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Climato-scepticisme : l’expliquer pour le combattre

Comprendre l’existence du climato-scepticisme

En 2014, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) publie son cinquième rapport. Le constat est alarmant : depuis les premiers relevés de 1880, la température moyenne mondiale a augmenté de 0,85°C. Pourtant, les changements climatiques ne sont pas un enjeu dont nous n’aurions pu prédire les évolutions. En effet, en 1972 se tenait déjà la Conférence des Nations unies sur l’environnement de Stockholm, et l’on créait 16 ans plus tard le GIEC, dans l’objectif d’évaluer les risques liés au réchauffement climatique. Près d’un demi-siècle ont passé depuis la Conférence de Stockholm et des centaines d’articles scientifiques sont venus confirmer les changements climatiques, ainsi que leur origine anthropique. Malgré cela, un certain nombre d’individus mettent en doute le réchauffement climatique global, ou l’incidence de l’activité humaine sur ce phénomène. C’est le « climato-scepticisme » (ses adeptes sont communément appelés « climato-sceptiques »).

tweet trump
« Le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les chinois dans le but de rendre les entreprises américaines non compétitives ».

On pourrait imaginer qu’il ne s’agisse que d’une petite partie de la population, mais non, bien que les sondages soient assez divisés à cet égard.
Un sondage Opinionway pour Primes Energies de mars 2019 exposait que 23% des français seraient climato-sceptiques (déclarant ne pas croire au réchauffement climatique). Ce pourcentage étant extrêmement élevé, nous pouvons comparer ce sondage à une étude Ipsos / Sopra Steria réalisé en 2015 ne donnant que 7% de climato-sceptiques, tandis qu’un rapport de l’ADEME daté de 2018 exposait que 11% des français étaient climato-sceptiques, et 48% hésitants. La proportion réelle doit donc probablement se situer entre 7 et 23% en France.

Peut-on justifier le climato-scepticisme ?

Notre terre

L’incertitude scientifique

Le réchauffement climatique et son origine anthropique sont-ils des faits objectifs ? Une étude (Cook et al., 2016) propose une synthèse des publications scientifiques à ce sujet et affirme que 97% des auteurs s’accordent sur la véracité du réchauffement climatique et de la responsabilité humaine dans son apparition.

Reste donc 3% des scientifiques. La possibilité qu’ils aient raison est-elle négligeable ?

Si l’on en croit Emile Borel (1930), mathématicien probabiliste médaillé d’or du CNRS en 1954, à l’échelle humaine, une probabilité pourra être considérée comme négligeable si elle est inférieure à 10-6, soit 0,0001%.

3% des auteurs, ce n’est donc pas négligeable. Ainsi, au sens le plus rigoureux, il peut être soutenu que le réchauffement climatique et l’impact humain sur celui-ci ne sont pas des faits objectifs.

Cela est-il satisfaisant pour autant ?

97%, c’est tout de même 32 fois plus que 3%. Le plus rationnel serait donc de croire la plus grande partie des scientifiques. L’objectivité du réchauffement climatique n’importe que très peu au regard des risques envisagés par la plus grande part des scientifiques. En effet, ces risques sont quasi-certains et ils s’amplifieront en cas d’inaction.

En bref, on peut faire le choix de suivre des 3% de scientifiques climato-sceptiques. J’insiste bien sur le fait qu’il s’agisse d’un choix, ne reposant sur rien de solide : les éléments scientifiques avancés par les climato-sceptiques ayant tous été rigoureusement démontés (plus d’infos dans les sources). Cela n’étant pas le cas des éléments scientifiques avancés pour justifier le réchauffement climatique.

Pourquoi faire le choix du climato-scepticisme ?

Pour des raisons économiques et psychologiques

Pour beaucoup, il est difficile d’admettre les changements climatiques, car ils impliqueraient de repenser entièrement notre société et nos modes de consommation. Le coût psychologique du changement n’est pas à sous-estimer, il explique certainement en grande partie l’inertie de la population française.

 la perte est bien plus douloureuse pour la plupart des individus que n’est agréable le gain

La peur de la perte matérielle, liée aux changements de mode de vie nécessaires pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre, concerne globalement tous les individus. La Théorie des perspectives des économistes Kahneman (Prix Nobel) et Tversky en 1979 montre que la perte est bien plus douloureuse pour la plupart des individus que n’est agréable le gain. La perte est ici à court-terme, et le gain lointain, amplifiant encore cet effet.
L’incertitude des impacts sur nos modes de vie qui permettraient d’être en phase avec les enjeux climatiques peut rendre plus acceptable, psychologiquement, le climato-scepticisme que le réchauffement climatique.

Pour des raisons de l’ordre des croyances

Les croyances s’opposent souvent à la rationalité scientifique. Nous parlons ici principalement des théories du complot, basées sur de la pseudoscience et des techniques de manipulation des faits, qui peuvent avoir un grand nombre d’adhérents. Elles souffrent de nombreux biais, comme celui de confirmation d’hypothèse (ne sélectionner que les informations confirmant ses croyances). Le climato-scepticisme est souvent partie intégrante d’une théorie du complot. Le tweet de Donald Trump, en introduction, l’illustre.

Enfin, nous pouvons évoquer des raisons philosophiques. Certains vivent au jour le jour, sans réellement s’inquiéter du futur. Ils suivent une doctrine hédoniste (recherche du plaisir et évitement de souffrance) court-termiste et individualiste. Dès lors, pourquoi se soucier des enjeux environnementaux, qui, à priori, auront des impacts significatifs sur les occidentaux dans plusieurs dizaines d’années ?

Pourquoi les institutions n’agissent-elles pas ?

