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L’ecovoyage d’Arvik – Entretien avec l’équipage

Propos recueillis par Natacha Racinais et Alexandre Lacou, le 20/04/2021.

Dans ce nouvel article, nous avons le plaisir de vous présenter un entretien réalisé avec Clémence et Guénola, deux membres du voilier prénommé Arvik (Baleine en Inuit) ! Elles nous ont parlé de leur projet, un écovoyage d’au moins un an sur les traces des grands cétacés et…des déchets plastiques disséminés dans nos océans. 

En somme, un voyage avec pour principale mission de sensibiliser à la problématique des déchets en mer et à la protection des baleines. Voilà l’ambition de Clémence, Guénola et Charly, tous trois embarqués à bord d’Arvik. 

Aujourd’hui, plus de 7 mois après leur départ, nous les avons interrogé sur ce fabuleux projet !

Le projet

Natacha : Avant de commencer, pourriez-vous rapidement nous présenter vos parcours respectifs? Etiez vous déjà des amateurs de voile par le passé ? Comment en êtes-vous arrivés à voyager sur un voilier ?

Clémence : Je fais de la voile depuis relativement récemment, 4-5 ans. Charly quant à lui faisait de la voile depuis tout petit. Nous avons loué pas mal de bateaux de particuliers, puis nous sommes partis de plus en plus loin et de plus en plus longtemps, d’où l’idée de voyage ! L’idée d’avoir notre propre voilier est venue comme ça, puis par la suite nous avons monté le projet et Guénola nous a rejoint.

Guénola : Je les ai rencontrés lorsqu’ils venaient tout juste d’acheter le bateau. De mon côté, ma famille passe tous ses étés au bord de la mer. J’en avais donc beaucoup fait étant petite puis j’ai arrêté pendant mon adolescence et mes études. Il y a quelques années je suis partie 2 mois au Groenland grâce à une bourse d’étude. C’est là que je me suis dit que j’aimerais bien repartir avec des amis. Nous avons ensuite construit le projet tous ensemble. 

Moi et Charly nous venons du milieu du spectacle. L’idée était de quitter nos métiers pour ce projet puis l’utiliser comme tournant pour basculer vers un métier davantage tourné vers l’écologie et la protection des océans. Clémence : Pour ma part je bossais dans les assurances automobiles puis j’ai quitté mon boulot pour le projet ! Nous n’avions donc pas de connaissances particulières sur le milieu marin avant de nous lancer.

Natacha : Y’a-t-il eu un élément déclencheur pour la naissance de votre projet ? 

Clémence : Le côté écologique du projet s’est construit par une prise de conscience de la problématique des déchets plastiques notamment en naviguant sur une traversée de la Manche. Nous avons repéré un ballon de baudruche en forme de cœur qui flottait à la surface de la mer. On a bien passé une ou deux heures à tenter de le récupérer. C’était vraiment un fait marquant et c’est pour cela que nous avons décidé de monter le projet autour de la problématique des déchets plastiques.

Guénola : La pollution plastique était un sujet qui me touchait énormément. Au Groenland, il y’a plein d’endroits complètement vierges de présence humaine et pourtant jusque là on arrive à trouver des déchets. Quand tu commences à te renseigner, tu te rends compte de l’ampleur du problème. 

Le but du voyage sur Arvik est aussi de suivre le parcours de migration des baleines à bosse. Avec la COVID, nous ne le faisons pas dans l’ordre prévu initialement mais on va quand même dans les endroits clés (zones de nourrissage et de reproduction). Nous avons appris beaucoup de choses et notamment sur l’impact des activités humaines sur les cétacés. Nous avons envie de transmettre toutes ces connaissances !

A bord nous avons aussi installé un mode de vie Zéro déchet pour montrer que c’est partout possible de trouver des solutions et réduire nos déchets. 

« C’est un truc que tout le monde peut faire et c’est assez facile à mettre en place. »

Natacha : Hormis la sensibilisation, quelles sont les autres actions que vous menez avec votre projet ?

