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Interview: Blue Little Penny

Groupe formé en 2018 à l’école SubOptique de Paris, les « Blue Little Penny » ont conquis les scènes des universités parisiennes. Le groupe est composé de Jérémy au chant, Eitan à la guitare, Nestor à la basse et Aimé à la batterie. Ils sortaient hier leur nouvelle chanson, « The Piper », et pour cette occasion, le Tote Bag a obtenu une interview exclusive du groupe pour accompagner la sortie de leur prochain clip vidéo ! Découvrez le groupe alors qu’ils reviennent sur leur formation, leurs inspirations et leurs projets futurs.

Le Tote Bag : Pouvez-vous nous présenter le groupe et le projet ?

Eitan : On s’est regroupé en une semaine parce que l’un des premiers jours, je vois qu’Aimé est batteur et je me dis « Oh, un batteur, y’en a pas beaucoup » donc je lui dis « vas-y go, on fait un groupe ensemble ». Il nous faut un bassiste, donc j’ai demandé à Nestor et ce qui était très drôle c’est quand il a fallu trouver un chanteur. On avait demandé à tout l’amphi et tout le monde disait « Ah non désolé, moi je chante pas, je sais pas chanter ». On finit par demander à Jérémy et il dit « Je sais pas… » donc on lui dit « écoute, tu viens avec nous à la répét’, tu vois si ça te plait et comme ça on décide ». A la fin de la première répét’ on se dit « Go, on fait un truc tous les quatre, ça marche bien ». Du coup, on est tous les quatre fans de rock à la base donc ça a été assez facile au début de jouer des choses dans ce répertoire là. Donc, même si le rock c’est évidemment très large, on a essayé de jouer plusieurs trucs à partir d’un an/un an et demi. On a essayé de faire quelques compos aussi.

Aimé : On s’est formés en début de première année et on a commencé à composer en début de deuxième année. On avait essayé de commencer à composer au milieu de la première année, après genre six mois d’expérience. C’était une catastrophe et une fois qu’on était plus dedans on s’y est remis. C’était quand même beaucoup plus intéressant.

Jérémy : On a surtout commencé par jouer devant la promo de SubOptique sur des scènes qu’on appelle dans le milieu des « Optibars » qui consistent en des jam forts sympathiques organisés par le BDE de l’école. Et petite histoire, je dis ça, je dis rien, depuis que le groupe joue sur scène pendant les Optibars, ces soirées-là, pour le BDE, se font à gain et non pas à perte !

LTB : Quelle est l’histoire derrière le nom du groupe ?

Nestor : Je crois qu’on cherchait un nom avec Eitan et on avait dit que les Rolling Stones avaient choisi ça parce que ça voulait rien dire. Donc j’ai dit, « on a qu’à prendre un truc qui veut encore plus rien dire ». J’avais un stylo bleu dans la main et je voulais qu’on s’appelle les « Blue Pen » et c’était vraiment terrible. Je sais plus comment on en est arrivés à Blue Little Penny mais c’est un peu mieux.

Eitan : C’est un peu moins pire disons. En fait c’est ça qui est génial c’est que c’est une non-histoire.

Jérémy : Et je tiens à dire pour éviter de tomber dans la mondialisation de masse que nous avons choisi de garder l’ordre des mots qui est « Blue Little Penny » et non pas comme le voudrais la convention anglo-saxonne, « Little Blue Penny », ce qui fait notre spécificité franco-française !

Nestor : Je crois qu’une fois on avait évoqué, puisque nos textes peuvent refléter des fois des propos engagés, notamment de la gauche, de se nommer « Red Little Penny ». Mais on a tenu à conserver notre électorat de droite.

LTB : Pourquoi les peignoirs bleus ?

Nestor : C’est classe les peignoirs.

Eitan : Je sais plus qui avait émis l’idée, mais on s’est dit « Il nous faut une identité visuelle » et un truc qui soit vraiment second degré, un peu rigolo et pas juste « Regardez là, on se la pète ». Si on a une identité visuelle, les gens se souviendront plus facilement de nous. Du coup on avait eu des idées, genre une cape, mais on s’est dit qu’il y a rien qui fait pire en terme de melon donc on va peut-être laisser tomber. Du coup, on a eu l’idée des peignoirs et on s’est dit : c’est parfait. Personne ne s’attend à voir débarquer un groupe de rock en peignoir. C’est décalé, c’est marrant et pour le coup ça montre aussi qu’on se prend pas la tête. On est juste là pour se marrer en fait.

