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The Queen’s Gambit, une véritable prouesse

Aux échecs, le gambit est le sacrifice d’un pion au moment de l’ouverture du jeu permettant d’obtenir un avantage stratégique. 

Il y a quelques semaines, Netflix présentait sur sa plateforme une toute nouvelle mini-série intitulée Le jeu de la dame. Créée par Scott Frank et Allan Scott et issue d’un roman de Walter Tevis, cette série met en scène le monde souvent méconnu des échecs et surtout l’évolution de Beth, une jeune prodige, dans cet univers uniquement masculin. Beth Harmon, interprétée par la brillantissime Anya Taylor-Joy, est une jeune fille qui, suite à la mort de sa mère, se retrouve dans un orphelinat. C’est dans ce lieu assez sinistre qu’elle va pour la première fois apercevoir un plateau d’échecs et se prendre de passion pour ce jeu. Son mentor, le concierge de l’établissement, va rapidement se rendre compte que l’enfant est dotée d’un talent inestimable. La jeune Harmon va vite développer un irrésistible besoin de gagner.

Le sujet de la série pourrait en déconcerter quelques-uns, mais les créateurs ont réussi à rendre fascinant ce milieu à première vue antipathique. C’est vintage, c’est enivrant, bref, c’est à voir.

Si Beth grandit dans les années 50 à l’orphelinat, les sixties sont au contraire synonymes pour elle d’émancipation et de décadence. Il y a un réel travail sur les décors et les ambiances. Les tons bleutés, les meubles en formica, on pourrait presque sentir une odeur de musc. Les costumes sont aussi très fidèles, visuellement on s’y croirait. La reconstitution de Las Vegas en 1966 est particulièrement plaisante. Tout est fait pour montrer que la jeune fille a quitté la morosité de l’orphelinat où elle a appris la vie à travers des vidéos éducatives, pour rejoindre le vrai monde, instable et plein de vice.                                                            

ANYA TAYLOR-JOY ( BETH HARMON) et THOMAS BRODIE-SANGSTER (BENNY)  à l’US Open de Las Vegas THE QUEEN’S GAMBIT Cr. PHIL BRAY/NETFLIX © 2020

La jeune surdouée ne doit pas seulement faire face à des adversaires de plus en plus coriaces, elle doit se confronter à ses propres démons. Dépendance, médiatisation, le monde des échecs s’apparente petit à petit à celui d’Hollywood pour Harmon, qualifiée de “trop glamour”. Addict aux tranquillisants depuis son plus jeune âge, la compétition semble la détruire à petit feu. 

Le montage est réellement percutant. Les showrunners ont réussi à rendre dynamiques des parties d’échecs pouvant parfois durer plusieurs heures. Le montage est rapide, à l’instar des parties de speed chess, notamment dans l’épisode cinq où split screen et changements de points de vue rendent la partie fascinante. Comme dans l’exemple ci-dessous, le montage donne l’impression que Beth et Benny s’affrontent alors qu’ils jouent en fait des parties différentes. Oui, il est désormais possible de ressentir la tension d’une partie d’échecs et d’avoir le souffle coupé dans l’attente du déplacement d’un pion.

ANYA TAYLOR-JOY ( BETH HARMON) et THOMAS BRODIE-SANGSTER (BENNY)
dans un montage frénétique THE QUEEN’S GAMBIT Cr. PHIL BRAY/NETFLIX © 2020

The Queen’s Gambit c’est le récit initiatique d’une femme dans un monde d’hommes, mais qui ne tombe pas dans le cliché pour autant. La série traite de la dépression, du sexisme et de l’émancipation, mais aussi de la Guerre Froide, figurée par les échecs. Une multitude de thèmes, abordés à la perfection.

Bonus :

Si vous avez aimé la série, nous vous recommandons cette vidéo sur les costumes et l’importance des motifs et des couleurs pour le développement du personnage.