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Comptes rendus d'expos

L’art comme catharsis chez Louise Bourgeois

Lorsque l’on se rend au Centre Pompidou à Paris, il est possible de voir une oeuvre de Louise Bourgeois au quatrième étage, dans les collections contemporaines. Cette œuvre, c’est Precious Liquids (1992). Il s’agit d’un cylindre en bois à l’intérieur duquel se trouve une scène à première vue énigmatique : on y voit un lit avec des récipients en verre placés à côté, ainsi que des vêtements d’homme et d’enfant accrochés ensemble au mur. Tout ceci est typique du travail de Louise Bourgeois, qui se focalise sur sa propre vie et ses expériences passées au sein de sa création artistique. Ses parents ont notamment joué un rôle très important dans sa vie et son art. Les vêtements masculins renvoient au père de l’artiste, dont elle parle beaucoup, puisque lors de son enfance celui-ci trompait sa femme avec la professeure d’anglais de ses enfants. Les récipients en verre quant à eux sont destinés à recueillir ces « liquides précieux », liquides que le corps produit lorsqu’il est soumis à des émotions.

Il faut recréer ce passé et espérer être objectif de façon à s’en débarrasser.

Louise Bourgeois
Louise Bourgeois
Precious Liquids, 1992, Centre Pompidou ©Joana Sarralheiro

Sur l’extérieur de ce cylindre en bois est écrit « Art is a guaranty of sanity » (l’art est une garantie de santé mentale). En effet, Louise Bourgeois tire son art de sa propre vie et de son passé. Elle utilise le terme « d’exorcisme » pour définir cette notion de catharsis dans son oeuvre. En créant à partir d’événements traumatiques vécus, elle se purge et se détache du passé. Lors d’un entretien que l’on peut voir dans le film Louise Bourgeois de Camille Guichard (2008), l’artiste dit : « Il faut recréer ce passé et espérer être objectif de façon à s’en débarrasser », et ajoute qu’il est très dur de laisser son passé derrière soi, mais que l’on est obligé de le faire, sinon on étouffe. Le spectateur se retrouve ainsi toujours devant une oeuvre chargée des souvenirs et traumatismes de l’artiste, ce qui rend son art extrêmement personnel et touchant. Le visiteur peut même parfois s’y identifier à sa façon, notamment dans les rapports aux figures parentales.

Louise Bourgeois a également eu une phase obsessionnelle avec les maisons. Elle a réalisé de nombreux dessins et peintures sur le concept de Femme-Maison, femme et maison étant ainsi liées, une maison pouvait avoir des jambes et bras de femme par exemple. Ceci renvoie au rôle central de la femme dans le foyer familial, ce qui pourrait alors constituer une critique féministe de la part de l’artiste. Elle ne s’est jamais revendiquée comme telle, mais elle est femme, et comme elle l’a mentionné dans l’entretien cité ci-dessus :

« Je suis une femme donc je parle de femmes. Je ne parle pas de sujets que je ne connais pas ».

Louise Bourgeois

Son attitude envers les maisons s’explique par une pulsion de les collectionner, à la condition qu’elles soient vides. Traumatisée dans son enfance par les disputes autour d’elle (entendre deux personnes se disputer est pire pour elle que de se disputer avec l’une des personnes), collectionner des maisons vides est pour elle un moyen de se prouver que personne ne s’y dispute.

Ainsi, Louise Bourgeois utilise l’art comme moyen de guérison de ses traumatismes d’enfance. Le public ressent une charge émotionnelle intense autour de ses oeuvres, et comprend que pour elle, l’art n’était pas qu’un travail ou un plaisir, mais une réelle nécessité pour sa santé mentale.