10 romans graphiques à lire absolument
Retrouvez une sélection de romans graphiques que Le Tote Bag vous conseille chaudement : les librairies n’attendent que vous !
Fun Home, Alison Bechdel
Alison Bechdel est une autrice de bande dessinée américaine, connue pour son feuilleton dessiné Les Gouines à Suivre dans lequel apparaît le test de Bechdel. Outil à présent largement populaire dans la critique féministe, le test de Bechdel permet de se pencher sur l’invisibilisation des relations lesbiennes et des personnages féminins en se demandant si, dans une œuvre de fiction donnée, trois critères sont remplis : deux personnages féminins doivent apparaître, ces deux personnages doivent avoir au moins une conversation, et cette conversation doit être à propos d’autre chose que d’un homme.
Fun Home est un mémoire dessiné, le premier d’une série pour Alison Bechdel. Le roman graphique est centré sur la relation de Bechdel avec son père, directeur de salon funéraire, un homme froid et colérique, obsédé par le maintien des apparences. La découverte d’Alison Bechdel de son lesbianisme correspond avec sa découverte de l’homosexualité refoulée de son père. Bechdel écrit : « Nous n’étions pas seulement des invertis, mais également des inversions l’un de l’autre. » Leur relation est ainsi une négociation perpétuelle, à travers des non-dits, des recommendations littéraires, et quelques éclairs de sincérité. Tandis que Bechdel fait le choix de vivre ouvertement son homosexualité, son père meurt précocement, d’une mort qu’Alison interprète comme un suicide, alors que son mariage de façade prend fin.
La narration qu’Alison Bechdel déroule n’est pas linéaire, et revient obsessionnellement sur les événements de son enfance et adolescence au contact de ce père si complexe. De nombreuses références littéraires sont convoquées, permettant un éclairage toujours nouveau des éléments récurrents du récit, rappelant la relation épistolaire et référentielle que Bechdel et son père arrivent à mettre en place dans les derniers moments de leur vie commune. Les personnages sont aux prises avec des pulsions de vie et des pulsions de mort, avec la honte de la répression ou de l’expression érotique, incapables de se communiquer leur profonde similarité. Fun Home est un roman graphique riche et puissant dont la rigidité du processus créatif et la sévérité des thèmes n’enlèvent rien à l’émotion offerte au lecteur à la découverte de personnages aussi captivants.
Le Sculpteur, Scott McCloud
Scott McCloud est un auteur de bande dessinée américain, plus connu pour ses essais théoriques dessinés sur le médium BD, notamment pour son ouvrage critique L’Art Invisible. Il est également le créateur des « 24 heures de la bande dessinée », un défi devenu collectif et populaire, consistant à réaliser une histoire complète de 24 planches en 24 heures. Le Sculpteur est une de ses rares incursions dans le domaine de la fiction, un long et riche roman graphique au scénario aussi étonnant que bouleversant.
David Smith, le protagoniste, est un sculpteur abattu et fauché. Abandonné par son mécène après ses premiers pas prometteurs dans le monde de l’art contemporain, il vit dans l’ombre d’un homonyme, un autre David Smith, sculpteur plus accompli. Sans famille et sans le sou, il fait un marché avec la Mort, apparaissant à lui sous les traits de son oncle Harry, décédé depuis longtemps. À partir de cet instant, il accepte de n’avoir plus que 200 jours à vivre contre le pouvoir de sculpter et de modeler de ses propres mains n’importe quel matériau. Ces 200 jours lui suffiront-ils pour réaliser l’œuvre de sa vie et s’assurer la postérité dont il rêve ? Quand il fait la rencontre de Meg, une jeune artiste à qui il s’attache, rien ne paraît moins sûr.
Scott McCloud réinvente ici le mythe de Faust, et livre une nouvelle réflexion sur l’art et la création, semblant enfin appliquer et déployer au service d’une histoire les mêmes mécanismes qu’il identifie et explique dans ses essais critiques sur la bande dessinée. Son propre souci de livrer une œuvre de fiction à la postérité et de s’affirmer comme plus qu’un essayiste du médium est traduit dans les préoccupations du protagoniste. Car même quand il passe par l’avatar du sculpteur, c’est finalement toujours de bande dessinée dont il est question.
