La Route du plastique 2021
Parcourir le littoral Aquitain à pied, pour récolter le plastique dans un chariot éco-conçu, le 4P Thompson. 250 km de côte, de Soulac jusqu’à Anglet. Voilà le défi que se sont lancés deux étudiants en 2019 ! A travers leur association 4P Shore & Seas, le duo a ensuite continué de sensibiliser sur la question de la pollution plastique via la vulgarisation et l’approche scientifique.
Cette année, pour sa troisième édition, la Route du Plastique est bien repartie de Soulac, le 1er aout. J’ai ainsi fait partie de l’un des trois duos qui se sont relayés sur l’ensemble du mois, poussant le 4P Thompson durant une quinzaine de jours. Aux premières loges pour témoigner de l’ampleur de la pollution sur nos plages, je vous raconte cette expédition particulière dans ce nouvel article !
Les objectifs de la Route du Plastique
A travers cette opération bien singulière : tirer (ou pousser, c’est comme on le sent) un chariot éco-conçu sur 250km de plages, la Route du Plastique a pour but principal de sensibiliser à la pollution plastique tout en récoltant des données scientifiques. En plus de ramasser les déchets, des protocoles bien précis sont ainsi réalisés en pied de dunes et le long des laisses de mer, afin d’étudier sur le long terme la répartition et l’origine du plastique. Cette année, le macroplastique tout comme le microplastique étaient étudiés ! Car comme nous le verrons, cette pollution prend divers visages…
- Sensibiliser
Avec le 4P Thompson, on ne passe pas inaperçu, et c’est le moins que l’on puisse dire ! Le chariot intrigue, questionne…et amène la discussion. Les usagers du littoral, étonnés par notre embarcation viennent nous voir, échangent avec nous et quelques fois nous aident spontanément à ramasser les déchets. De supers rencontres tout au long de notre périple !
Cette particularité, un grand chariot fait de bambous, de fibres de lin et de résine à 76% végétale, nous permet de récolter un certain nombre de sacs en toile de jute remplis de plastique et autres réjouissances. Ceux-ci sont ensuite laissés aux postes de secours tout au long du parcours et récupérés (pour la plupart) à la fin du mois d’aout. Les déchets seront triés et revalorisés ou serviront à l’étude scientifique. Le 4P Thompson, avec ses sacs et ses filets de pêche accrochés au bastingage, illustre notre discours sur la pollution et accompagne notre action de sensibilisation sur toutes les plages rencontrées.
2. La science
Cette Route du Plastique, c’est donc aussi l’occasion de ramener des données pour la science. Plus exactement pour le laboratoire EPOC, à Bordeaux. Des sujets comme par exemple le devenir et les effets des micro plastiques issus de la dégradation des engins de pêche y sont traités. L’objectif à long terme, grace aux données récoltées sur plusieurs éditions, est d’étudier la répartition et l’origine industrielle des plastiques retrouvés, afin de les limiter dès leur source.
Ainsi, tout au long de la traversée, des protocoles macro plastique en pied de dunes et microplastique sur les laisses de mer, sont effectués. Les données seront analysées dans l’année.
3. Témoigner
En plus des deux objectifs principaux : sensibiliser et avoir une approche scientifique, La Route du Plastique est également un moyen de témoigner concrètement de l’ampleur de la pollution…
Il faut s’attaquer à la source de la pollution. Il est donc important de sensibiliser directement les usagers du littoral.
Alexandre, mon binôme sur la RDP.
Après 2 semaines passées sur le sable, impossible de ne pas se rendre compte des désastres occasionnés par notre civilisation ultra-consumériste. Notre industrie pétrochimique produit en masse un élément que nous utilisons abondamment et absolument partout : le plastique. Nous ne savons plus nous en passer à tel point que sa production exponentielle étouffe désormais nos littoraux et les mers et océans.
4. Le ramassage
Evidemment, le ramassage des déchets fut l’activité phare de nos journées. Sur les deux premières éditions, respectivement 400kg puis 800kg ont ainsi été récoltés par Edgar et Aurel (les deux co-fondateurs de l’association) ! Pour cette année, il faudra attendre un petit peu pour connaitre nos propres résultats, mais nous n’aurons clairement pas moins…
Nous ramassions dans des sacs en toile de jute les plastiques et tout un tas d’objets insolites : des palmes perdues, des chaussures, des centaines de bouteilles, des cotons tiges usagés, des applicateurs tampon, des filets de pêches, des bouées échouées, …
15 jours pour témoigner d’une pollution aux multiples facettes…
Entre 8 et 12 millions de tonnes de plastique finissent chaque année dans nos océans. Et si vous êtes friands de chiffres, d’autres sont disponibles sur notre précédent article Nos océans de plastique.
