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Maraichage sur Sol Vivant : une autre manière de considérer nos sols

Allier production de légumes et protection des sols, est-ce possible ? Accroître la fertilité des sols est maintenant un enjeu majeur sur des terres agricoles de plus en plus pauvres. Des dizaines d’années d’agriculture conventionnelle ont mené à une lente détérioration du taux de ce qu’on appelle la matière organique. Amenant les agriculteurs à utiliser toujours plus de fertilisants, de produits chimiques…les entraînant dans un cercle vicieux difficile à casser. Aujourd’hui, de nombreux petits projets s’élèvent pour tenter de changer de modèle. Et inverser la tendance. Prouver qu’une autre agriculture est possible en développant de nouvelles techniques plus respectueuses de l’environnement, voilà l’un des objectifs du Maraîchage sur Sol Vivant. Ce mouvement initié en France en 2012 commence à faire parler de lui, alors le MSV, quesako ?

Définition

Paillis, Bokashi, Terre, Nature, Croître, Vert

Le Maraichage sur Sol Vivant, ou MSV, mouvement qui s’inspire du jardinage bio-intensif, de la permaculture et de l’agriculture naturelle (voir les travaux de Masanobu Fukuaka), est né d’un groupe de maraîchers, en Normandie. Il s’agit d’un ensemble de pratiques culturales qui placent la santé du sol au centre des systèmes de culture. Leur objectif premier était de révolutionner les pratiques actuelles de production de légumes en créant de nouveaux systèmes inspirés de la nature.

Ainsi, l’objectif principal du maraîchage sur sol vivant est de reconstituer le cycle naturel de la fertilité des sols dans les parcelles agricoles grâce à des itinéraires techniques spécifiques : arrêt du travail du sol, apport de matière organique (MO) au sol, gestion intégrée des mauvaises herbes….

On nourrit le sol, pas les légumes !

Elsa, MSV à la ferme des Gobette, Normandie.

Ainsi, le maraîchage sur sol vivant est basé sur des principes agro-écologiques qui visent à améliorer les services écosystémiques, c’est-à-dire les services rendus par les écosystèmes aux sociétés humaines – tels que la protection des sols, la protection et la purification de l’eau, la protection de la biodiversité, le recyclage des nutriments, la séquestration du carbone, la pollinisation….

Pratiques culturales adoptées

Dans une étude réalisée en Drôme-Ardèche, en France, certaines pratiques culturales récurrentes ont été identifiées dans neuf exploitations pratiquant le MSV :

  1. La couverture du sol : Dans les systèmes de culture MSV, les sols sont couverts en permanence pour améliorer leur santé et mieux contrôler les mauvaises herbes.
  2. Une gestion intégrée des mauvaises herbes : on opte pour l’approche « prévenir plutôt que guérir » !
  3. Un travail du sol fortement réduit voir inexistant : c’est le point fondamental du MSV.
  4. L’ajout de matière organique : paille, foin, résidus de culture, fumier, compost,…viennent enrichir les sols et augmenter le taux de matière organique.

Pour tenter d’y voir plus clair, j’ai eu l’occasion d’interroger Elsa, maraichère à la Ferme des Gobettes ! Après plusieurs années de journalisme sur Paris, elle et son compagnon sont partis s’installer en Normandie, sur une petite ferme de 5ha. Persuadés de l’importance de produire tout en prenant soin de la santé de leurs sols, ils pratiquent le MSV depuis le tout début de l’aventure.

« C’est que du bonheur. Le sol est super vivant, plein de vers de terre. Les légumes poussent bien. J’ai l’impression qu’on travail dans le bon sens. Ca grouille de plein de petites bestioles, c’est vraiment super agréable. » Elsa.

Se lancer !

Changer de système… Revenir à une agriculture à taille humaine, respectueuse de la vie. Un rêve porté par de plus en plus de personnes, de plus en plus de jeunes désireux de retrouver du sens. Le maraichage sur sol vivant s’inscrit ainsi dans cette belle dynamique. Bien qu’il s’agisse d’une activité éprouvante, souvent peu stable et difficile à démarrer, les exemples de belles réussites comme celle d’Elsa et Thibault ne manquent pas.

« C’est une installation pour les jeunes maraichers qui coûtent peu chère finalement. Car il y’a peu d’investissement à faire. On voit de plus en plus de jeunes en reconversion et d’agriculteurs qui veulent s’installer en MSV. » Elsa

La clé, c’est d’abord de se lancer ! « Ca commence à se développer en France, il ne faut pas que les gens hésitent à se créer eux-mêmes leur petit réseau. »

De meilleurs rendements ?

Une fois le système correctement installé, les bénéfices ne sont pas négligeables ! Comme nous l’avons vu précédemment, les pratiques permettent de restaurer la fertilité des sols, de limiter l’érosion et les pertes en eau… De nombreuses études ont rapporté une réduction de l’érosion des sols entre 50 et 90% en présence d’un paillage/mulchage (Edwards et al., 2000 ; Scopel et al., 2005). Les résultats de l’étude de Scopel et al, dans l’ouest du Mexique, ont ainsi montré que l’utilisation du paillage a « réduit les pertes annuelles par ruissellement de l’eau de 10 à 50% par rapport au traitement par labourage conventionnel ».

L’utilisation des intrants culturaux est également grandement réduite, ce qui est plus qu’intéressant au vu du contexte actuel… Un semis direct supprime l’étape du travail du sol et permet donc à l’agriculteur de gagner du temps et de l’argent ! Dans de nombreux témoignages, il est démontré que les pratiques MSV permettent d’augmenter progressivement la fertilité du sol et donc les rendements.

Les changements climatiques vont également nous pousser vers ce genre de pratiques favorisant la couverture des sols… Pas le choix avec les épisodes de sécheresse toujours plus longs et intenses ! « D’avoir un sol couvert par 20cm de paille, on ne met pas la même quantité d’eau que lorsque le sol est nu ! » A l’avenir, il va falloir de plus en plus « changer les vieilles pratiques pour aller vers des pratiques de couverts végétaux. » Elsa

Recadrer, Céleri, Domaine, Agriculture, La Nature

Les systèmes de maraîchage sur sol vivant sont encore en cours de test et de développement pour perfectionner la technique. De plus, il est vraiment compliqué de généraliser l’itinéraire technique car il dépend des conditions de la ferme et de nombreux autres facteurs. Il n’existe donc pas de système « standard », mais une grande variété d’adaptations pour chaque situation ! En France, un réseau national a été mis en place pour créer de nouvelles références et aider les agriculteurs dans leur transition.

Natacha Racinais

Sources :

ADAF, Maraichage Sur Sol Vivant, en ligne. Disponible sur : https://www.adaf26.org/lagroecologie/maraichage-sur-sol-vivant/

Edwards, L., Burney, J., Richter, G., MacRae, A. J. A., ecosystems & environment. (2000). Evaluation of compost and straw mulching on soil-loss characteristics in erosion plots of potatoes in Prince Edward Island, Canada. 81 (3): 217-222.

Scopel, E., Findeling, A., Guerra, E. C. & Corbeels, M. (2005). Impact of direct sowing mulch-based cropping systems on soil carbon, soil erosion and maize yield.