Quartier lointain, Jirō Taniguchi
Jirō Taniguchi était un auteur de bande dessinée japonais, mort en 2017. Particulièrement apprécié en France, il a fait l’objet d’une exposition à la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image à Angoulême, et a été nommé Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres. Il est également particulièrement connu pour des séries de bande dessinées comme Le Sommet des Dieux ou Terre de rêves.
Dans Quartier Lointain, Hiroshi Nakahara, un homme d’âge mûr en voyage d’affaire prend accidentellement le train qui le ramène à son village d’enfance. Sur place, il décide de se recueillir sur la tombe de sa mère. Alors qu’il s’assoupit, il se réveille dans le corps du collégien qu’il a été, mais sa conscience et ses souvenirs d’homme quinquagénaire restent intacts. Il se rend compte qu’il est de retour dans le passé, 3 mois seulement avant la disparition inexpliquée de son père. Armé de son expérience, il fait ainsi le voeu de retenir son père et de découvrir les raisons de sa disparition. Tandis que de nouveaux événements et de nouvelles conversation avec sa famille et ses amis sont rendus possibles par sa transformation, lui révélant des informations jusque là insoupçonnées, il commence à craindre d’altérer irrémédiablement le futur.
Quartier lointain est un bijou intimiste et contemplatif, dont la force du scénario est l’attrait universel des questions qu’il soulève : quelles conversations aurions-nous eues avec ceux que l’on a perdus, si nous avions eu l’expérience nécessaire pour le faire de leur vivant ? Qu’aurions-nous pu faire différemment, si la chance nous était donnée de rectifier le passé ? Toujours juste et jamais pathétique, Taniguchi nous emmène dans ce rêve éveillé où les souvenirs sont revisités et approfondis, où les fantômes se présentent à nous en chair et en os, et où l’on peut, si ce n’est changer, tout du moins comprendre, les moments décisifs qui font une vie.
Persepolis – Marjane Satrapi
Marjane Satrapi est une autrice de bande dessinée et réalisatrice franco-iranienne. Sa série autobiographique en 4 volumes, Persepolis, a fait le succès de la maison d’édition indépendante L’Association, marquant ainsi l’avènement de l’auteur : celui d’une maison d’édition tenue par des auteurs, mais également la place thématique de l’auteur dans le genre du mémoire et de l’autobiographie en bande dessinée.
Persepolis commence dans l’enfance de Marjane Satrapi, au début de la révolution islamique iranienne, qui amène l’obligation du port du foulard. Satrapi tisse l’histoire de sa propre famille : une grand-mère drôle et irrévérencieuse, des parents progressistes et politisés, son enfance assez pieuse et son idée fixe de devenir la première femme prophète. En toile de fond, l’histoire de l’Iran se déploie, et son impact direct sur son histoire familiale se révèle. L’éclatement de la guerre entre l’Iran et l’Irak et le poids des bombardements répétés sur Téhéran marquent le deuxième tome, ainsi que la résistance discrète et quotidienne au joug du gouvernement islamique. Durant le tome 3, face à l’horreur du climat politique, Marjane est envoyée par ses parents dans un lycée français en Autriche. Elle y fait l’expérience d’une forme de libération politique et sexuelle, mais également d’un choc culturel face au cynisme, à l’apathie, et au racisme occidental. Dans le quatrième et dernier tome, elle retourne dans un Téhéran sinistré, et doit réapprendre à vivre parmi les victimes d’une guerre qu’elle a fui. Elle essaie, à l’université d’art, d’aménager des espaces de résistance et de liberté. La série se conclut quand elle quitte à nouveau l’Iran, cette fois pour la France, définitivement.
Marjane Satrapi offre au lecteur une exceptionnelle galerie de personnages, plus attachants ou terribles les uns que les autres, un regard aussi sensible que critique sur des événements géopolitiques majeurs dont la réalité vécue nous est livrée à travers des tableaux intimes et violents, des histoires racontées en famille, des débats politiques animés. Impossible de ne pas recommander l’adaptation cinématographique en film d’animation de cette série, réalisé par Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi elle-même.
Cet été-là, Jillian Tamaki et Mariko Tamaki
Jillian Tamaki est illustratrice et autrice de bande dessinée, et Mariko Tamaki est scénariste de bande dessinée. Elles sont toutes les deux canadiennes d’origine japonaises, et sont cousines. Cet été là est leur deuxième collaboration, après le roman graphique Skim, et elles travaillent toutes les deux actuellement à une troisième bande dessinée.
