Luiz Inacio Lula da Silva a remporté les tumultueuses élections présidentielles brésiliennes, devançant le président sortant Jair Bolsonaro. Il s’est imposé en recueillant 50.9% des votes, soit un écart de seulement deux millions de bulletins avec son concurrent, ce qui correspond au plus court écart de l’histoire électorale brésilienne. L’homme de gauche de soixante dix-sept ans revient de loin. Lui qui était encore en prison il n’y a pas si longtemps a encore fort à faire dans ces premiers temps de mandature.
Un contexte bien plus favorable
Nous l’avions décrypté dans le Tote Bag, ces élections brésiliennes ont été marquées par les conséquences d’un mandat très agité de Bolsonaro, couplées à une opposition qui avait encore du mal à se faire entendre. Avec seulement cinq points d’avance sur Bolsonaro lors du premier tour, Lula a dû s’engager dans une véritable lutte d’influence non seulement face à son adversaire mais aussi face aux têtes de proues médiatiques et culturelles du pays. Les réseaux sociaux ont joué un très grands rôle dans cette lutte d’influence, en mettant en avant de violentes altercations et en permettant le partage de contre-vérités. Au-delà de l’influence des réseaux sociaux, il faut s’arrêter sur l’influence qu’ont eu les élites religieuses. Le Brésil, première nation catholique du monde avec pas moins de 128 millions de pratiquants, est politiquement très influencée par ces élites conservatrices, qui étaient déjà à l’œuvre pour l’élection de Bolsonaro en 2018.
Toutefois les préoccupations des brésiliens sont bien différentes en cette année 2022 de celles qui parcouraient le pays il y a de cela quatre années. Alors que le Brésil se trouvait consterné par la destitution de la présidente Dilma Rousseff en 2016, il n’était plus question d’entendre parler du Parti des travailleurs, la présidente déchue étant considérée comme la successeure désignée de Lula après ses deux mandats entre 2003 et 2011. Cette échéance est toute autre : le Brésil sort lui aussi de la crise du coronavirus avec son lot de fractures sociales et économiques, et une partie de la base électorale de Bolsonaro ne se reconnaît plus dans sa politique. Par-dessus tout, Lula, condamné à douze ans de prison pour détournement de fonds publics, voit sa condamnation annulée par la Cour Suprême brésilienne, relevant la partialité du juge qui l’a condamné. Ainsi donc Lula, bien inspiré, donne rendez-vous aux brésiliens pour renouer avec sa politique très à gauche, avec notamment une lutte contre la déforestation ainsi que les fameuses Bolsa Familia qui avaient été relativement bien accueillies par la population.
Prendre le pouvoir : une passation sans remous ?
A l’heure où le monde prend acte de la victoire de Lula da Silva, un seul manque à l’appel : Bolsonaro en personne. Le désormais ex-chef de l’État a souhaité garder le silence à la suite des élections pour se retirer et prononcer un discours à ses partisans concernant la future marche à suivre. Pendant plus de 48 heures, le mutisme de l’ancien militaire s’est fait très pesant au Brésil, d’autant plus que des manifestations prenant la forme de barrages routiers et mettant en cause la victoire de Lula ont eu lieu un peu partout dans le pays. Alors que le monde se souvient des grandes agitations qui ont suivi la défaite de Donald Trump, l’annonce de l’ex-chef de l’État le 1er novembre était très attendue. Jair Bolsonaro a indiqué, d’abord de sa voix puis de celle de son chef de cabinet, débuter le processus de passation de pouvoir. Il a également réclamé l’arrêt des agitations, ne les cautionnant pas. Pour le camp du nouveau président élu, ces signes doivent être scrutés et bien pris en compte. En effet, si Lula a pu se hisser au sommet du pouvoir, il ne bénéficie pas d’un appui suffisant au Congrès national, le parlement bicaméral du Brésil. Les élections parlementaires ayant eu lieu début octobre donnaient le parti du président sortant Bolsonaro majoritaire. Au-delà de la nécessité de former des alliances politiques, l’enjeu Lula fait face au défi d’aborder ce nouveau virage politique sans oublier personne des 200 millions de brésiliens.