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Gaël Davrinche : Des Fleurs Qui Questionnent

Depuis le 9 juin et jusqu’au 15 octobre, le Fond International d’Art Actuel du Mans accueille l’exposition « As-tu changé l’eau des fleurs ? » présentant le travail de l’artiste Gaël Davrinche.

Nebula 7, 2017

À travers des couleurs, de la luminosité, du grand format ainsi que beaucoup de questionnements sur la réinterprétation d’œuvre et l’actualité, plongez dans le travail d’un artiste autant complet que complexe.

Tout d’abord, Gaël Davrinche est un artiste bien établit dans le monde de l’art. Diplômé des Beaux-Arts de Paris, il enseigne puis commence une carrière de peintre à l’international. Son travail réinterprète d’abord les grandes peintures classiques en tentant de les déconstruire. Ensuite, il se spécialise dans le portrait puis récemment s’attaque au grand sujet des fleurs.

Une oeuvre complète…

Le FIAA a, en effet, décidé de se concentrer sur son oeuvre floral avec de grandes peintures colorées et lumineuses. Premièrement, en entrant dans la salle, les spectateur.ice.s sont frappé.e.s par la multitude de couleurs, de formes, de mouvements des tableaux. Les oeuvres sont très lumineuses grâce à la technique particulière utilisée par Davrinche. En effet, il utilise la couleur blanche de la toile comme élément graphique dans ses compositions. On peut le voir dans le tableau Papayer Nudicaule de 2023. On y voit grosses fleurs colorées, de belles tiges nuancées de vert mais aussi, donc, de grandes zones blanches.

Papayer Nudicaule, 2023 : Une vision du monde aussi belle que sinistre. ©Anaë Leffray

« Le blanc est une source d’inspiration, de lumière, de souffle. »

Gaël Davrinche

Ce tableau permet également de voir l’importance du geste dans son travail. En effet, Davrinche utilise des pinceaux mais aussi des chiffons ou encore ses doigts et mains pour peindre.

Ces différents techniques traduisent toutes les émotions que l’artiste souhaite transmettre dans ses tableaux. Certaines de ses oeuvres sont parfois l’incarnation même de l’émotion en peinture.

Ce tableau nous permet aussi de traiter de la vision du monde que l’artiste porte dans son travail. Il dit lui même dans un interview qu’il possède une vision assez sinistre du monde. Or, l’utilisation d’un rouge sang et d’une touche violente dans Papaver Nudicaule traduit cette vision négative.

Ses travaux de 2023 nuancent fortement avec ses précédentes compositions florales. Cette évolution est mise en scène sur un mur ou est opposé une toile de 2018 (Nocturne 8) avec une toile de 2022. En effet, depuis 2018, l’artiste s’est réapproprié le blanc de la toile pour produire des travaux toujours plus lumineux.

Travail de 2022 (à gauche) / Nocturne 8, 2018 (à droite). ©Anaë Leffray

Qui réinterprète des classiques…

Déjeuner sur l’herbe #non-binaire, 2023. ©Anaë Leffray

Ensuite, une autre partie importante de la peinture de Gaël Davrinche est la réinterprétation d’oeuvres classiques. L’exposition du FIAA en propose trois, dont celle des Tournesols de Van Gogh. Les couleurs sont plus vives que le tableau de 1888. Les fleurs sont peintes avec la touche de Davrinche évidemment. Enfin, le format est beaucoup plus grand que celui du peintre néerlandais.

Les deux autres réinterprétations proposées par Gaël Davricnhe sont celles du Déjeuner sur l’herbe de Manet sous les titres : Déjeuner sur l’herbe #non-binaire et Déjeuner sur l’herbe #LGBTQ+. Ici, l’artiste propose une relecture de l’oeuvre scandale de Manet. En effet, à l’époque, le tableau fait scandale car il présente une femme nue en arrière plan n’ayant aucun lien à la mythologie. Or, à l’époque, les modèles de nu étaient des personnages mythiques.

Gaël Davrinche reprend la composition de l’arrière plan avec son style. En revanche, les personnages sont blancs, comme découpés du reste. Subtilement incrustées dans la végétation : les couleurs des drapeaux non-binaires et LGBTQ+. On assiste ici non seulement a une relecture de l’oeuvre de Manet mais aussi à une appropriation d’une identité queer qui n’est pas celle de l’artiste.

La démarche prônée par Davrinche est le fait de reprendre le caractère scandaleux du Déjeuner sur l’herbe de Manet en le réactualisant à des causes qui créent aujourd’hui le scandale dans nos sociétés.

Peut-on parler ici d’appropriation culturelle et d’instrumentalisation d’une cause qui n’est pas la sienne ? Ou alors parle-t-on d’un homme blanc, bourgeois, cisgenre et hétérosexuel qui se pose des questions sur les actualités de son époque ? Je n’ai pas la réponse mais il est légitime de se poser ces questions.

Déjeuner sur l’herbe #LGBTQ+, 2023. ©Anaë Leffray

Et qui traite d’un sujet majeur de l’histoire de l’art…

De fait on remarque dans l’exposition l’utilisation de grands formats, taille intéressante pour des compositions florale. Peut-être prouver qu’au final, la nature reprend toujours ses droits. Ce format permet a l’artiste de proposer des oeuvres vivantes et en mouvement avec un « geste libre et sauvage ». La peinture donne l’impression de danser et de vivre sur la toile. Ce format donne du rythme a son travail. De plus, la scénographie épurée de l’expo laisse la place à la peinture de parler d’elle-même.

Ces grands formats remettent également les fleurs à la grande place qu’elles occupent dans l’histoire de l’art; en effet; aucun ni aucune artiste n’a pas produit de série sur les fleurs. C’est un sujet très répandu en peinture. Il se décline sous toutes ses formes selon les époques depuis les vases japonaise du 17ème siècle jusqu’aux fleurs de Takashi Murakami.

Un grand format présentant un paysage bucolique et appelant à la préservation de la nature. ©Anaë Leffray

Même si l’exposition du FIAA se concentre sur le travail floral de l’artiste, Davrinche a traité de nombreux autres sujets dont le portrait ou l’autoportrait.

Au final, le peintre Gaël Davrinche dit de ses fleurs qu’elles ne sont qu’un « prétexte pour faire exploser la couleur ». On le comprend effectivement dans l’exposition, ce qui l’importe le plus ce sont les couleurs, les mouvements, la matière, la lumière et non le sujet en lui-même.

Cette exposition questionne en fait sur beaucoup de choses : Quelle est la place de la toile dans une composition ? Comment se ré approprier des oeuvres classiques en tant qu’artiste contemporain ? Est-on légitime de traiter de tous sujets sous prétexte de se questionner sur ceux-ci ? Comment traiter d’un sujet déjà examiné sous toutes ses coutures depuis des siècles ? Que fait-on de l’omniprésence des hommes blancs, bourgeois, cisgenres dans l’art ?

https://www.fiaa-lemans.com/gaël-davrinche

Film de présentation du travail de l’artiste. ©Fondation Audiovisuelle Art et Design