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Le classique de la semaine : Persepolis, de Marjane Satrapi

Dans ce premier tome de Persepolis, Marjane Satrapi met en image son enfance dans la région de Téhéran, en Iran, à l’aube de la révolution islamiste. Entourée de ses parents et de leurs amis, elle évolue dans un contexte plutôt progressiste, qui contraste avec la réalité de la politique du Chah, contre lequel manifestent ses parents. C’est au milieu d’une foule de convictions politiques que cette courageuse petite fille va affûter son esprit critique et développer son opinion propre.

Au fil des pages, ses tribulations d’écolière se mêlent aux événements de l’histoire qui se noue dans son pays et c’est toujours sur cette toile de fond politique qu’est dépeint son quotidien : l’employée de maison évoque la situation difficile des gens modestes de sa ville, la vie de son oncle Anouche fait signe vers la crise irano-soviétique de 1946, tandis que le retour des amis de la famille fait allusion à la libération des prisonniers politiques du Chah. La guerre et la mort sont présentées sans détour au travers de dialogues ou de vignettes percutantes, sans jamais perdre de vue cet appétit de joie et de vie qui anime les personnages. L’alternance d’épisodes plus ou moins légers est bienvenue à la lecture, parce qu’elle permet l’explicitation d’une situation dramatique sans jamais tomber dans le pathos. D’autant que la petite Marjane n’est pas dénuée d’humour : ses répliques mordantes et les connexions logiques qu’elle effectue ne manquent pas de nous faire rire. C’est cette unité de ton qui fait tout le charme des aventures de la jeune héroïne.

En outre, c’est avec beaucoup de sensibilité que la bande dessinée évoque la spiritualité de la petite fille, et ses dialogues avec Dieu sont particulièrement touchants. Témoignage poignant sans donner vraiment dans le journal intime, la BD nous partage un point de vue plus personnel de l’histoire du Moyen Orient, une histoire de l’intérieur en quelque sorte, de laquelle on ressort forcément ému.

Et même si c’est le texte prime dans cet album en noir et blanc, le graphisme expressif de Satrapi nous plonge avec brio dans l’ambiance particulière des années qui précèdent la révolution. Les ambiances se distillent sur chaque planche en dépit des couleurs : tantôt minimaliste pour signifier un malaise ou plus édulcoré lorsqu’il retranscrit le rêve, le trait épais du dessin s’adapte parfaitement à sa légende. 

Très engagé dans son approche de l’Iran, mais aussi de la société occidentale, Persepolis reste toutefois parfaitement adapté à l’usage des enfants grâce à son approche pédagogique. Bien qu’une lecture guidée soit sûrement plus éclairante, le langage courant, le petit format, le découpage ludique des planches et surtout les différentes échelles de lecture le rendent parfaitement accessible aux petits lecteurs. La pédagogie de Satrapi s’illustre aussi dans sa peinture de l’histoire et des thèses politiques à mesure qu’elles sont racontées à Marjane par les membres de sa famille. 

Une épopée moderne, libérée et touchante, voilà ce qui se joue entre les pages de Persepolis, cette bande dessinée dont le succès est aujourd’hui salué aux Etats-Unis comme en Europe. C’est d’ailleurs un succès semblable qu’a remporté son adaptation en long métrage d’animation, obtenant en 2007 le prix du jury du Festival de Cannes. Excellente consolation pour avoir fini si vite cet ouvrage inédit ! 

Légende instagram : Découvrez le nouvel article du Tote Bag sur l’épopée iranienne de Marjane Satrapi : Persépolis ! L’occasion pour vous de découvrir une auteure talentueuse et un témoignage historique sur la révolution d’Iran.

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