Dans Cet été là, Rose retourne, comme chaque été, au lac Awago avec sa famille. Elle y retrouve son amie d’enfance, Windy, légèrement plus jeune qu’elle. Tandis que Rose commence à entrer dans l’adolescence, Windy est encore très enfantine et apprécie les jeux et les bonbons. Ensemble, elles passent un été long et parfois morose, allant se baigner, faisant des barbecues en famille, et louant en secret des films d’horreurs à l’épicerie du coin, tenue par un adolescent qui intéresse beaucoup Rose. Elle suit de loin les péripéties d’un groupe d’ados plus âgés, leurs histoires d’alcool, de relations sexuelles, et apprend à leur contact la honte et la misogynie omniprésentes dans leurs relations amoureuses naissantes. L’écart d’âge entre Rose et Windy crée de la distance et du ressentiment, alors que des conflits entre les parents de Rose commencent à lui révéler des secrets familiaux inattendus.
Jillian et Mariko Tamoki offrent au lecteur un roman graphique qui prend son temps pour asseoir son atmosphère comme ses personnages : les sensations visuelles et charnelles de la baignade, du soda sur la plage, des feux de camp lointains autour desquels se retrouvent des adolescents mystérieux, plus expérimentés et plus cruels que les deux protagonistes. Cet été là, c’est celui de la fin de l’enfance, et de l’observation aussi avide que difficile des règles qui régissent les relations amoureuses, les relations parentales, et l’entre-deux des âges.
Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, Emil Ferris
Emil Ferris est une autrice de bande dessinée, illustratrice, et designer américaine, dont Moi ce que j’aime, c’est les monstres est le premier roman graphique, publié à l’âge de 55 ans. Le livre de 400 pages lui vaut les louanges d’auteurs notoires de la bande dessinée comme Arte Spiegelman, Chris Ware, et Alison Bechdel, la catapultant immédiatement parmi les plus grands noms du roman graphique. La création de Moi ce que j’aime se passe dans des circonstances très particulières, puisqu’après avoir contracté le virus du Nil occidental en 2002, Emil Ferris se retrouve paralysée, et doit lentement réapprendre à dessiner.
Karen Eyes, la protagoniste, est une enfant de 10 ans, passionnée par la bande dessinée d’horreur. Elle habite à Chicago, à la fin des années 1960, avec sa mère malade et son frère bourreau des cœurs. Alors que sa voisine Anka Silverberg trouve la mort dans des circonstances bizarres, Karen commence à mener l’enquête dans son quartier étrange et dangereux. Son amour pour l’horreur éclaire et opacifie à la fois ses rencontres et son quotidien. Faisant la découverte de son désir pour les femmes, et persuadée d’être un monstre, elle se met à errer la nuit dans l’espoir d’être mordue par un loup-garou, pour pouvoir à son tour mordre sa mère agonisante et son frère, et leur offrir la vie éternelle. Alors que la santé de sa mère se dégrade, son enquête commence à lui révéler des secrets familiaux et de voisinage qu’elle aurait préféré ignorer.
Le roman graphique, dessiné et rédigé au stylo bic sur des feuilles de cahier à spirale, se présente comme le journal de bord de la protagoniste. L’autrice y reproduit et y détourne des couvertures d’EC comics, des comics books d’horreur très peu chers, imprimés sur du papier de mauvaise qualité, qui obsèdent son personnage principal. Emil Ferris offre un roman graphique formellement original, presque sans case ou gaufrier, où chaque page regorge d’illustrations et de textes foisonnants, proposant un rapport texte-image unique dans des compositions en pleine page ou en double page aussi atypiques qu’harmonieuses. Moi ce que j’aime, c’est les monstres est un hommage passionné à la bande dessinée d’horreur, mais également un renouvellement exceptionnel du genre.
Watchmen, Alan Moore, Dave Gibbons, John Higgins
Watchmen est un roman graphique réalisé par le scénariste anglais Alan Moore, le dessinateur anglais Dave Gibbons, et le coloriste anglais John Higgins. Alan Moore est également connu pour son travail de scénariste sur les romans graphiques V pour Vendetta et From Hell, qui ont, tout comme Watchmen, connu des adaptations cinématographiques à succès.
