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Photographie japonaise: un substitut à la réalité ?

La photographie telle que nous la connaissons débarque au japon au 19ème siècle alors que l’archipel s’ouvre peu à peu au monde extérieur.
Cette technique pourtant bien connue du monde occidental peine à se faire une place sur l’île. Et pourtant, les photographes japonais contribueront à son renouveau et s’approprieront le medium photographique.

Si nous reprenons le fil historique, il faut remonter à la toute fin de l’époque d’Edo ( 1868). L’achèvement de l’ère féodale va développer une ouverture sur le monde et ainsi pousser les occidentaux à venir à la découverte de ce territoire encore méconnu.
Quelques photographes européens, assoiffés de « japonisme » décident de s’installer dans l’enclave de Yokohama et commencent à former des locaux.

Les photographes japonais ne vont alors pas hésiter à s’approprier l’outil afin de donner naissance à un style qui leur est propre.

Les premiers photographes notables de l’archipel travaillent à la production d’albums reflétant la vie japonaise dont les occidentaux sont friands.
Il n’est alors question que de business.
Les ateliers se développent à l’image de celui crée par Tamamura Kôzaburô qui parvient à fournir plus d’un million de photographies pour le compte du marché américain.

© Chaima Kartobi

Ces photographies exposent des scènes de vie typique japonaises. Les premiers photographes se servaient de manière illimitée de ces scènes, certes, classiques mais d’une beauté exceptionnelle et surtout très aimées du marché occidental.
Parmi ces photographes notables de la « première vague japonaise », Ueno Hikoma démocratisa l’art du portrait ou encore Kusakabe Kimbei, assistant dans un premier temps du photographe occidental Felice Beato.

Ces représentations de scène de vie parfaite et légère ne perdureront pas et la photographie japonaise évoluera dans le même temps que sa société afin de devenir ce qu’elle est aujourd’hui.

Le XXème siècle sera marqué non seulement de bouleversements d’envergure pour l’histoire sociopolitique du japon mais aussi pour son histoire artistique et particulièrement l’art photographique.

© Chaima Kartobi

Au cours de l’ère Showa ( 1926-1979), les moeurs profondes des japonais changent, un écart se creuse entre les espaces urbains et ruraux et surtout entre les générations.
Les clichés représentants cette phase d’évolution prennent Tokyo comme point de départ. La ville se pose comme exemple de cette transformation massive en connaissant une explosion démographique sans précédents.
Les autres se déroulent généralement dans des lieux fortement touchés par la seconde guerre mondiale comme Hiroshima et Nagasaki.

La seconde guerre mondiale marquera les premiers pas de la photographie documentaire sur le sol japonais. Elle est utilisée pour témoigner, construire la mémoire collective ou encore comme un moyen d’informer sur les politiques nationales autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Toutefois, ces clichés restent dans l’ombre, victimes de la
censure américaine. Il faudra attendre le traité de San Francisco de 1952 afin que les crimes perpétrés par l’armée américaine et documentés par les photographes nippons ne soient révélés. La véracité des images ainsi que le caractère cru qu’elles présentent constitueront les fondement du style japonais.

© Chaima Kartobi

La période d’après guerre sera marquée par une reconstruction rapide, une expansion économique sans précédents mais aussi de nombreux affrontements et tensions entre les forces de l’ordre et la population.
Des photographes comme Hamaguchi Takashi mettent en lumière
ces violentes confrontations se déroulant la plupart du temps entre
police et protestataires étudiants ou ouvriers.

Des milliers de photographies visant à témoigner de la vie quotidienne des habitants de Tokyo seront prises à cette époque. C’est par cette impulsion photojournalistique que la photographie japonaise bâtit sa réputation.
Elle se caractérise alors, et encore maintenant, par un soucis de description d’une expérience.
La photographie se substitue même à l’expérience elle même. De ce fait, n’importe quel spectateur se retrouve au sein même de la tourmente au travers du cliché observé.

Ce n’est qu’en 1974 que le style si particulier de la photographie japonaise est révélé au yeux du grand public au travers de l’exposition « New Japanese Photography » initiée par le MoMa. Cette dernière réunissait plus de 200 clichés réalisés entre 1950 et 1973 par 15 photographes différents.

En France, on se souviendra notamment de l’exposition menée à la maison européenne de la photographie mettant en lumière les deux grands noms de la photographie japonaise Tomatsu et Moriyama, aujourd’hui disparus.