Jérémy : Ça apporte une proximité avec le public, je trouve. On est tellement détendus qu’on a envie d’être là pour mettre de l’ambiance et pour partager notre musique. L’important quand on a un public c’est d’apporter de la bonne humeur. On est pas là pour endormir les gens.

Nestor : L’avantage du peignoir aussi, c’est qu’il y a une adaptabilité à l’ambiance. Si c’est une ambiance pas trop déconne, on peut mettre un peignoir en étant habillé en dessous. Pour certaines ambiances un peu olé-olé, on se met pieds nus, sans pantalons. T’as à la fois un truc décontract’ qui peut aller avec des trucs sérieux et un truc suffisamment décontract’ pour aller dans des trucs totalement déconne.

LTB : Quelles sont les inspirations musicales derrière votre groupe ?

Aimé : En fait, quand tu commences dans une salle de musique assez basique comme on avait dans notre école, et que t’as une guitare, une basse, une batterie et un micro, faut dire que tu fais souvent du rock pour commencer parce que c’est quand même le truc le plus abordable et accessible. Maintenant, on écoute des trucs assez différents. Quand on a commencé à composer, on était très très rock. Là typiquement les deux sons qu’on a sur YouTube, on a certaines influences, les gens nous disent, « Beatles » parce que c’est vrai que ça sonne très rock classique. Plus on avance, plus on diversifie un peu. On va chercher des sonorités différentes, on essaye d’aller plus loin que la guitare/ basse/batterie. J’écoute pas mal de rock mais en ce moment j’écoutes beaucoup de jazz. J’écoute aussi beaucoup de rap donc si tu veux c’est bien loin de ce que nous on fait. Mais tout le monde écoute un peu des trucs différents. Eitan écoute beaucoup de Radiohead.

Eitan : Radiohead, je trouve, font beaucoup de trucs qui sont intéressants parce que c’est un son que personne n’a fait et je trouve ça hyper inspirant. Le truc c’est que clairement commencer par jouer du Radiohead c’est pas évident donc on a évidemment pas essayé. On essaye de varier les trucs. Ça nous arrive dans les dernières compos de mettre des choses qui ressemblent presque à de l’électro.

Aimé : Typiquement dans la prochaine, on est allé mettre une flûte, une harpe, des gros synthés qui claquent et tout. Ça n’a plus grand-chose à voir avec le rock.

Eitan : C’est plus du rock progressif.

Aimé : Mais c’est vrai que du coup on s’éloigne un peu de nos premiers morceaux.

Nestor : Avec Aimé, on surkiffe Snarky Puppy qui est un groupe de New Jazz qui a des grosses influences de métal et d’électro parfois et donc voilà c’est mon groupe préféré ever. Là où Pink Floyd a inventé pleins de choses au niveau de la forme, je trouve que ce groupe a inventé pleins de choses au niveau de l’agencement des techniques. Par là j’entends comment prendre des musiciens qui ont un level technique énorme et certaines capacités et comment tu les agence ensemble de manière à leur donner une cohérence.

LTB : Comment écrivez-vous vos chansons ?

Eitan : C’est ultra varié. On fait pleins de trucs différents. Parfois on va partir d’un riff de guitare, parfois on va partir d’accords, parfois on a une vague idée de ce qu’on veut faire et on voit ce que ça donne mais on a pas de processus précis. Un seul truc : les paroles c’est toujours en dernier.

Aimé : Il y a quand même une sorte de structure. On part toujours d’une base mélodique. C’est vraiment le point de base. On part jamais d’une base rhythmique, on part jamais d’une inspiration de paroles. On part toujours de la mélodie. Très récemment on a commencé à jouer avec du synthé mais avant c’était la guitare et ça va continuer à l’être.

Jérémy : Ce qui était bien avant le confinement c’est que tous les lundis, on allait dans le local de musique de notre école et on s’y tenait. On se prenait une heure et on essayait de composer un maximum, de trouver des idées. C’est vachement stimulant quand on est tous ensemble parce qu’on rebondit sur ce que dit l’un. C’est la composition de groupe. Cette année, c’était plus compliqué parce qu’on était tous éclatés. On lançait un peu des idées à distance et après on envoyait aux autres. On se faisait des petits échanges épistolaires comme ça. C’était un peu plus dur de composer mais on va quand même sortir des sons là donc c’est quand même assez bien.

