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Portrait d’Arkange : la voix céleste à l’ère électro

Avec ses envolées lyriques et sa voix ensorcelante, Arkange fascine autant qu’elle intrigue. Présente sur les réseaux sociaux, où elle dévoile des bribes de son univers unique, cette artiste à l’aura mystérieuse navigue entre l’étrange et le sublime. Adepte de la musique assistée par ordinateur (MAO), elle façonne des paysages sonores envoûtants, mêlant synthés éthérés et kicks techno puissants. Rencontre avec une artiste à la croisée des genres, qui redéfinit les frontières de l’électro mystique.

LTB: Hello Arkange, merci beaucoup d’accorder cette interview au Tote Bag, nous sommes très heureux de pouvoir échanger avec toi !

Arkange: Hello,  merci à vous, ça me fait super plaisir de pouvoir me livrer aux lecteurs du Tote Bag !

LTB: Beaucoup ont pu te découvrir notamment grâce à des reprises de classiques de la chanson française sur Instagram (Joe Dassin, Daniel Balavoine) qui ont fait plusieurs dizaines de milliers de vues, mais avec une originalité : une reprise par la MAO. Est-ce que tu peux te présenter un petit peu et nous expliquer comment tu en es arrivée là? 

Arkange: Pour tout dire, j’ai jamais pris de cours de musique mais je voulais en faire donc je me suis lancée dans une licence de musicologie, surtout que j’ai des parents qui me poussaient à faire des études. Et de là, j’ai eu envie d’essayer la MAO, ça m’a toujours un peu intrigué. J’avais acheté mon premier iPhone et je voyais qu’il y avait GarageBand dessus. J’ai commencé à m’enregistrer sur ce logiciel et j’y ai pris goût. Un jour, je suis passée à l’étape supérieure et j’ai acheté un Mac avec mes économies. J’ai installé Logic, me suis payer mes premiers claviers Midi mais tout se faisait à l’oreille car je n’ai fait ni piano ni solfège. Je suis vraiment autodidacte. 

Après ça, j’avais vraiment envie d’utiliser les réseaux sociaux pour me faire connaître.J’ai un rapport un peu ambivalent avec eux: c’est à la fois hyper amusant et aussi très vite angoissant, mais je savais que c’était le moyen pour moi de me faire connaître. Et ça me permet aussi d’explorer progressivement mon identité artistique, donc je me suis lancée. 

On m’a aussi fortement conseillé de passer sur Instagram. C’est Zaho de Sagazan que je connais depuis un moment qui m’a incitée. Elle a aussi insisté sur l’importance de travailler, tout le temps, de ne pas s’arrêter de composer, pour trouver mon identité. Et aussi de ne pas trop s’occuper des professionnels lors des concerts, le plus important étant de faire quelque chose qui nous ressemble.

Crédit : Arkange

LTB: On sent que ton style est à la croisée de plusieurs univers musicaux, on retrouve une ambiance très mystique, mystérieuse avec des montées dans les aigus et des vocalises très envoutantes et puis tout un univers électro porté aussi par la MAO, est-ce que tu considères que tu as des influences et un style musical particuliers ? On évoquait par exemple Zaho de Sagazan qui n’est jamais loin dans tes commentaires. 

Arkange: Alors évidemment Zaho m’inspire beaucoup et on partage cette passion pour la musique électro et aussi pour l’étrange, le mystérieux toutes les deux. Par exemple, ma chanson préférée de Zaho, c’est La fontaine de sang (inspirée d’un poème de Baudelaire du même nom). C’est pas la plus connue, mais elle incarne vraiment mon goût pour des choses un peu sombres, crues aussi, et poétiques.

En fait, je suis vraiment inspirée par l’étrange et le surnaturel depuis que je suis toute petite.  Par exemple, quand je découvre une nouvelle ville, ce que je préfère faire en premier c’est me promener dans les cimetières et les églises.

Et ce goût particulier, je veux le retranscrire à la voix et à l’image. Avec l’électro, on peut vraiment s’éclater pour donner un côté déshumanisé à la voix et explorer tout cet univers, c’est trop chouette. 

