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Queen Cleopatra : la série Netflix qui remet Cléopatre sur le devant de la scène

La dernière série documentaire de Netflix, qui dépeint une Cléopâtre noire, a engendré une polémique internationale autour de l’apparence de la dernière reine d’Egypte. Une question que les historiens sont pour l’instant incapables de trancher, et qui invite surtout à redécouvrir ce que l’on sait vraiment de Cléopâtre.

Début avril, Netflix dévoile la bande-annonce de sa nouvelle série documentaire Queen Cleopatra. L’un des choix forts du programme est d’avoir opté pour une actrice métisse pour incarner la dernière reine d’Egypte, et d’en avoir fait un de ses points saillants. Aussitôt, la polémique enfle autour de la décision de représenter une Cléopâtre noire. Elle se poursuit aujourd’hui encore, deux semaines après la sortie du documentaire. Le débat sous-jacent, sur la couleur de peau de Cléopâtre et plus largement son apparence physique, n’est pas nouveau, notamment du fait du mythe lui attribuant une beauté exceptionnelle, en partie héritée des historiens romains. Ces derniers ont en effet construit une vision très péjorative de Cléopâtre, la dépeignant comme une séductrice ainsi qu’une manipulatrice. Mais en dépit de cette nouvelle polémique, le débat autour de l’apparence de Cléopâtre est loin d’être résolu. 

Représenter ou incarner : un débat impossible à trancher

Cléopâtre est certes d’origine grecque. Sa lignée a été fondée par Ptolémée, l’un des généraux macédoniens d’Alexandre le Grand, héritier de la partie égyptienne de son royaume. Il est également fondateur de la dynastie lagide, une dynastie particulièrement soucieuse de conserver son ascendance grecque à travers des mariages entre frères et sœurs. Mais aucune source n’indique l’identité de la mère de Cléopâtre, qui est un enfant illégitime, ce qui laisse à l’imagination de chacun la réponse à la question de son apparence et de sa couleur de peau.

D’autant que les représentations qui nous sont parvenues de la reine, sur des pièces ou en statues, sont stéréotypées, symboliques. Elles ne représentent pas son physique réel mais ce qu’elle souhaitait incarner. Et c’est là que la question de son apparence devient intéressante pour les historiens. Parce qu’à son époque, elle a été représentée selon des codes qui avaient un sens politique, tant pour affirmer son ascendance grecque que pour l’inscrire dans la lignée des pharaons, ces souveraines considérés comme des dieux vivants et auxquels on voue un culte. Ces représentations nous renseignent donc sur le statut de Cléopâtre plus que sur son physique, et c’est bien la dimension la plus intéressante de ce personnage. 

Au-delà de l’apparence physique : une fine politique

Car en dehors de ses relations avec César puis Marc-Antoine, auxquelles elle est parfois résumée, Cléopâtre est avant tout une fine femme politique et une souveraine puissante. Elle bénéficie d’une éducation de grande qualité au musée d’Alexandrie, auquel appartenait la fameuse bibliothèque et qui abritait d’importants savants. Mais elle est aussi confrontée très jeune aux affres de la politique et à sa violence. Son père, Ptolémée XII, se rapproche de Rome et lui cède l’Ile de Chypre. Une décision qui lui vaut d’être renversé par sa fille aînée Bérénice et de se réfugier à Rome sous la protection de Pompée. Cléopâtre a 10 ans, et suit son père dans son exil romain jusqu’à ses 14 ans. Elle y observe le fonctionnement politique de la cité en pleine période de guerre civile. Puis son père est réinstallé sur son trône par Rome et fait décapiter Bérénice.

Indépendamment donc de l’identité de sa mère ou de son apparence, Cléopâtre est surtout une femme politique reconnue pour son intelligence et sa culture, et habituée dès sa jeunesse à la lutte pour la conservation de son trône et l’exercice du pouvoir. Son histoire rappelle surtout que les débats contemporains sont la plupart du temps anachroniques quand on parle d’histoire. Le contexte actuel est en effet incomparable à celui de l’Antiquité, où le racisme, par exemple, ne structurait pas les modes de pensée et d’interaction des Hommes.

Cela ne signifie pas que ces sociétés étaient exemptes de discriminations, mais que les concepts et les cadres les organisant étaient différents. C’est pourquoi il est essentiel d’étudier les sources historiques pour ce qu’elles sont, dans leur contexte, et d’admettre que parfois, elles ne peuvent nous apporter de réponse.