Watchmen est une uchronie, ou une histoire prenant place dans un univers parallèle où, grâce à la présence de super-héros, les États-Unis auraient gagné la guerre du Vietnam, et Nixon aurait servi un troisième mandat. Parmi ces super-héros, le Docteur Manhattan, sorte de demi-Dieu produit par un accident nucléaire, donne un avantage considérable aux États-Unis sur l’URSS. Les tensions entre les deux blocs continuent de grandir, sans espoir de désescalade. Alors que la violence et les dommages collatéraux perpétrés par les super-héros provoquent leur impopularité auprès du grand public, une loi passe pour interdire leur activité. Le roman graphique s’ouvre sur des détectives New Yorkais enquêtant sur l’assassinat d’Edward Blake, connu sous son alias « Le Comédien », un des super-héros les plus puissants ayant servi les États-Unis durant la guerre du Vietnam. Alors que l’enquête ne semble mener nulle part, Rorschach, un des anciens watchmen, toujours en activité et au sens moral particulièrement ambigu, essaie d’alerter les super-héros retraités que quelqu’un essaie de se débarrasser d’eux.
Watchmen est l’un des romans graphiques les plus acclamés, qui pousse le médium bande dessinée aux confins de ses possibilités. C’est peut-être l’origine anglaise de l’équipe créative de Watchmen qui leur permet ce regard sans-concession sur la création purement américaine qu’est le super-héros de bande dessinée. La réflexion sur l’ambiguïté morale et l’impunité de cette figure est menée plus profondément que jamais, soulevant des questions politiques, éthiques, et métaphysiques. La narration principale est agrémentée d’éléments extérieurs qui étayent le récit : articles de journaux sur les watchmen, comics achetés au kiosque, comptes-rendus psychiatriques et extraits du journal de Rorschach. Watchmen est un roman graphique dense et parfois tortueux, mais il offre au lecteur sérieux la gratification d’un bijou inégalé dans le genre du comic de super-héros.
Batman : Les Fous d’Arkham, Grant Morrison, Dave McKean
Batman : Les Fous d’Arkham est un roman graphique écrit par Grant Morrison, un scénariste de bande dessinée écossais, et illustré par Dave McKean, un dessinateur anglais. Les Fous d’Arkham est leur œuvre la plus connue et la plus saluée par la critique.
Dans Les Fous d’Arkham, Batman est appelé à l’asile de Gotham City, l’hôpital psychiatrique Arkham, où sont enfermés la plupart de ses ennemis. Une émeute a eu lieu, et le Joker tient le personnel de l’asile en otage, sa seule demande étant qu’on fasse venir Batman. Le Joker propose à Batman une partie macabre de cache-cache, lui laissant une heure pour sortir de l’hôpital, alors que toute la galerie de ses opposants est à ses trousses. Alors que Batman s’aventure plus profondément dans l’asile, il fait la rencontre successive de ses anciens adversaires, tous plus ou moins violemment transformés par les traitements reçus à l’hôpital. Double-face en particulier, à qui on a arraché la pièce de monnaie qui lui permettait de faire des décisions, est incapable d’agir et plongé dans une terrible apathie. En parallèle de sa traversée, le lecteur découvre l’histoire de l’asile lui-même, de son fondateur Amadeus Arkham, lentement sombré dans la folie, et les mystères originels sur lesquels a été bâti l’hôpital.
Si c’est Frank Miller qui a donné à Batman son orientation décidément gothique, violente, et désespérée, Grant Morrison et Dave McKean poussent dans Les Fous d’Arkham la noirceur à son extrémité. Les choix plastiques de Dave McKean sont inhabituels pour le genre du comic de super-héros : un mélange de peinture, de collage, et de photographie, et une galerie symbolique dense et surréaliste, virant vers l’horreur psychologique. Il faut également noter le travail de Gaspar Saladino, le typographe, qui crée une police et une calligraphie différente pour chaque personnage, au plus proche des voix respectives des acteurs de l’histoire. Dans Les Fous d’Arkham, la distinction entre le bien et le mal s’estompe face l’obscurité de l’univers dans lequel chacun est plongé. Morrison et McKean tirent Batman du super-héros gothique au protagoniste d’une œuvre d’horreur, aussi étrange et anormal que ses adversaires, des antagonistes amoindris que l’on ne peut s’empêcher de prendre en pitié.