Eitan : Quelqu’un va ramener quelque chose et ensuite les trois autres vont dire « Ah ouais c’est pas mal, on peut faire ça ou ça » et en gros ce que va présenter une personne ça va être vachement modifié derrière mais on part toujours d’un truc que ramène quelqu’un.

Jérémy : C’est ça qui est bien. J’ai l’impression que quand on compose une musique tout seul, on a forcément moins de richesse harmonique et mélodique que si on est à quatre.

Eitan : Pour donner un exemple, quand il faut trouver un air mélodique pour chanter, je suis incapable de faire ça et ceux qui le font c’est Aimé et Jérémy. S’ils étaient pas là, moi je ne pourrais pas le faire. Et inversement. Il y a des trucs qu’eux vont pas savoir faire mais que Nestor et moi on va pouvoir apporter. Parfois sur certains morceaux, Aimé va proposer des trucs sur la guitare ou sur la basse, nous on va proposer des trucs sur la batterie et c’est ça qui est cool aussi c’est que plus le temps avance, plus on est capable de donner notre avis sur les autres instruments même qu’on joue pas parce qu’on commence à avoir l’habitude de jouer les uns avec les autres.

LTB : Quels genres de difficultés avez-vous rencontré lors de l’enregistrement/l’écriture ?

Nestor : Il peut y avoir des points de blocage sur les attentes différentes qu’on a d’une chanson. Je me rappelle qu’on avait un projet d’une chanson façon Pink Floyd et vu qu’on avait pas forcément la même culture musicale ou qu’on avait pas les mêmes influences, on avait pas les mêmes attentes vis-à-vis de ce morceau. Donc en fait on avait pleins de visions qui pouvaient peut-être coexister mais en tout cas nous, on n’a pas trouvé la manière de les faire coexister.  Sur des morceaux comme ça où y’a une espèce de vision individuelle qui peut s’installer, c’est dur de trouver un point d’accroche commun. Donc ce morceau-là, on ne l’a pas fait mais on en a fait un dans le même style. Cette expérience de blocage nous a débloqué pour faire un autre morceau un peu dans le même genre.

Aimé : Je pense que le fait qu’il y ait eu ce blocage au début, ça vient du fait qu’on écoute des trucs assez différents et du coup on a des envies différentes. Nestor par exemple adore venir mettre des « blue notes » [note jouée ou chantée avec un léger abaissement, d’un demi-ton au maximum, et qui donne sa couleur musicale au blues, note reprise plus tard par le jazz]. C’est des notes qui sonnent hyper fausses à première entente et ça vient effectivement quand on écoute du jazz.

Nestor : À ce propos, moi pour ce genre d’initiative un peu dissonantes, j’ai une grosse référence c’est « Magma ». C’est hyper spécial, pas à mettre dans toutes les oreilles, ça peut faire mal. Ils sont catégorisés comme jazz fusion mais c’est un peu un mélange de métal, de free jazz. Le leader du groupe a inventé une langue pour ce groupe-là enfin il y a toute une mythologie autour. Ça utilise beaucoup les concepts de dissonance harmonique.  C’est là que je vais chercher les bizarreries que je trouve croustillantes.

Aimé : Au début, on avait beaucoup de mal avec ces bizarreries et puis depuis récemment je me mets à écouter de plus en plus de jazz et dès qu’il y a des bizarreries, ça sonne de mieux en mieux. Tout ça pour dire que les influences jouent énormément dans la façon dont on compose ensuite. Y’a un mec que je connaissais qui était dans le business de la musique qui disait « De toute façon, tous les groupes un peu amateurs, ils refont ce qu’ils écoutent en moins bien ». C’est quelque chose d’horrible mais qui est très vrai en fait. On a tendance avec quelque chose qu’on adore, à vouloir l’imiter, s’en inspirer. Des fois, ça donne des trucs incroyables et des fois ça donne des trucs qui fit pas du tout.

Eitan : Malgré le fait qu’on ait différentes inspirations, on arrive quand même à converger et c’est ça qui rend le truc intéressant.