Concernant mes autres inspirations, je pense qu’on peut parler de Billie Eilish et de son frère Finneas O’Connell avec qui elle co-compose ses chansons, leur duo est trop cool. J’aime aussi beaucoup certaines chansons de Sevdaliza. De manière générale, j’aime bien les chansons intrigantes. Moi-même j’ai un peu l’impression de vivre dans un autre monde. J’aime bien m’imaginer que tout est un peu magique.

Après, quand on m’écoute, je ne cherche pas vraiment à ce qu’on identifie mes influences musicales. Ce que je préfère c’est quand j’ai des retours de personnes qui m’expliquent ce qu’elles ressentent, il y en a certain.e.s sur Instagram qui n’osent pas par peur de me déranger mais au contraire n’hésitez pas moi j’adore ça ! . 

LTB: Ce qui marque et fait ton identité aussi, c’est les vocalises et les envolées lyriques. Est-ce que c’est un don naturel ?

Arkange: En effet, c’est vraiment une caractéristique de ma voix, j’ai naturellement un ambitus large. J’ai 4 octaves et peux passer du grave au très aigu. Ça m’amène à jouer et à partir dans des vocalises où je peux explorer le champ de mes émotions. Ca a toujours un peu scotché mes professeurs de chant, après en concert c’est parfois plus difficile pour moi d’atteindre les notes les plus graves, le trac venant faire interférence.

LTB : On remarque aussi dans tes vidéos Instagram tout un travail de mise en scène, de posture et de jeux de regard qui renforce cet aspect envoûtant, est-ce que c’est quelque chose que tu chorégraphies ? 

Arkange: Oui c’est vraiment un gros travail que je fais en amont des vidéos et que je réalise assez naturellement sur scène. C’est mon manager qui m’a incité à le faire aussi dans mes reels parce que ça va avec l’énergie de mes musiques. Au début je demandais à mes amis si c’était pas bizarre de faire ça et en fait tout le monde m’a répondu que non au contraire , ça donne un côté envoûtant que moi je recherche au final aussi.  Comme je le disais, j’aime bien baigner dans le mystère et la séduction, et ces mouvements et jeux de regards me permettent d’y accéder. 

LTB: Ton nom de scène, Arkange, s’accorde bien avec ton univers, est-ce que c’est fait exprès ?

Arkange: En fait, c’est le prénom de mon arrière-grand-père qui s’appelait Archange mais il n’a jamais assumé son prénom, il a toujours voulu qu’on l’appelle Christian. Moi il me plaisait bien et je ne voulais pas garder mon prénom qui est Angèle étant donné qu’il est déjà un petit peu utilisé par une autre chanteuse… Donc j’ai repris Archange, j’ai juste voulu un peu le transformer en remplaçant le -ch par un k et apparemment c’est ce que tous les groupes de métal font donc on va peut-être me prendre pour une métalleuse. Plus sérieusement, je pense qu’au final c’était un peu un choix inconscient qui finalement se prête bien en effet à ce que je veux développer dans ma musique. 

LTB: Est-ce que tu es accompagnée pour tes projets ou fais-tu tout seule en restant autodidacte ? 

Arkange: Quand je me suis installée à Lyon pour faire mes études en musique actuelle au conservatoire, j’ai rencontré Thomas Lefebvre qui fait de la MAO, est pianiste, compositeur et s’est révélé être un coup de cœur musical et amical. On s’est tellement bien entendu qu’il est devenu mon producteur. Ce qui nous a plus, c’est que lui a déjà pas mal d’expérience dans le monde de la musique et moi peu donc il a vraiment quelque chose à m’apporter. On s’est mis à composer ensemble il y a un an et demi maintenant, on a sorti Ange gardien, et maintenant on part en résidence ensemble en campagne chez nos grands-mères respectives, on monte vraiment nos projets à deux. C’est moi qui ai l’idée des textes, de l’harmonie et à partir de tout ça il me soutient et ajuste. C’est vraiment super important de bien s’entourer. Je prends souvent l’exemple de Billie Eilish et de son frère et nous deux c’est un peu la même énergie. Pour faire mes vidéos sur Instagram je peux me débrouiller mais quand il s’agit de sortir les sons sur les plateformes j’ai besoin d’être aidée car c’est un travail énorme et Thomas m’épaule pour tout ce travail. 