Mais les chiffres que nous avions en tête, c’est une chose, s’en rendre compte par nous-même fut une autre affaire…
Cette aventure nous a permis de voir concrètement l’état de pollution de nos océans et littoraux.
Valentin, l’un des duos de la RDP.
S’imprégner des éléments, vivre au rythme des marées et les voir ramener quotidiennement des déchets, ça nous permet de visualiser concrètement tous ce qu’on peut lire sur la pollution plastique.
Alexandre.
Une vision dramatique me revient : une laisse de mer regorgeant de micro-déchets en tout genre. Où sont les algues, les jolis coquillages ? Il n’y a plus que des bouts de filets, des bouchons, et pire encore, du plastique primaire en abondance. Ces petites boules de 5mm de diamètre, appelées « pelettes » m’ont bien choqué. Moi qui n’en avais jamais vu, j’ai pu être servie ! Sur certaines plages elles sont partout, à la surface du sable ou enfouies. D’où viennent-elles exactement ? Des cargos de navires industrielles et des usines de fabrication du plastique…
Venez en hiver, c’est pire encore. On retrouve des cotons tiges absolument partout !
Propos recueillis auprès d’un habitant, sur la plage.
Cette pollution prend de multiples facettes et a des origines variées : industrielle, ménagère mais la grande majorité des macro-déchets retrouvés provient du secteur de la pêche ! Des filets en tout genre et de tailles très variables s’échouent sur nos plages. Ceux-ci causent de graves problèmes pour la biodiversité marines avant de se désagréger en petits bouts.
En bref, notre frénétique envie de produire et consommer se résume bien sur ces plages : c’est au-delà du raisonnable.
Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas !
Cette vision de nos plages envahies par tout ce plastique amène une réflexion que nous aurons tous eu au cours du mois : le meilleur déchet est vraiment celui qu’on ne produit pas ! Qu’importe la possibilité de recycler (seulement 30% de ce qui est jeté l’est réellement), la surabondance de nos déchets n’est simplement pas viable. Sur une Terre abritant bientôt 9 milliards d’individus, notre devoir est d’adopter un mode de vie plus durable et sobre.
Recycler oui, mais produire moins, ou revaloriser autrement nos déchets. Réutiliser, partager, revoir notre mode de consommation individualiste. S’attaquer à la source même du problème implique de prendre chacun nos responsabilités et d’introduire peu à peu des principes de « Zéro Waste » et d’économie circulaire dans nos vies . Sans dépenser des fortunes on peut commencer par exemple par se tourner vers le vrac pour quelques denrées alimentaires (pâtes, riz, …), emmener une gourde au lieu de racheter constamment des petites bouteilles en plastique, utiliser des Tote Bag, des serviettes réutilisables, etc. A nous tous de changer nos habitudes pas à pas !
Je vous invite notamment à lire le petit livre de Serge Latouche sur la décroissance : Petit traité de la décroissance sereine.
Slogan de l’association 4P Shore & Seas.
Une aventure atypique
Au-delà des déchets et de nos tristes découvertes, la Route du Plastique fut avant tout une aventure bien atypique !
On était là aussi pour vivre une chouette aventure.
Coralie, l’un des duos de la RDP.
Vivre sur la plage, au rythme des marées et des couchers de soleil… Partager parfois de belles discussions avec les personnes rencontrées. Apercevoir des dauphins, au large de nos côtes.
Pour ma part, j’ai aussi beaucoup appris en termes de lecture de l’océan, c’était vachement intéressant pour les connaissances acquises sur nos littoraux.
Valentin
Au final : une vraie expérience de vie et un véritable défi sportif ! Tirer le 4P Thompson s’est parfois révélé être éreintant. Mais nous ne regrettons pas les images et souvenirs ramenés de ces jours passés au plus près de l’océan.
Si cette aventure vous parle, que vous souhaitez en savoir plus sur l’association ou sur les résultats des précédentes éditions : rendez-vous sur le site internet de 4P Shore & Seas ainsi que sur la page insta de l’asso (@4P_shore_and_seas) !
Natacha Racinais