Pour des raisons économiques

Les raisons les plus évidentes pouvant expliquer l’inaction climatique sont d’ordre économique. Les plus grandes richesses du monde sont celles de grands propriétaires et chefs d’entreprises. Les activités de leurs firmes sont le plus souvent extrêmement polluantes, à l’image des géants de l’énergie (Total, ExxonMobil…) ou de la haute technologie. Les acteurs bénéficiant le plus du capitalisme et du libéralisme ont toutes les raisons d’agir le moins possible. Ainsi, se dire climato-sceptique bloque toute action possible qui nuirait à l’économie au profit du climat.

Une grande partie du climato-scepticisme peut être attribuée aux industries pétrolières, du plastique ou du textile. Celles-ci investissent chaque année des milliards d’euros pour financer des organisations qui remettent en cause l’urgence climatique, des lobbies qui influencent les décideurs politiques et mènent des campagnes de communication pour semer le doute chez le grand public.

Pour des raisons politiques (Etats et administrations)

Une grande partie du climato-scepticisme peut être attribuée aux industries pétrolières, du plastique ou du textile

Les Etats et institutions internationales sont les principales entités capables de limiter ou réguler ces acteurs privés, mais leur actions pour l’environnement sont actuellement limitées. 

Etats et institutions sont dans cette même logique libérale, étant souvent dépendants économiquement – directement ou indirectement – des entreprises ou groupes privés. C’est le cas par exemple de beaucoup de partis politiques, partiellement ou intégralement financés par des acteurs privés. S’opposer à des entreprises par des mesures écologiques, c’est prendre le risque de perdre des sources de financement. 

L’inaction des Etats de manière générale peut aussi partiellement s’expliquer par la présence de climato-sceptiques au sein de certains gouvernements. Le président américain sortant, Donald Trump, en est un exemple frappant.


Lutter contre le climato-scepticisme

L’éducation, un enjeu clé

Sensibiliser et promouvoir la science 

Sensibiliser au réchauffement climatique est nécessaire car une partie du climato-scepticisme est expliquée par l’ignorance ou l’incertitude des individus. Cela doit commencer dès le plus jeune âge, notamment à travers les programmes scolaires. Sensibiliser les jeunes est un moyen de faire intégrer l’urgence climatique dans leurs priorités.

Promouvoir la science est également nécessaire car l’autre grande partie de l’inaction climatique repose sur le rejet des idées scientifiques. Il s’agit de lutter contre les croyances irrationnelles et les pseudosciences. 

Développer l’esprit critique des plus jeunes

Développer l’esprit critique des plus jeunes

Comme on l’a expliqué plus haut avec les théories du complot, il est très difficile de faire changer d’avis des individus qui croient dur comme fer à certaines croyances. C’est pour cela qu’il faut encourager le développement d’un esprit critique chez chacun, pour savoir reconnaître les fake news. Il s’agit d’apprendre à relativiser les informations, à vérifier ses sources, déconstruire les idées reçues et prendre du recul par rapport à l’information.

Le droit comme levier

Possibilité 1 : Interdire le climato-scepticisme ?

L’objectif serait ici radical, quasi liberticide, donc probablement impossible à mettre en place : Censurer les climato-sceptiques, afin conséquemment que les mentalités évoluent vers plus d’action, plus vite, pour le climat.

Etudions plus précisément les possibilités en France.

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. […] Elle respecte toutes les croyances.

Constitution du 4 octobre 1958 (Article 1)

Ainsi, en théorie, si l’on considère le réchauffement climatique comme une croyance, on ne peut pas interdire le fait de ne pas y croire. Toutefois, il existe une exception, bien connue : les lois mémorielles (relatives à l’histoire). La loi Gayssot, votée en 1990 est la première des lois mémorielles françaises. Elle réprime la contestation de l’existence des crimes contre l’humanité, dont spécifiquement le négationnisme (le déni de la Shoah).

Le cas du changement climatique est différent, car il s’agit d’un enjeu présent, mais surtout futur. Il est surtout semblable en cela qu’il semble clé de ne pas laisser la place au doute : le doute ralentit l’action climatique, qui se fait de plus en plus urgente. En outre, certains considèrent les choix perpétrés par nos sociétés envers les sociétés futures comme des crimes contre l’humanité – définis comme « violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ».
Pourrait-on imaginer une loi réprimant la contestation de l’existence du réchauffement climatique ? Réalistiquement, non. Toutefois, il semblait intéressant d’en évoquer la possibilité.

Possibilité 2 : Inciter à agir

l'incitation doit pénaliser de façon suffisante les activités polluantes

D’autre part, il semble possible de mettre en place des incitations pour prendre en compte la préservation de l’environnement dans toutes les décisions. Par la prise en compte des externalités négatives (émissions de gaz à effet de serre) dues à l’économie, nous pourrions faire évoluer les comportements des différents acteurs, y compris les climato-sceptiques.

Pour qu’elle soit efficace, l’incitation doit pénaliser de façon suffisante les activités polluantes et subventionner les activités vertueuses ou de transition, qui limiteraient l’impact des industries sur l’environnement. Le coût principal doit être supporté par les industriels qui polluent, et non par les ménages (comme cela avait été le cas de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à l’origine des protestations des gilets jaunes depuis 2018).

Enfin, n’oubliez pas que vous avez le pouvoir d’impacter les autres en les sensibilisant !

***

Voilà donc quelques pistes de réflexion autour du climato-scepticisme. Nous nous pencherons bientôt sur les raisons poussant les non climato-sceptiques à ne pas agir – ou à trop peu agir -, bien qu’ils soient sensibilisés. A très vite !

Dylan Chiasson

Pour aller plus loin : le super site sur lequel sont démontés les arguments les plus courants avancés par les climato sceptiques : https://skepticalscience.com/argument.php.

Références

Articles :

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