Blue Little Penny

LTB : Quelles sont les inspirations derrières les deux chansons déjà sorties ?

Jérémy : Pour la première chanson qui s’appelle « Promised Land », on a essayé de faire un chant assez engagé politiquement pour plaider la cause des migrants qui voyagent de manière assez apocalyptique pour ne dire que ça. On a essayé de faire passer ça sous forme de mini métaphore générale. C’est-à-dire qu’en fait, pendant tout le morceau, on fait comme si c’était un capitaine de navire dont les cales regorgeaient d’or et qu’il allait faire du gros profit avec ça. Jamais dans toute la chanson on prononce le mot migrant. C’est seulement quand on s’aperçoit du double sens de la chanson que tout fait sens. On prend aussi le parti d’une petite fille qui est sur la plage et qui observe tous ces bateaux et on emploie un vocabulaire assez enfantin, naturel pour en fait aborder un sujet qui est extrêmement grave. 

Eitan : « Wealthy Life » c’est l’histoire d’un gars qui est pas forcément très riche et qui n’aime pas beaucoup les riches. Son cousin hérite d’une grosse somme et il se met à lui en faire profiter. Du coup il se rend compte que c’était marrant de critiquer les riches mais bon, j’aime l’être un peu, en profiter. On fait aucun jugement de valeur. On est pas là pour dire les riches c’est pas bien ou ceux qui critiquent les riches c’est pas bien. On est juste là pour dire : « On va être honnête même si nous on peut être les premiers à critiquer les riches ou à critiquer les gens qui ont trop d’argent, en vrai, on aimerait bien en voir autant qu’eux ». Même si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue au moins un peu jusqu’à un certain point. En fait, quand on critique les riches est-ce qu’il n’y a pas un peu de jalousie ? On est pas là du tout pour apporter une réponse ou quoi, nous-même on se questionne, on n’a pas la réponse. Il y a juste ce truc là un peu ironique qui nous faisait rire. Pour le coup, ça vole un peu moins haut que la première chanson.

Jérémy : Mais un étudiant de notre école qui a fait un article sur cette chanson a, je trouve à juste titre, fait la comparaison entre le personnage de notre histoire et les étudiants qui sont en école d’ingénieur. Vous n’êtes pas sans savoir que les salaires d’ingénieurs sont assez indécents et que souvent on tient le discours de la sobriété, de la modestie et de l’humilité. En fait c’est assez hypocrite. C’est une interprétation possible, je vous laisse décider !

Eitan : La prochaine chanson qui sort, petite exclu, l’histoire est un peu plus terre à terre. C’est celle d’un gars qui est content parce qu’il joue de la flûte et ça apporte du réconfort aux malades. Ce qui était marrant, c’était de se dire que cette idée, elle est assez intemporelle parce que ça peut faire allusion au Covid mais aussi aux pestes qu’il y avait eu ou juste aux malades en général en fait. L’idée là c’était juste « Viens, on raconte une histoire » parce qu’on s’est dit que le rock progressif c’est un peu plus lyrique. Et c’est pas forcément pour les soigner. Pour moi, la musique c’est pas quelque chose qui va pas soigner de quoi que ce soit mais qu’est-ce que ça fait du bien d’en entendre quoi !

LTB : Quels sont vos projets futurs ?

Jérémy : On s’est inscrit à la SACEM, on aimerait faire plus de compos, plus de sorties. Essayer de se faire connaître sur les réseaux, sur les plateformes. Essayer de faire connaître le groupe quoi et composer un maximum parce qu’on compose surtout par plaisir !

Eitan : Avec le Covid tout est mort. Nous ce qui nous fait kiffer c’est de jouer sur scène, c’est un bonheur incroyable en fait. Vu qu’on peut pas le faire en ce moment pour des raisons évidentes, on se dit autant en profiter pour composer beaucoup de choses, essayer d’enregistrer beaucoup de choses pour les mettre en ligne parce que c’est un des seuls trucs qu’on peut faire. On en a un peu marre de jouer des reprises sur scène. Plus vite arrivera le moment où on peut jouer que nos compos et tenir 30-40 minutes, mieux ça sera. L’idée c’est que quand on recommencera à faire des scènes, on sera rodés et que si y’a une opportunité, on peut se la saisir directement.

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Entretien par jr1311.