Silence, Didier Comès
Didier Comès était un auteur de bande dessinée belge. D’abord dessinateur industriel, il se tourne ensuite vers la presse jeunesse et la bande dessinée. Silence, n’étant pourtant que le deuxième album publié par Comès, est considéré comme son œuvre majeure, et consacre sa carrière d’auteur de bande dessinée. D’abord paru dans la revue de bande dessinée À Suivre, Silence fait ensuite l’objet d’une publication à part entière chez Casterman.
Silence est un jeune homme muet et simple d’esprit, vivant dans un village des Ardennes. Il est l’homme à tout faire d’un riche agriculteur influent de la région, odieux et tyrannique avec Silence. Il communique par le biais d’une ardoise qu’il recouvre de phrases simples et remplies de fautes d’orthographe. Dans ce village reculé, où les superstitions et les croyances locales voient des chouettes clouées aux portes des maisons pour se protéger des mauvais esprits et des malédictions, Silence mène une vie innocente et tranquille, incapable de se rendre compte de la cruauté de son maître à son égard. Il considère d’ailleurs celui-ci comme son meilleur ami. Proche des animaux et de la nature, Silence fait alors la rencontre d’une sorcière aveugle, paria locale, aussi détestée que crainte. À travers cette rencontre, il fait la découverte du secret de ses origines, de la raison de son assujettissement, et de l’identité véritable de son maître. Tiraillé entre son inhérente bonté et la nécessité de la vengeance, le destin de Silence et du village entier se met doucement en marche.
Didier Comès signe une œuvre dans un noir et blanc majestueux, entre l’innocence et l’impureté. Comès s’inspire directement de sa propre enfance campagnarde, marquée par le folklore local et les paysages champêtres. Les personnages de Comès ont souvent des traits reptiliens, et son univers est toujours onirique, parfois fantastique, mobilisant des personnages mystérieux, sortis de l’univers du conte de fée, du cirque et du cabaret. Silence est une réflexion sur l’étrangeté et l’identité, les paria souvent moins monstrueux que les hommes respectés, et leur vengeance sur un monde qui leur fait violence.
L’arabe du futur : Une jeunesse au Moyen-Orient, Riad Sattouf
Riad Sattouf est un auteur de bande dessinée et réalisateur français. En bande dessinée, il est particulièrement connu pour ses séries Pascal Brutal, dans le magazine Fluide Glacial, et La vie secrète des jeunes, chez Charlie Hebdo. Au cinéma, il réalise notamment Les Beaux Gosses et Jacky au royaume des filles. L’arabe du futur est une série de romans graphiques autobiographiques, toujours en cours de parution.
Riad est franco-syrien, fils d’une mère française et d’un père syrien qui se sont rencontrés sur les bancs de la Sorbonne. Alors que son père décide de s’installer en Lybie, puis en Syrie, auprès du reste de la famille Sattouf, Riad fait la découverte du contexte politique du Moyen-Orient, et du socialisme arabe en place. Son père, grand admirateur du général Kadhafi et des dictateurs arabes virils et modernes, souhaite le voir faire de grandes études au Moyen-Orient. Enfant blond, Riad vit dans un entre-deux culturel, considéré comme un arabe dans le village breton où il rend visite à ses grands-parents français, et comme un occidental ou un juif à l’école en Syrie, où la religion musulmane occupe une place majeure. Alors que Riad passe de l’enfance à l’adolescence, et commence à vivre une puberté difficile, les tensions entre le côté maternel et le côté paternel de sa famille se durcissent. Sa mère, épuisée, souhaite retourner vivre en France, tandis que son père, de plus en plus religieux, obsédé par son honneur et mentant constamment à sa famille sur ses revenus, souhaite partir vivre en Arabie Saoudite. Une césure s’opère au sein de son foyer, et dans les ruines du mariage de ses parents, Riad doit mener de front sa vie d’adolescent.
Riad Sattouf offre à son lecteur une galerie de personnages dépeints sans concession, s’arrêtant sur les tics, les habitudes et les faiblesses des personnes qui lui ont été les plus proches. Il fait preuve d’un talent pour l’observation des plus petits éléments qui révèlent l’essence des différents acteurs de son enfance, et ne montre pas beaucoup plus d’indulgence pour son propre personnage, dont la croissance semble être un long déclin. Sur un ton tragi-comique, entre dureté et compassion, il nous rend visible la manière dont les liens familiaux se font et se défont.