Guénola : Nous effectuons aussi des nettoyages de plages, sur des endroits peu accessibles par la terre. (…) Aux Grenadines nous avons fait par exemple un super nettoyage aux Tobago Cays, qui est une réserve naturelle composée de quatre petites îles. Finalement, ces nettoyages de plages sont toujours dans un but de sensibilisation, afin de montrer l’ampleur de tout ce que nous pouvons ramasser… Nous relayons aussi le nombre de déchets ou d’animaux marins observés en mer via l’application ObsEnMer. Ces informations sont ensuite redistribuées à des organismes étudiants diverses problématiques suivant les lieux. En Ecosse nous avons par exemple relayé toutes nos observations de cétacés à une association sur place faisant du monitoring de cétacés depuis une vingtaine d’années. 

Comme Charly était technicien son, il s’occupe également de l’hydrophone ! Nous en avons fabriqué un de toute pièce avec un bocal de poivron mariné (tuto DIY disponible sur leur site) ! Nous en avons aussi acheté un pouvant être traîné derrière le bateau afin d’enregistrer les cétacés. En Guadeloupe nous avons fait de merveilleux enregistrements de baleines à bosse. Ces enregistrements sont gardés de côté et seront transmis à quelques projets de sensibilisation et notamment des projets artistiques. Ils seront aussi envoyés aux écoles qui nous suivent ! 

Pour en savoir plus sur le parcours d’Arvik : rendez-vous sur leur page internet

Les préparatifs

Natacha : Comment se sont déroulés les préparatifs, qu’elles ont été les grandes “étapes” de ce grand projet ?

Clémence & Guénola : Le bateau a été acheté début décembre 2018. Nous avons mis un an et demi à le préparer (beaucoup de travaux) et en parallèle à monter le projet. Ça a été beaucoup de recherches sur ce que nous pouvions faire pour articuler le projet autour des problématiques environnementales et la sensibilisation. Au bout d’un an nous avons commencé un dossier de partenariat et rejoint une association en décembre 2019, ExOcéan qui porte différents projets en environnement marins et littoral. A ce moment-là nous avons commencé à communiquer, à monter un site internet, etc.

Natacha: Par rapport à cette expérience que vous avez acquise au cours de votre projet, est ce que vous auriez des conseils à donner à des gens qui souhaiteraient se lancer dans un projet similaire?

Guénola: Il faut se lancer, tout simplement ! Il y a plein de choses qu’on ne sait pas faire au départ, mais on apprend ensuite. Apprendre sur le tas n’est pas toujours la méthode la plus efficace mais on en tire une grande satisfaction. De toute façon, ce genre de projet de voyage ou plus porté sur l’écologie sont toujours très enrichissants, ça permet de voir d’autres choses, de rencontrer d’autres personnes et d’apprendre énormément. Puis, finalement, même si tu rencontres des difficultés, il y a toujours plein de gens qui sont prêts à t’apporter de l’aide donc il n’y a pas besoin d’être parfaitement prêt pour se lancer !! Il y’a toujours possibilité de s’améliorer en route.

Pour se mettre en marche, il suffit d’avoir 5% de réponses à ses questions; les 95% restants viennent le long du chemin. Ceux qui veulent 100% de réponses avant de partir restent sur place.

Mike Horn

Vie à bord 

Alexandre: Comment se passe la vie à bord, comment vivez-vous au quotidien avec ces conditions de vie qu’on imagine assez spartiates ?

Clémence: Finalement en vivant à bord on se rend compte qu’il y a plein d’objets dans notre quotidien qui nous paraissent essentiels et dont on peut se passer facilement. Par exemple, nous avons fait le choix de ne pas emporter de frigo et on s’en passe assez facilement. On apprend à s’adapter à vivre autrement. C’est une forme de minimalisme et de liberté !