LTB: Il me semble que tu t’es déjà produite sur scène, où est-ce que tu te représentes ?

Arkange: Pour le moment, on se représente essentiellement dans la région lyonnaise même si on a déjà pu aller dans d’autres villes, Avignon notamment. 

Et le 18 janvier, date à retenir, on fera la première partie de Claude au Marché Gare à Lyon. D’autres dates vont aussi bientôt sortir dans les mois qui arrivent donc il faut rester vigilant sur mon Instagram ! Je peux déjà annoncer que je serai présente au Nantua Fest le 8 juin. On aimerait aussi beaucoup se représenter à Paris, c’est notre prochain défi, et j’aimerais aussi à Tours car c’est ma ville natale. Et un nouvel EP sortira d’ici mars 2025 donc j’aurai de nouvelles chansons à présenter en festival et en concert.

Crédit: Arkange

LTB: Tu as récemment sorti un nouveau single, Bouton d’or, il y a quelques semaines. Il fait suite à deux chansons, Anges gardiens et Morose, qui au-delà du mystère, ont l’air d’être aussi une forme d’exutoire pour toi. Qu’est-ce que tu en penses ?

Arkange: Oui c’est un peu ça, Bouton d’or parle avant tout d’un fantasme. Morose a pour le coup vraiment été un exutoire pour exprimer une colère profonde. C’est une chanson que j’ai écrite  pendant une période où je faisais beaucoup la fête et allais à des soirées techno à Tours. Elle parle de relations conflictuelles avec mes parents. Cette chanson est une manière pour moi d’exprimer des émotions que je n’ai jamais pu faire entendre pendant mon enfance ou mon adolescence. Je me sentais assez peu écoutée et ça a monté en puissance au moment où j’étais souvent en soirée techno, d’où l’électro qui est très présent sur cette chanson.  Je l’ai ensuite arrangée à Lyon avec Thomas, c’était un peu une manière aussi de me détacher de mon ancienne vie en posant la voix sur ces émotions. C’est une chanson qui est avant tout dans l’impulsion, il y a quatre phrases qui se répètent et qui séquencent le morceau et puis un travail de vocalises qui pulsent le son.

Et je pense aussi que dans un autre registre il y a une dimension féministe à cette chanson. Faire entendre sa voix en tant que femme dans la société et encore plus dans le milieu artistique où l’égo des hommes est souvent très écrasant. 

LTB: Une dernière question à te poser: Est-ce que tu aurais des conseils à donner aux personnes qui veulent se lancer dans la chanson/ la musique ? 

Arkange: Déjà, je conseillerais de toujours s’écouter dans la composition, ne pas se brider pour des règles ou conventions. Ce qui fait beaucoup de stream aujourd’hui c’est des schémas couplet/refrain/couplet/refrain mais c’est pas pour autant qu’il faut s’y plier. 

Je donnerais aussi le conseil que Zaho m’a donné, c’est de ne pas s’arrêter de travailler et de composer. Et ne pas avoir peur parfois d’être un peu égocentrique parce quand on fait de la musique ou quand on est dans le milieu artistique en général il faut un peu y passer. Ça a été un peu complexe pour moi parce que j’ai vraiment deux facettes, celle que je montre sur scène ou les réseaux mais aussi une vraie timidité et il a fallu que j’arrive à faire avec et ne pas me censurer dans ce que je fais.

Et puis je dirais aussi qu’il ne faut pas oublier que l’essentiel, c’est le public, pas les professionnels. Ce sont eux qui ressentent ta musique de manière sincère. Ce sont leurs retours, souvent spontanés et personnels, qui comptent vraiment, bien plus que les analyses techniques ou les critiques des pros. Beaucoup d’artistes hybrides, comme Billie Eilish ou Yseult, ont réussi à briser les codes, et ça prouve qu’il ne faut pas se limiter pour plaire aux standards de l’industrie. Ce qui importe, c’est de rester authentique et de créer un lien avec le public, car c’est lui qui remplit les salles et donne vie à ta carrière.

Un grand merci à Arkange avec qui ce fut un grand plaisir d’échanger, de découvrir son travail et son parcours musical !