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Une nouvelle limite planétaire franchie

Le rythme effréné des nouvelles catastrophes écologiques semble ne jamais vouloir s’arrêter. Entre les épisodes de sécheresses intenses à différents coins de la planète, les vagues de chaleur frappant les récoltes, l’inaction flagrante de nos politiques, le jour du dépassement, …les news ne sont pas vraiment bonnes, c’est le moins que l’on puisse dire. A cela s’ajoute récemment une découverte qui a de quoi faire froid dans le dos : l’humanité a franchi une nouvelle limite planétaire, celle du cycle de l’eau douce.

6 limites planétaires désormais franchies sur 9…

Pour se rafraichir un peu la mémoire, je vous propose de retourner lire l’un de nos articles qui définit ce que sont ces limites planétaires. Evoquées pour la première fois déjà en 1972 dans le célèbre rapport Meadows, les limites planétaires correspondent en quelque sorte à la mesure de notre impact sur les différents systèmes biophysiques de la planète (terrestre et aquatiques). Lorsqu’une limite est franchie, on ne sait pas vraiment comment revenir en arrière et surtout, cela laisse craindre des phénomènes d’emballement et des boucles de rétroaction positives…

En 2009, des scientifiques du Stockholm Resilience Center définissent plus précisément ce que sont ces limites. Lors de cette première évaluation 3 limites sur 9 s’avéraient être déjà atteintes. Depuis, nos activités anthropogéniques et notre vorace consommation d’énergie et de ressources ont mené au franchissement de trois puis aujourd’hui quatre nouvelles limites : celle relative au changement des usages des sols, celle touchant à l’intégrité de la biodiversité, celle de la perturbation des cycles du phosphore et de l’azote, celle du changement climatique et dorénavant celle de la pollution chimique et du cycle de l’eau douce.

Potsdam Institute

Nouvelle évaluation de l’état de l’eau douce

Pourquoi cette sombre nouvelle aujourd’hui ? Car dans une récente évaluation, la prise en compte d’un nouvel indicateur, « l’eau verte » a changé la donne. Pour étudier le cycle de l’eau douce,  seule l’eau dite « bleue » était jusqu’alors prise en compte, autrement dit les lacs, les rivières et les nappes souterraines. En étudiant désormais l’eau dite « verte », c’est-à-dire l’humidité des sols (relatif aux précipitations et à l’évaporation), les scientifiques sont formels : cette sixième limite planétaire a bien été franchie.

Nos émissions continues de gaz à effet de serre entrainent de graves changements climatiques (vagues de chaleur sans précèdent, climat plus sec dans certaines régions, sécheresses) et perturbent ainsi le taux d’humidité des sols. Or cette « eau verte » joue un rôle cruciale car c’est elle qui détermine la quantité d’eau disponible pour les écosystèmes terrestres. Si celle-ci décline, cela mène à des phénomènes de stress hydrique pour la végétation. Ainsi « l’eau verte sous-tend l’existence de toute végétation, y compris l’agriculture » (Reporterre).

Champ De Blé, Sec, Sur Le Terrain, Maïs, Jeunes Plantes

Des perturbations affectant la Terre entière

Cette nouvelle n’est pas à prendre à la légère. Les travaux menés par les chercheurs montrent en effet que les perturbations du cycle de l’eau douce sont aujourd’hui telles qu’il existe un réel risque d’effondrement des écosystèmes

Le fonctionnement de la biosphère repose sur de fragiles équilibres et sur des cycles établis il y’a des centaines de milliers d’années. Des changements aussi brutaux entrainent des conséquences sur tous les écosystèmes, menaçant la vie sur Terre ! En affectant le cycle de l’eau douce et l’humidité contenue dans les sols, nos activités transforment les forêts qu’elles soient tropicales ou tempérées, transforment les terres agricoles, et même l’Amazonie qui pourrait à terme devenir une Savane ! L’assèchement abrupte des sols amène au bout du compte vers des changements importants au niveau de la composition végétale et faunistique… Une récente étude dans la revue scientifique Nature Climate Change pointe ainsi du doigt que les trois quarts de la forêt amazonienne auraient perdu en résilience depuis le début des années 2020 (article à lire sur le site Reporterre).

Natacha Racinais

Sources

Reporterre, L’humanité a dépassé une nouvelle limite planétaire : l’humidité des sols, 02/05/2022, article en ligne. Disponible sur : https://reporterre.net/L-humanite-a-depasse-une-limite-planetaire-l-humidite-des-sols

Futura Planète, Une 6e limite planétaire vient d’être franchie, il n’en reste plus que 3 !, 04/05/2022, article en ligne. Disponible sur https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/eau-6e-limite-planetaire-vient-etre-franchie-il-nen-reste-plus-3-96153/

Peng Zhang et al., Abrupt shift to hotter and drier climate over inner East Asia beyond the tipping point, disponible sur : https://www.researchgate.net/publication/346581851_Abrupt_shift_to_hotter_and_drier_climate_over_inner_East_Asia_beyond_the_tipping_point