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Données personnelles, focus sur le territoire africain

Les données personnelles constituent l’une de nos possessions les plus immatérielles et pourtant les plus précieuses. La question de leur régulation est devenue centrale ces dernières années dans les pays occidentaux tandis que l’Afrique se retrouve désormais confrontée aux mêmes enjeux. Focus sur la question.

Les enjeux des données personnelles

Les données personnelles constituent l’une de nos possessions les plus immatérielles et pourtant les plus précieuses.

Une donnée personnelle constitue, par définition, « toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable… Mais puisqu’elles concernent des personnes, celles-ci doivent en conserver la maîtrise ».

Avec l’entrée de ces dernières au cœur de toutes les activités humaines, la donnée a pris une place prépondérante qui ne cesse de croître au fil du temps. Elle se retrouve, entres autres, au cœur de réinventions de l’action publique, du fonctionnement de l’internet, de nouveaux services de recherches mais également de technologies toujours plus poussées. En somme, les données personnelles sont omniprésentes.

L’importance de ces données et les fins multiples auxquelles elles peuvent donner lieu a été particulièrement illustrée par le scandale impliquant le cabinet d’analyse spécialisé dans la psychographie « Cambridge Analytica » survenu en 2017. Des milliers de données ont été illégalement collectées par le géant des réseaux sociaux, Facebook, puis transmise à l’agence à des fins d’influence politiques.

Si même les nations les plus protectrices, disposant de hautes instances de régulation tels que les pays européens avec l’entrée en vigueur du règlement général sur les données personnelles ( RGPD) le 25 mai 2018 sont touchées par leur collecte illégale, qu’en est-il de certains États où ces interrogations restent encore peu voir pas adressées ?

Ces affaires restant majoritairement circonscrites au monde occidental, largement développé et technologiquement fortifié, qu’en est-il alors de l’évolution de la circulation de ces données sur le continent africain, qui apparait moins regardant sur la question.

Les risques pesant sur l’Afrique

Alors que l’Afrique connaît une expansion numérique fulgurante, les instances de régulation de la transmission et de la circulation des données personnelles restent timides. Avec plus de 473 millions d’internautes pour 216 millions d’utilisateurs des réseaux sociaux, un âge médian de 19 ans traduisant une population rajeunissante, et la présence grandissante de sociétés étrangères et nationales agissant pour un meilleur accès web et médiatique, le continent africain constitue un réservoir sans fin d’utilisateurs de services numérique et de facto de données personnelles.

Ces informations sont alors recueillies a des fins politiques ou encore de ciblage publicitaire, la plupart du temps, sans le consentement des utilisateurs en question. On observe que le schéma Cambridge Analytica se répète sur le continent africain puisque l’agence s’est aussi illustrée par le rôle joué dans l’influence des élections nigérianes de 2015. Les dites données ont alors servies à la diffusion de films de propagandes a caractère ultra violent soutenant l’effort de campagne de l’ancien président Goodluck Jonathan face à son opposant Muhammadu Buhari.

Cette affaire n’est pas isolée puisque le cabinet avait aussi été sollicité durant les élections nigérianes de 2007 ou encore les élections kenyanes de 2017. Le recours à cette entreprise interroge donc sur les conditions de collecte et de traitement des données à caractère personnelles des internautes africains et notamment dans le cadre des processus électoraux ou plus généralement politiques et sociaux.

Les peuples africains semblent être perçus par le monde occidental (les GAFAM ou encore certaines multinationales), comme une population dépourvue d’une réelle culture numérique générant au quotidien des milliards de données personnelles à l’exploitation assurément fructueuse. Entre absence de création et de mise en place de modèles de régulations nationaux et inter étatiques propres. Mais aussi, en présence de sous-traitance internationale, c’est un marché au potentiel exponentiel qui s’offre aux grandes puissances du numérique.

L’inégale régulation des données personnelles

Au-delà d’un manque de cohésion au niveau continental, ce sont de réelles disparités de législations et de régulations au niveau étatique qui pèse sur la cybersécurité des africains. Si la convention de l’union africaine sur la cybersécurité et la protection des données personnelles qui s’est tenue le 27 juin 2014 à Malabo (Guinée Équatoriale) constituait un premier pas vers l’entrée des données personnelles dans l’appréhension géopolitique du terrain. Elle n’est cependant à ce jour ratifiée par seulement 14 pays sur les 55 composant le continent.

Drapeau de l’Union Africaine

Guidée par l’acte constitutif de l’union africaine adopté en 2000, cette convention rappelle les enjeux liés aux données personnelles pour le continent et prévoit la création de hautes autorités propres à leur régulation aux niveaux intra comme interétatique Elle vise, à la fois, à « définir les objectifs et les grandes orientations de la société de l’information en Afrique et à renforcer les législations actuelles des états membres et des communautés économiques régionales ( CER) en matière de technologie de l’information et de la communication. »

Malgré cela, l’Afrique dispose encore d’importantes lacunes à combler afin d’arriver à un modèle sécuritaire efficace et durable. Ces fragilités réglementaires et institutionnelles reflètent indéniablement les insuffisances en matière de culture numérique ainsi que des disparités sociopolitiques territoriales liées à un équilibre économique, le plus souvent, précaire.

On observe que les pays francophones tels que le Maroc, le Sénégal ou encore la Côte d’Ivoire se sont déjà dotés d’instances propres de régulation des données personnelles. Là où certaines nations comme le Tchad ou la Zambie restent encore en proie à une inexistence de juridiction.

Les états ouest africains apparaissent pour le moment comme de bons élèves, au comportement à suivre pour une amélioration générale.

Lorsque les données personnelles sont abordées, plusieurs enjeux sont à prendre en compte pour comprendre la spécificité du cas africain. Premièrement, la DATA constitue l’un des nouveaux marché prometteur de la sphère économique. Comme énoncé par la Cambridge Analytica «DATA drives all we do» mettant en lumière l’importance certaine de cet éléments dans l’appréhension géopolitique globale. Les nations ne présentant pas de réel modèle de protection de la data se retrouvent donc en proie à une nouvelle forme d’exploitation liée à cette hausse massive de l’instrumentalisation économique des données personnelles.

Le continent africain ainsi que sa population apparaît donc comme la cible idéalement adéquate en étant un terrain de développement certain des nouveaux marchés prometteurs de notre ère. Il est aussi important de notifier les enjeux démocratiques incarnés par les donnés personnelles.Si ces dernières sont, la plupart du temps, récoltées à des fins d’influence électorale et politiques, leur libre circulation suppose une menace pour un équilibre déjà fragile. A cela, il est important de souligner que ces absences de régulations soumettent ces données au traitement des puissances étrangères et naturellement à une nouvelle forme d’exploitation.

Le continent se retrouve donc enclin à une menace tant économique que démocratique et politique.