Guénola: En quittant nos appartements respectifs on a dû se séparer de pas mal de choses et on se rend compte qu’il y a assez peu de choses qui nous manquent. Par contre, pour vivre sur un bateau il faut être un peu bricoleur, il y a pas mal d’entretiens à faire régulièrement, plus que dans un appart ou une maison. Il y a aussi des contraintes différentes selon que l’on est au mouillage ou à quai, pour l’accès à l’eau, à l’électricité etc. Mais ça apprend à être autonome, à gérer ses stocks (en eau douce notamment). Il faut donc réduire et rationaliser sa consommation !

Alexandre: Vous avez donc vécu le premier confinement à terre pour Clémence et à quai pour Guénola et Charlie, puis vous avez connu 3 semaines de confinement à bord de votre voilier lors de votre transatlantiques,  comment les avez-vous vécu ?

Clémence: Alors déjà c’est très différents, puisque la transat est un confinement choisi et que l’on sait combien de temps ça va durer. Puis, l’expérience de la transat est assez agréable, tu es dans une sorte de bulle avec juste l’océan qui t’entoure et puis tu vis sur un rythme totalement différent. Pendant une transat on s’organise en quarts, ce qui signifie que l’on se répartit le temps de veille sur le bateau sur l’ensemble de la journée, ce qui, mine de rien, donne du rythme aux journées.

Guénola: Chacun le vit différemment. Lors du premier confinement, que j’ai vécu dans le bateau à quai, j’avais toujours la possibilité de sortir faire des courses etc, ce qui me permettait de sortir dans le monde extérieur. Pendant la transat, nous sommes une sorte de collocation qui vit constamment ensemble sur le bateau ! Personnellement, j’avais plus de mal à trouver des occupations, parfois j’avais envie de descendre à terre, mais bon avec l’eau tout autour c’est pas tellement possible… Le rythme de quarts permet de redonner une dynamique à la vie à bord, avec des quarts de nuits magnifiques où tu te retrouves seul au milieu de l’océan avec les étoiles au-dessus de toi et puis tu sais que tu vas vers une destination nouvelle et c’est une grosse source de motivation !

Natacha: Comment faites vous pour le zéro-déchet à bord avec toutes les contraintes inhérentes au voyage à la voile ?

Guénola: Pour répondre à cette problématique, nous avions deux salles de bains dans le bateau, ce qui était trop pour nous quatre, nous en avons donc converti une des deux en garde-manger. Nous y avons placé des grands sauts alimentaires étanches et lorsque l’occasion se présente pour faire des achats en quantité en vrac, nous refaisons les stocks. On arrive assez facilement à avoir une autonomie de deux mois environ pour les produits secs voir plus. Pour les fruits et légumes, pour le moment nous pouvons en trouver à peu près partout sur les marchés, la question se posera plutôt lorsque nous rejoindrons les pays nordiques.

Clémence: Nous avons aussi anticipé le voyage et fait beaucoup de bocaux, stérilisé des plats cuisinés, des fruits et légumes etc, ce qui a permis de remplacer les boîtes de conserve. Cela permet d’avoir des plats tout prêts si les conditions pour cuisiner sont difficiles à bord ou s’ il ne reste plus de produits frais.

Guénola: Pour résumer, le zéro déchet c’est surtout beaucoup de cuisine. Parfois on passe une journée entière à préparer des bocaux. C’est donc aussi beaucoup d’organisation et  de l’anticipation. Mais, après un certain temps, ça devient vraiment un automatisme ! On prend des petites habitudes et tout roule. Enfin, ce qui reste le plus compliqué en voyage pour respecter le zéro déchet, c’est de savoir où sont les marchés, où sont les magasins qui font du vrac et pour pallier à cette difficulté nous avons lancé une petite carte collaborative où on renseigne tous les endroits qui permettent de retrouver ces marchés/magasin de vrac/zones de tri à proximité de la côte…

Pour en savoir plus :

Toutes les infos sur cet EcoVoyage sont disponibles sur le site internet du projet ! Vous y retrouverez notamment un journal de bord et des données sur les cétacés, la pollution plastique, …

Vous pouvez également suivre Clémence, Guénola et Charly sur Instagram ou Facebook !