que ces boîtes ne contiennent pas que des bouquins, voire même peu de bouquins. Aujourd’hui, dans ces boutiques, on peut acheter tout ce qui peut représenter « l’essence française » : des affiches de Vogue où pose Catherine Deneuve, des pubs pour le tailleur Chanel des années 60, pour le parfum Dior d’Après-Guerre, mais aussi des pages des Triplés, les trois enfants charmants du Figaro Madame etc. On trouve moins d’exemplaires du Père Goriot que des affichettes vantant les mérites du Savon de Marseille. Il apparaît alors que les boites vertes ne sont pas composées de produits destinés aux Parisiens, qui n’ont pas besoin de refaire fréquemment leur déco style « Français démodé » avec une illustration au format A5 du Roi Babar ! 

Quelle solution pour le sauvetage des bouquinistes de la Seine ?

Cette baisse des ventes de livres aux Parisiens a fait des bouquinistes un passage obligé des touristes, au même titre que les glaces Berthillon ou les macarons Ladurée. Cela a, malgré tout, permis le sauvetage des bouquinistes de la Seine qui n’intéressait plus personne dans les années 1990-2000. Puisqu’aujourd’hui, acheter d’occasion n’est plus un signe de pauvreté, les Parisiens et les bouquinistes doivent se réconcilier ! Il faut que les premiers prennent le temps de regarder les couvertures jaunies des livres abîmés par le temps et que les marchands de livres proposent des romans, des bandes dessinées, des albums susceptibles d’être lus par les locaux qui veulent se plonger dans un bon livre, qui a une histoire. 

Si le Parisien est agacé par quelqu’un qui ne tient pas sa droite dans un escalator du métro, il passe devant les bouquinistes qui encombrent le trottoir sans pousser un soupir. Non seulement il trouve ces baraques de livres charmantes, mais surtout, elles correspondent à l’esthétique parisienne de ces dernières années. En effet, depuis quelques temps, ce qui est vieux est branché. Les Français chinent des vêtements, achètent des meubles vintage. Le samedi, les marchés aux puces, les brocantes, les friperies sont bondées et toute la semaine, les sites de seconde main sont épluchés. Tout le monde est à la recherche d’une pépite.

Alors, il semble évident que les livres ne devraient pas échapper à cette tendance motivée notamment par la préservation de la planète, surtout que les Français ont beaucoup lu pendant les confinements successifs. Ainsi, les bouquinistes ne doivent pas s’adresser seulement aux touristes avec des produits représentants « l’essence de Paris ». Il semble qu’ils peuvent trouver chez les locaux à la recherche du vieux, une clientèle fidèle, suffisante pour sauver la profession.