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Les souffrances du jeune Werther : l’avènement du romantisme

Chaque courant artistique possède ses figures de proue : il est par exemple impossible de ne pas avoir sous les yeux une peinture de Caspar David Friedrich en cherchant la moindre information sur le romantisme !

Bien que le romantisme se décline sous plusieurs formes selon les périodes et les pays, le courant a été influencé par quelques œuvres qui annoncent de nombreux éléments qui le caractérisent : en France au XVIIIe siècle avant la révolution, Jean Jacques Rousseau avec Les rêveries du promeneur solitaire et en Allemagne le premier roman de Johann Wolfgang von Goethe : Les souffrances du jeune Werther.

Les souffrances du jeune Werther est un roman épistolaire : Werther écrit à l’un de ses amis lui faisant part de ses états d’âme par l’intermédiaire de lettres. Le protagoniste est un jeune homme fuyant les grandes villes et les soirées mondaines bourgeoises dans une petite ville paisible où il trouve paix et sérénité. Il aime les arts et la culture antique comme l’atteste sa lecture de prédilection : « son Homère », et à l’instar du voyageur de la peinture de Friedrich, c’est un contemplateur et un solitaire. Néanmoins, Werther aime être en présence des enfants, il aime jouer avec eux et leur raconte des histoires, les observe lorsqu’ils sont avec leur mère. Il met en avant le caractère pur et innocent de ces scènes, en les comparant à la froideur de la société bourgeoise et aristocratique encombrée de codes et de bienséances absurdes. Il éprouve une nostalgie en confondant les paysages bucoliques ainsi que la pittoresque vie des villageois avec des époques passées. Lors d’une soirée rassemblant toute la bonne société des alentours, il rencontre Charlotte, fille d’un notable de la région et en tombe éperdument amoureux, lui vouant presque un culte secret. Charlotte, promise puis mariée à un bourgeois de la région, Albert, vit des relations étroites et tumultueuses avec Werther, consciente d’avoir en face d’elle un jeune homme souhaitant lui offrir un amour passion qu’elle recherche secrètement, mais préférant pour la stabilité de sa situation un homme bien placé et sans trop d’états d’âme.

Dans la seconde partie du livre, Werther sombre dans le désespoir constatant l’amour impossible qu’il souhaite avec Charlotte, qui ne rejette pas ses déclarations lyriques, mais ne peut se lancer dans une aventure romanesque avec le jeune homme de par sa position sociale et sa situation matrimoniale.

La souffrance est accentuée de voir Charlotte partager sa vie avec Albert, l’opposé complet de Werther : bourgeois honnête et sans passion, content d’une situation stable favorable à la prospérité de ses affaires. Ainsi tourmenté par ce désenchantement, la joie de ses contemplations laisse place à la dépression et les lettres prennent une tournure tragique. Il évoque l’idée que seule la mort serait en mesure le libérer des passions qu’il ne pourra satisfaire et ainsi mettre un terme à ses souffrances.

Il prépare ainsi son suicide minutieusement, qui est chargé de symboles : l’arme qu’il utilise est un pistolet donné par Albert pour qui l’idée du suicide de Werther n’aurait jamais pu lui traverser l’esprit, et son dernier repas est identique à celui du Christ avant son arrestation, composé de pain et de vin.

Goethe n’a que 24 ans lorsqu’il écrit cet ouvrage qui connaît un grand succès dans les salons littéraires à sa sortie. Le personnage de Werther et de Charlotte, ainsi que le suicide du jeune homme vont avoir un retentissement énorme dans la jeunesse européenne de l’époque, à tel point que, selon certains écrivains, des jeunes gens imiteront Werther : sa manière de s’habiller, ses centres d’intérêts, son amour passionné, jusqu’à son suicide.

Werther se fait une idée telle de l’amour et de Charlotte, qu’il est nécessairement désenchanté. Ses attentes et son idéalisation le mènent à la mort : il se coupe totalement des réalités physiques et ne pense qu’à ses propres idéaux et aux images qui en découlent.

Comme cette image me poursuit ! Que je veille ou que je rêve, elle remplit seule mon âme. Ici, quand je ferme à demi les paupières, ici, dans mon front, à l’endroit où se concentre la vision intérieure demeurent ses yeux noirs

Goethe illustre que l’excès d’idéalisation mène à la frustration et au désespoir : aux yeux de Werther, Charlotte est moins une personne que la représentation de l’amour même, il ne voit pas Charlotte telle qu’elle est mais l’intellectualise. Ainsi l’incompréhension de la voir mariée à un homme qui ne l’aime certainement pas ou du moins par intérêt : dans sa logique, il est le plus légitime d’offrir à Charlotte ce qu’elle cherche, ce qui est certainement le cas, mais en omettant tous les éléments extérieurs : la société, l’argent, la famille.

Les souffrances du jeune Werther compose ainsi avec les grands thèmes plus tard utilisés à l’essor du romantisme : la passion amoureuse confrontée à la société et aux institutions, la mélancolie, la nostalgie du monde antique et médiéval, des grandes idées transcendantales mises à mal par le rationalisme des Lumières.

Qu’est-ce que l’homme, ce demi-dieu si vanté ? Les forces ne lui manquent-elles pas précisément à l’heure où elles lui seraient le plus nécessaires ? Et lorsqu’il prend l’essor dans la joie, ou qu’il s’enfonce dans la tristesse, n’est-il pas alors même retenu, et toujours ramené à la morne et froide conscience de sa petitesse, alors qu’il espérait se perdre dans l’infini ?

Sources :

  • Les souffrances du jeune Werther, Goethe, folio classique, traduction de Bernard Groethuysen
  • Great Authors – Neoclassical and Romantic Literature – Goethe, The Sorrows of Young Werther, Michael Sugrue : https://youtu.be/uPvmY8PLQBg?si=q5O_9qVYWe9aaOgn
  • Wikipédia.org (https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Souffrances_du_jeune_Werther, https://fr.wikipedia.org/wiki/Romantisme, https://fr.wikipedia.org/wiki/Sturm_und_Drang)