Les Derniers Jours de nos pères : Une autre facette de la Seconde Guerre mondiale
Des dizaines de romans existent pour narrer une facette ou la totalité du conflit le plus meurtrier que l’Humanité a (pour l’instant) connu. Du fameux Si c’est un homme de Primo Levi aux Mains du miracle de Joseph Kessel, en passant par le Journal d’Anne Frank que l’on ne présente plus, il existe une pléthore de romans, poésies, pièces de théâtre et autres pour retracer de l’extérieur ou de l’intérieur le terrible conflit que Louis Aragon annonçait par le fameux poème Couleurs de l’incendie.
Il s’agit de s’intéresser au roman Les Derniers Jours de nos pères, de l’écrivain suisse Joël Dicker, qui nous replonge dans la guerre secrète se déroulant en France sous l’Occupation. Il relate l’histoire de la fameuse « Special Operation Executive », une organisation longtemps demeurée méconnue, mais que Joël Dicker s’emploie à faire renaître.
L’histoire de la Section F
Les Derniers jours de nos pères nous plonge dans l’enrôlement puis l’entraînement intensif de jeunes Français qui ont rallié Londres lors du fameux appel du 18 juin prononcé par le Général de Gaulle. Le personnage principal se nomme Paul-Emile. Celui-ci quitte Paris et son père, gagné par une immense volonté de continuer la lutte contre l’occupant Allemand. Il y sera rejoint par de nombreux autres personnages qui ne se connaissent pas. Certain seront nommés par leurs prénoms, d’autres se verront attribuer des « noms de guerre » comme Alain dit « Gros » du fait sa forte corpulence, personnage particulièrement iconique et attachant, nous y reviendrons. Nous entrons ici dans ce que Joël Dicker nomme « la plus grande improvisation de la guerre », le fameux SOE qui se charge d’accueillir les jeunes combattant et de les former. En effet, si les Résistants s’activent dès l’Appel du 18 juin, ceux-ci sont désorganisés et éparses. Et comme Jean Moulin ne sera parachuté en France qu’en 1943 pour aider à la coordination, ce sont les britanniques qui s’affairent pour mettre en place les premiers plans militaires en France. Ainsi nait la section F du SOE.
Outre Paul-Emile et Gros, nous suivons également Faron, Stanislas, Doff, Rear, Laura ou encore Aimé au sein de leur entraînement, leur incorporation et aussi leurs premières missions. Leur quotidien difficile et l’ambiance de la guerre omniprésente crée dans le roman une ambiance un peu résignée mais toujours ponctuée d’un espoir qui reste ferme. Nous suivons particulièrement l’histoire de Paul-Emile et de son père (dont le nom ne nous est jamais donné), ou plutôt leur attente réciproque de se revoir l’un et l’autre. Paul-Emile est un personnage fier, droit dans ses bottes et vertueux. Son départ de Paris a été difficile car son père, un homme doux, est profondément attaché à lui. C’est cet attachement qui va pousser Paul-Emile à commettre des erreurs potentiellement fatales tant pour lui que pour le SOE, alors que la guerre semble interminable. Ainsi, les membres de la section F seront incorporés suivant leurs points forts à des missions d’espionnage, d’attentat, de propagande noire, sabotage etc. Et oui, en France pendant l’Occupation, il y avait aussi des agents britanniques. Dicker nous précise d’ailleurs les dissensions politiques entre Londres, de Gaulle ou encore les Résistants eux-mêmes qui n’étaient pas forcément tous ravis de travailler avec les Alliés, particulièrement les communistes.
Pour la petite histoire, le très fier Général de Gaulle a été tenu à l’écart du commandement des Alliés, afin d’éviter les difficultés de mise en œuvre, notamment pour le Débarquement (opération Overlord). En tant que chef de la France libre, il enverra Jean Moulin structurer les réseaux de résistance et calmer les dissensions. C’est comme ça qu’il parviendra à convaincre les Alliés, une fois le Débarquement effectué, de prendre Paris en priorité pour symbole, la ville n’ayant pas une valeur stratégique très importante.
Simple histoire, personnages complexes
Même si Joël Dicker nous révèle le monde demeuré jusque-là particulièrement nébuleux du SOE, son roman est avant tout axé sur le développement de personnages particulièrement attachants et dont la bravoure nous fait pousser un profond soupir une fois le livre refermé. Dès le début du roman, le poids que représente le départ de Paris pour Paul-Emile s’abat sur nous. Le moment est rendu d’autant plus solennel par les quelques mots du père, qui, en donnant à son fils des livres pour le voyage, lui rappelle que « c’est important, si les Hommes étaient instruits, il n’y aurait pas la guerre ». Le personnage du père a été construit par Dicker de la manière la plus simple possible, sans des traits de personnalité particulièrement marqués, simplement animé par la peur de ne jamais revoir son fils. Par ce biais, il est possible d’identifier le père à une femme, un fils, un ami, qui attendent le retour de la guerre du fils prodige.
Les autres personnages ne sont pas en reste. Ils sont tous animés par leur idées, leurs valeurs et leur courage. Ceci dit, on ne ressent pas d’insouciance due à la guerre, probablement car celle-ci n’a rien à voir avec toutes les autres tant l’évènement nazi et fasciste est connu depuis des années. C’est pour cela qu’on les entend souvent dire qu’ils se battent « pour que les Hommes restent des Hommes ». Certains sont très idiots, comme Faron, qui cache sa sensibilité par un masque viril et méchant. D’autres sont très lucides quant à leur sort, malgré le fait qu’ils ne paient pas de mine. C’est le cas de Gros. Ce dernier est pour moi le deuxième personnage de l’histoire tant son cheminement psychologique tout au long du livre est agréable à suivre.
C’est d’ailleurs Gros qui prononce une des phrases les plus importantes du livre au moment de l’épilogue : « le courage n’est pas l’absence de peur, c’est le fait d’avancer avec cette peur ». Les Derniers Jours de nos pères est le premier roman de Joël Dicker, un écrivain amoureux des « petites histoires » mais attaché au principe scénaristique : « simple story complex characters« . Effectivement, la guerre, c’est en soi très simple comme concept.