Faire le point sur les impôts en France
« La France est un pays extrêmement fertile, on y plante des fonctionnaires et on y récolte des impôts. » A l’approche de la rédaction du prochain projet de loi de finance, cette citation de Georges Clémenceau revient sur le devant de la scène, et emmène avec elle les questionnements qui parcourent l’opinion à chaque fois que le mot « impôt » est prononcé : les impôts sont-ils toujours utiles ? Faut-il taxer les riches ? Comment faire face à la dette française ?
Les origines et fonctions de l’impôt
Quand un maître de conférence à l’université de la Sorbonne et un spécialiste du monde anglo-saxon s’associent, ça donne Histoire mondiale des impôts, d’Eric Anceau et Jean-Luc Bordron. On y apprend ainsi comment l’impôt est apparu en même temps que les Etats il y a plus de 5000 ans, et de quelle manière il a infiltré la vie des citoyens depuis que leur consentement théorique à celui-ci s’est confondu dans leur capacité à élire des représentants du peuple.
Outre la fonction principale de l’impôt, qui est de combler les dépenses de l’Etat, ce dernier peut également endosser un rôle moralisateur, lorsqu’il revêt la forme de « taxes sur la santé par exemple, avec la tabagie ou les taxes environnementales », comme outil économique de régulation, notamment lors d’épisodes de dépressions.
L’impôt a évolué de façon vertigineuse, passant de 10% du PIB de la France au début de la première guerre mondiale à 46% aujourd’hui. Malgré cette augmentation, un sondage du JDD révèle que presque deux tiers des français ne sont pas satisfaits de la qualité des services publics.
La dette, le nerf de la guerre
Vers fin 2022, on estime la dette française à 3000 milliards d’euros, notamment à cause de la crise de la Covid-19. Selon le média Bloomberg : « Le président français a dit qu’il voulait continuer à baisser les impôts des entreprises et de la classe moyenne, malgré de récentes mises en garde sur l’état des finances publiques ». En effet, comment promettre de baisser l’impôt de la classe moyenne lorsque la dette est aussi élevée ?
A l’approche de la date limite pour remplir les déclarations de revenus 2022, le gouvernement se lance dans une campagne de communication cherchant à justifier l’utilisation de l’argent public, notamment par la création d’un site internet détaillant comment sont financés les services publics. Frank Mordacq, directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France, s’est exprimé par exemple sur ce sujet « On a l’impression qu’il y a beaucoup de gaspillage, mais pas du tout ! ».
La question devient beaucoup plus épineuse lorsque l’on aborde le financement de la transition écologique. Selon l’enquête du gouvernement, cette transition coûterait 66 milliards de plus par an, pouvant être financée par de l’endettement ou de nouveaux impôts, mais le ministre de l’Economie Bruno Le Maire s’est opposé aux deux options. Selon lui, quatre alternatives sont possibles comme « le verdissement de la fiscalité existante, la mobilisation de l’épargne des Français, le financement de la transition écologique par les entreprises et la mobilisation des banques ». Mais elles seront encore débattues lors du projet de loi de finance. En attendant, quelles solutions nous reste-t-il pour faire face à cette dette ?
Taxer les riches, une solution miracle ?
La question s’était déjà posée lors de la réforme des retraites. En effet l’association de lutte contre la pauvreté Oxfam avait publié un rapport le 16 janvier qui révélait que le prélèvement de 2% de la fortune des 42 milliardaires français permettrait de stabiliser le déséquilibre du système des retraites. On retrouvait alors pléthore d’arguments contre, comme le bouleversement du contrôle des actions, la baisse de la valeur des entreprises, la volatilité du patrimoine des milliardaires, le risque d’exil fiscal…
Cependant, ces réticences reposent souvent sur des arguments infondés. Parmi ceux-ci, on peut compter la croyance selon laquelle les plus fortunés méritent leur richesse comme s’ils étaient partis de zéro, mais ce serait sans compter sur le fait que l’écrasante majorité d’entre eux ont démarré dans des situations familiales ou socio-professionnelles plus que favorables. De plus, on peut s’imaginer que ce sont les riches qui créent l’emploi ainsi que l’économie du pays, mais plusieurs études montrent qu’à l’inverse ce sont les consommateurs qui sont le moteur de toute économie.
D’un point de vue plus moral, dire qu’il ne faut pas taxer les riches parce qu’ils risquent de quitter le pays revient littéralement à affirmer qu’il existe un chantage de quelques français qui se placent au-dessus de l’intérêt commun. Dès lors, y céder nous place inévitablement en position de soumission et n’est donc pas défendable, surtout lorsque l’on sait que la fraude fiscale de ces grandes richesses pourrait financer 2,2 millions de fonctionnaires supplémentaires à 2000 euros net par mois. Sans oublier que ces fortunes contribuent indéniablement à la pollution, c’est ainsi que la soixantaine de milliardaires français émettent autant de gaz à effet de serre que plus de 30 millions d’habitants.
Pourtant, certains reconnaissent la nécessité de tels impôts, comme le montre la lettre ouverte rédigée à l’occasion du Forum économique de Davos, dans laquelle plus de 200 millionnaires réclament une juste taxation : « En tant que millionnaires, nous savons que le système fiscal actuel n’est pas équitable ».
Valentin BECHU, “Le gouvernement écarte l’idée d’un impôt sur les plus riches pour financer la transition écologique”, Ouest-France, Publié le 23/05/23, URL :
Simon Verdière, “Et si on arrêtait de sanctifier les ultra-riches ? 5 mythes à déconstruire”, Mr Mondialisation, Publié le 14/06/22, URL :
Quang Pham, “Réforme des retraites : taxer les milliardaires à 2% suffirait-il à combler le déficit du système ?”, France Info, Publié le 25/01/23, URL :
Isabelle Raymond, “«Le taux d’imposition réel des ultra-riches en France est seulement de 2 %», dénonce le professeur d’économie Gabriel Zucman”, France Info, Publié le 20/01/23, URL :
Marc PAUPE, “«Taxez-nous» : des millionnaires demandent aux gouvernements de leur faire payer plus d’impôts”, France 24 avec AFP, Publié le 18/01/23, URL :
Thomas Schonheere, « «On a besoin d’expliquer» à quoi servent les impôts, estime le directeur régional des finances publiques”, France Bleu Nord, Publié le 24/05/23, URL :
“Vu des États-Unis. Baisser les impôts en France, un risque pour les finances publiques”, Courrier international, Publié le 15/05/23, URL :
Tangi Kermarrec, “Entretien. « Il y a 480 taxes et impôts en France, c’est un record du monde ! »”, France Info, Publié le 18/04/23, URL :